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On a parlé de Tayc, de culture rap et de créativité avec Dehmo

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Dehmo, le rappeur parisien ex-membre de la MZ a fait son retour avec son deuxième album solo, Addict. On a discuté avec lui de Tayc, d’Élisabeth Lévy et de créativité.

Après la séparation de la MZ, Dehmo a été très prolifique et a multiplié les projets. Tout d’abord avec sa mixtape Ethologie et son EP Poetic Bendo en 2017, puis avec son premier album Métronome en 2018. Au fur et à mesure de sa carrière, il a su s’imposer seul dans le paysage rap francophone. Après son dernier projet sorti en juin 2019, Dehmo a tenu à marquer un temps d’arrêt avant de faire son retour avec Addict, son nouvel album. 

Dehmo, comment tu te sens à l’idée de sortir cet album ?

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Je me sens tranquille de fou, je suis à l’aise.

Depuis le début de ta carrière solo en 2017, tu as sorti quatre projets. Pourquoi avoir pris un peu plus de temps pour celui-là ?

Honnêtement, j’avais la flemme. J’ai fait quatre projets en trois ans : venez on reste cool, quoi. Je devais revenir cet été mais on a décalé à cause du Covid. Ça m’a permis de plus taffer sur le projet, de le peaufiner au maximum.

Comment as-tu vécu ces confinements ? Tu as réussi à créer ou c’était compliqué ?

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Tu parles à un fou. Moi je kiffe la musique pour de vrai, tous les soirs je suis devant FIFA à fumer et à écouter des instrus. Tous les soirs j’écris, c’est mon sport à moi. Je prends pas la musique pour un taff, c’est à partir du moment où je parle de mon projet avec toi que ça devient un taff. Quand on me pose des questions du style : « Comment t’as créé ton projet? », je me demande toujours comment je vais répondre. Quand je rentre sur un terrain pour un foot, je me demande pas comment je vais jouer, c’est instinctif. C’est pareil pour la musique et c’est vraiment un kiff de faire ça. Quand je reçois pas de nouvelles instrus je vais sur YouTube écouter des type-beats, juste pour continuer à écrire ou explorer un autre délire. Rester chez moi pour écrire et faire de la musique, c’était pas un problème.

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Tu nous parles des instrus, tu travailles avec des producteurs en particulier ou tu as une adresse mail où n’importe qui peut t’en envoyer ?

Les deux ! Je ferais toujours en sorte de mettre les instrus des producteurs avec qui j’ai taffé en avant mais j’écoute tout ce qu’on m’envoie. Je m’en fous que ce soit ta première prod’, que ce soit ton métier ou juste une passion, j’écoute tout avec le même intérêt. C’est juste de la musique. J’ai bossé avec des gens qui m’envoient toujours des prods, qui sont sur le projet et qui j’espère seront là pour ceux d’après. Mais je me limiterai jamais à me dire : “Faut que je bosse avec telle équipe”. Je suis avec eux depuis le début. C’est de la musique, c’est de l’art. C’est quelque chose qui est fait pour évoluer et pour qu’on s’amuse.

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Tu étais habitué aux collaborations avec des artistes proches de toi, pourquoi avoir choisi TayC et Chilly pour cet album ?

En vrai, je suis toujours aussi fermé. On pourrait se dire que c’est des mecs qui viennent de loin mais ils étaient juste à côté. Tayc et moi, on se connaît depuis longtemps et il aurait facilement pu poser sur les quatre précédents projets. Chilly c’est un bon petit frère de mon quartier, c’est pas un mec que j’ai besoin d’appeler. C’est un mec que je croise tous les jours donc je reste dans mon cercle de potes mais je m’ouvre musicalement. TayC est le vrai roi du R&B en France. Il y a des gens qui font plusieurs choses et qui essaient de trouver leur voie, lui il savait déjà dès le début. C’est en lui et ça rajoute une couleur à l’album, comme le morceau avec Chilly d’ailleurs.

Sur “Ma vie”, “Aly Bomayé” et “Tout est cassé”, on a l’impression que tu essayes de t’orienter vers des morceaux plus mélodieux.

Aujourd’hui, je trouve ça plus intéressant d’explorer cet univers dans ma musique et plus le temps passe, plus je me retrouve dans les morceaux mélodieux et calmes. Après, il faut quand même pas oublier que je suis arrivé dans le rap en kickant et que je sais toujours le faire. Des morceaux comme “Zoogang”, “Pikachu” ou encore “Interlude” sont là pour le rappeler. D’un côté, on élargit la palette et de l’autre, on reste sur les bases.

Dans l’interlude, on retrouve un extrait d’Élisabeth Lévy qui déclare «Le rap est un art très premier degré. La violence, les menaces, l’appel à la haine (des policiers) sont consubstantiels au rap. C’est l’expression de la “culture racaille”. Toute parole déplaisante, toute offense déclenche des “je vais te tuer”.» Pourquoi ce choix et comment as-tu réagi en tombant dessus ?

Honnêtement, je peux comprendre son raisonnement. Il y a plein de gens qui ne sont pas dans le rap comme nous et qui ne comprennent pas cette culture. Je me mets à la place du mec qui habite dans sa campagne, qui voit tous les jours les infos et qui voit la mauvaise image que les médias transmettent du rap. Peut-être que, lui, il a pas forcément envie d’aller découvrir le rap et toutes ses palettes par lui-même. Après ça reste un peu con de la part d’Élisabeth Lévy. Au lieu de proférer des trucs comme ça en direct et de les assumer comme si c’était l’unique réalité, faut quand même se renseigner.

Elle a parlé comme quelqu’un qui ne connaît que la vitrine mais qui n’est pas rentré dans le magasin. À partir du moment où tu n’es pas rentré, tu ne peux pas dire que tout le monde rappe de la même manière. Le rap c’est évidemment de la violence, mais c’est aussi des revendications et plein d’autres choses. C’est mon ingénieur du son qui est hyper activiste qui m’a montré l’extrait. Ça m’a parlé et je lui ai dit : « Faut qu’on prenne cet extrait là, faut qu’on le mette sur l’interlude ». Ce morceau, ce n’est que du kickage, ça va dans tous les sens et je trouvais que ça passait super bien avec l’extrait.

En parlant de kickage, tu as choisi « Pikachu » comme premier single. Pourquoi ?

Tous les morceaux que je fais, je les envoie à Hache-P. Le morceau n’était même pas censé sortir et cet enfoiré l’écoutait en voiture en faisait monter toute la terre. Il a fait une propagande de fou autour de ce morceau en me disant : « Clippe le ! Clippe le ! » Même ses cousins m’appellaient en me disant  : « Oh lourd ton morceau Pikachu ». Ils m’ont tous tellement saoulé avec ce son que je me suis dit : « Tu sais quoi ? On va faire kiffer le quartier et on va le clipper ». Vous pouvez dire merci à Hache-P !

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Tu as dédié un morceau à Pop Smoke, d’autres artistes t’ont inspiré pour concevoir l’album ?

Pas vraiment. La claque que j’ai pris, c’est la drill, et je voulais juste lui rendre hommage. C’est comme Fivio Foreign, ils ont une manière de poser qu’eux seuls ont et que personne d’autre n’aura.

« Intro » est un morceau très introspectif où tu montes en intensité tout au long de ton couplet. 

L’album était presque fini et il manquait une intro. À mes yeux, mes intros doivent toujours être spéciales, il faut qu’elles te mettent dans le délire direct. C’est le seul morceau où je me dis : «Faut pas que ce soit de la musique pour de la musique, faut que ça ait du sens et que ça plonge dans le projet.» J’ai écouté l’instru et j’ai directement su que c’était ça. Pour une intro, j’ai besoin de quelque chose de minimaliste. Quelques notes de piano suffisent pour me piquer. Le texte vient direct et j’ai pas besoin de réfléchir, c’est comme ça que je sais que j’ai trouvé mon intro. 

En tant que kickeur, tu écris tous tes morceaux avant d’aller au studio ou ça se transforme parfois en freestyle ?

J’écris tous mes morceaux avant. Je pourrais y aller directement mais je déteste perdre du temps en cabine. Je suis déjà chez moi dans mon aquarium à écrire des trucs donc je ne vais pas encore m’asseoir au studio pour écrire. J’ai l’impression que ce serait une perte de temps donc quand j’arrive au studio, tout doit être là. 

Tu peux nous parler de ta cover ?

C’est Igniseum qui l’a faite. C’est lui qui a fait presque toutes mes covers. Quand il m’en parle, il a les yeux qui brillent, mais moi je saurais même pas tout expliquer. J’aime bien regarder mes covers comme un fan. Cette cover, je la kiffe mais c’est pas moi qui ai taffé dessus, je me dis juste : “Ouah lourd, j’aurais pas pu me voir stylé comme ça”. Je vois exactement ce qu’il veut me dire quand il me la décrit, mais je saurais pas l’expliquer à mon tour. 

À quoi es-tu Addict

À la musique tout simplement. Si je bé-tom et que je vais en prison sans rien, c’est taper du pied et fredonner des paroles qui me sauveront. Il y en a c’est le foot, d’autres c’est l’alcool, moi ce serait la musique. Ça fait 10 ans que je suis dans le rap mais j’ai l’impression de toujours avoir l’inspiration du début. À un moment, j’ai eu peur de la page blanche mais je me rends compte que j’ai encore plein de trucs à dire.

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