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Diam’s, autopsie d’une discographie visionnaire

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Diam's : quatre titres dans lesquels la rappeuse a décrypté la société française avec quelques années d’avance.

Diam’s a décrypté la société française avec quelques années d’avance. La preuve par quatre (morceaux). 

Diam’s fêtait ses 37 ans cette semaine, l’occasion pour la presse people de buzzer un coup sur sa nouvelle vie, ses croyances, son absence des réseaux sociaux… Bref, sur de l’intime, de l’indiscret : tout ce qui effrayait la rappeuse durant sa décennie au sommet.

Pas une ligne sur Diam’s en tant qu’artiste. Rien sur le manque qu’elle a laissé depuis l’arrêt de sa carrière en 2009. Malgré l’émergence d’une série de nouveaux talents dans le rap français, la rappeuse reste indéboulonnable des playlists des amateurs du rap mainstream comme de celles des puristes. Pourquoi ? Parce que Diam’s avait le génie des plus grands artistes et le courage des plus grands citoyens : celui d’investir le rôle de lanceur d’alerte. Ses textes pouvaient se regarder comme des warnings clignotants. Écouter attentivement ses paroles, c’était écouter le risque, s’informer sur ce que nous pendait au nez.

 

« Ma France à moi » (2006) alertait des dérives des débats sur l’identité nationale

Un an après la sortie de « Ma France à moi » extrait de l’album Dans ma bulle, la campagne présidentielle de 2007 tourne autour de la question de l’identité française et de ses symboles. S’en suit la création du ministère de l’immigration et de l’identité nationale, une fois Nicolas Sarkozy au pouvoir.

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Dans ce titre, Diam’s définit elle-même son identité et son attachement à la France. Elle refuse de le faire par des mots de sciences sociales instrumentalisés, mais décrit son pays par ses références culturelles (de Jamel Debbouze à Basile Boli) et  les réalités sociales qu’elle côtoie (« leurs BEP mécaniques ne leur permettront pas d’être patron », « nos parents travaillent depuis 20 ans pour le même montant ») qui sont, selon elle, les causes d’une identification compliquée au seul « nous » souhaité par les politiques.

Et si l’on pousse d’un cran la démonstration, on note que dans le clip, l’homme qui traverse la France de Diam’s et ne la supporte pas, ressemble de manière troublante à Alain Soral, idéologue d’extrême droite et figure phare de la « fachosphère » ces dernières années.

« Jeune demoiselle » (2006), avertissement de l’amour-supermarché

Dans le clip (qui amusait beaucoup à l’époque tant il semblait irréaliste), chacun des prétendants au titre de « mec mortel » est exposé en vitrine. Cette image, bien que moins crue, n’est pas sans rappeler celle de Damso et Vald dans leur clip du même nom.

Avec le recul des onze années qui nous séparent de la réalisation du clip, ce dernier ne semble plus si fantaisiste, il se révèle même être une illustration de l’amour via les applications de rencontre. On swipe sur Tinder, à droite ou à gauche, avec pour seul critère de sélection une photo « de vitrine ».

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La longue liste de critères que Diam’s exige de l’homme de ses rêves rappelle tous les paramètres que l’on peut cocher sur certaines applications de dating pour écrémer les profils et espérer tomber sur ce fameux « mec mortel ».

Diam’s conclue le morceau par : « J’tai pas trouvé sur la planète/ J’te trouverais p’têtre sur Internet », comme pour prédire : peut être qu’alors, les rencontres entre jeunes (le titre s’appelle « jeune » demoiselle) de demain seront quasi-toutes virtuelles.

« Marine » (2006), onze ans avant la présence de la candidate FN au second tour

Alors que Jean-Marie Le Pen est le candidat Front-National aux élections présidentielles de 2007, Diam’s se préoccupe déjà du danger que représenterait sa fille à sa succession. Pour elle, le risque n’est pas le père (elle flaire ainsi qu’il ne sera pas élu), mais Marine Le Pen et ce qu’elle fera du parti.

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Le titre a eu une résonance particulière à quelques semaines des présidentielles 2017. Déterré de YouTube et partagé en masse sur les réseaux sociaux, l’actualité du texte a saisi les internautes, plus de dix ans après son écriture.

« Enfants du désert » (2009), mise en garde à la génération télé-réalité

Comme un ancêtre de « Réalité Augmentée » de Nekfeu, le morceau alerte de la place que prennent les technologies (de l’époque) dans nos vies « Black ou Gold, après le iPhone, il me faut le Bold et le iPod/ Et puis la xBox connectée à la Wiifit/Soirée Sim’s entre filles, on se connecte en wifi !/Oui, je suis « in », on dit que je suis branchée, un peu comme vous tous/Nan, je ne veux pas vous déranger, je passerai plus tard en Bluetooth ».

Ce texte issu de l’album S.O.S est également un témoignage des conséquences que peuvent avoir la notoriété fulgurante, une violente satire des travers qu’apportent la gloire : « l’opulence, la thune », puis « la déprime ».

Aujourd’hui, à l’heure des bloggeurs, des influenceurs vedettes d’Instagram et des starlettes de télé-réalités, les paroles s’interprètent comme une mise en garde à ceux qui souhaitent la célébrité à tout prix et sans effort. Diam’s prévient : le succès soudain mais éphémère et le retour aussitôt dans l’ombre entraînent la dépression.

Ainsi, quand on évoque la rappeuse, comment réussir à en parler totalement au passé ? Pourquoi être nostalgique ? Mélanie Georgiades l’a récemment et fermement démenti : Diam’s ne reviendra pas. Par ses messages visionnaires distillés dans ses textes, l’artiste absente demeure présente. Appuyez sur play et la voilà à vos côtés.

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