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Musique

Quand, à 19 ans, Dinos se présentait comme le « futur du rap français »

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Dinos memento ali
© Fifou

En 2012, Dinos encore Punchlinovic se lançait dans une tirade truffée de punchlines intitulée « Prieuré de Sion ». Méconnu et zappé sur les plate-formes d’écoute, ce titre est un bijou sans la moindre ride.

Il n’avait que 19 ans et s’appelait encore Punchlinovic. Nous sommes en 2012 et Dinos s’immisce timidement dans le rap au rythme de morceaux emplis de caractères et de punchlines. Il transpire le rap, dégouline de références et affiche déjà une maîtrise éblouissante, tant techniquement que lyricalement. C’est à cette époque qu’il choisit de remixer le morceau « Wieder von der Skyline zum Bordstein zurück » de Bushido. Le sien s’appellera « Prieuré de Sion » et sera d’une beauté infinie.

Dinos se présente au rap

En quatre minutes, Dinos livre un sobre curriculum vitæ dans lequel ils se présentent, lui et son rap. Le morceau fait référence à une poussiéreuse confrérie française, liée à l’ordre du Temple. Selon les conspirations, le Prieuré de Sion protégerait un secret capable de faire crouler l’Église Catholique. Mais la référence de Dinos ne va pas plus loin : l’artiste se contente de se balader dans ses pensées, laissant jaillir l’encre de sa plume, en multipliant les punchlines. Ce n’est pas pour rien qu’il avouait dans « Bouchées triples » avec Nekfeu : «Ils peuvent pas m’ignorer, ces cons, ils s’branlent sur « Prieuré de Sion »». Explications.

J’écris mes textes au clair de la lune sauf que j’m’en branle de ton ami Pierrot
Frérot, le temps court comme Christine Arron
Dur de faire des projets carrés lorsque t’as pas un rond

L’ouverture du morceau est d’une efficacité brillante. Dinos laisse couler la moitié d’une mesure avant de commencer son couplet et balancer : «J’écris mes textes au clair de la lune sauf que j’m’en branle de ton ami Pierrot». Le beat a déjà commencé depuis quelques secondes, et l’artiste débarque comme s’il était en retard sur la prod. Son accroche, pleine de désinvolture, reprend les vers de « Au clair de la Lune », avec une petite insulte qui vient trancher avec l’ambiance de la comptine enfantine. Il évoque ensuite la vitesse de l’écoulement du temps, comparée à Christine Arron, une célèbre athlète française, en jouant ensuite sur les formes « carré » et « rond », précisant que les ambitions professionnelles sont mise en péril sans argent. Une masterclass d’entrée.

J’suis insomniaque, mon seul rêve c’est d’pouvoir rêver
La nuit j’m’exile les yeux ouverts, engloutis dans mes draps
Cherchant l’sommeil c’est Morphée qui s’endort dans mes bras

Ce paragraphe, empreint au champ lexical du sommeil et du rêve, fait écho au début du morceau où il précise écrire ce texte au clair de la Lune. Insomniaque, il n’a que pour seul rêve de pouvoir rêver comme tout le monde. Incapable de dormir, il reste les yeux ouverts, seul dans son lit. Dinos détourne enfin l’expression «s’endormir dans les bras de Morphée», pour préciser que c’est Morphée elle-même qui s’endort dans ses bras, comme si elle était épuisée avant lui. Symbolique.

Mais j’crois qu’la Terre est ronde comme Orelsan ou Galilée

Cette punchline est aussi simple que géniale. Dinos se persuade que la Terre est ronde et déploie deux références pour appuyer son argument. D’abord, celle d’Orelsan, qui chantait à l’époque «la Terre est ronde» dans son titre éponyme. En parallèle, il se repose également sur les thèses de Galilée, un savant du XVIIe siècle, convaincu que la Terre était ronde, à une époque où tout le monde se persuadait qu’elle était plate. Ces deux références, opposées, l’une naïve, l’autre pointue, témoigne du grand écart culturel de Dinos : en une seule phrase, il prouve qu’il connaît ses classiques, aussi bien dans le rap que dans le monde scientifique.

J’suis au fond du trou, j’attends qu’Jamel Debbouze me tende la main

Une manière d’exprimer sa solitude tout en métaphore. Au fond du trou, Dinos attend de l’aide. Pourtant, Jamel Debbouze a perdu l’usage de son bras : il explique sobrement qu’il n’attend finalement l’aide de personne.

J’suis dans l’blizzard, dur d’avancer
J’m’appelle Jules, j’mange du porc et j’suis l’futur du rap français
J’essaie d’changer, d’m’adapter
Mais j’suis habité par la quatorzième lettre de l’alphabet

On termine avec le refrain, qui sonne comme une présentation chargée de bousculer les clichés du rap français. En parlant à la première personne du singulier, il précise s’appeler « Jules », un prénom classique, français, qui humanise le rap derrière son personnage de Dinos. Sa manière de dire «j’mange du porc» le différencie des musulmans et des stéréotypes qui entourent le rap français, surtout au début des années 2010. Mais malgré tout ça, il promet : «J’suis l’futur du rap français». On apprécie enfin la conclusion du refrain, où il fait référence à la quatorzième lettre de l’alphabet, le « N ». La haine.

On laisse quelques mentions (très) honorables.

J’ai des mauvais penchants comme la tour de Pise

On jure sur la vie d’nos mères, comme si elles elles juraient sur la nôtre

Mais j’crois qu’j’ai brisé notre amour et Olivier d’chez Carglass n’y changera rien

Dans le reste de l’actualité, il recense les pires punchlines du rap français

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