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On a regardé la série "French Game" d'Arte, et on a aimé On a regardé la série "French Game" d'Arte, et on a aimé

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On a regardé la série « French Game » d’Arte

Photo : DR

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Onze épisodes d’une durée d’un peu plus de cinq minutes chacun, qui donnent pourtant à voir près de trois décennies d’histoire de rap français à travers les yeux de certains des représentants les plus marquants du genre. 

« Demain c’est loin c’est une manière de vivre, c’est vivre au jour le jour. En même temps ce qui est super inquiétant, c’est que quand on écoute les paroles, à part les marques, la monnaie, les noms des voitures, y a pas grand chose qui a évolué ». Ces quelques mots d’Akhenaton nous questionnent : rien n’aurait changé en 30 ans ? C’est la question à laquelle « French Game » tentera d’apporter une réponse en un peu plus d’une heure.

L’histoire commence en 1990. Quelques notes du « Monde de demain » viennent s’apposer doucement à des images urbaines, datant d’une d’époque où les deux rappeurs de NTM oscillaient encore entre les différents piliers du hip-hop. C’est le début d’un voyage tout frais payé par Arte et organisé par Jean-François Tatin, Azzedine Fall et Guillaume Fédou au cœur de presque trente ans de rap français.

11 épisodes d’une durée n’excédant pas huit minutes, consacré à 11 rappeurs (ou groupe de rappeurs) qui ont, chacun à leur manière, su marquer l’hexagone. Les choix n’ont pas dû être faciles, mais il en découle une photographie extrêmement vivante et plaisante de cette musique qu’on affectionne tout particulièrement, ponctuée d’allées et venues dans le temps et l’espace. Des images d’archives aux images inédites, jusqu’au débats inhérents et récurrents au rap dilué par souvenirs et anecdotes, le tout sur une bande-son irréprochable… De NTM à Damso, en passant par Booba et Doc Gynéco, « French Game » est une grande réussite.

La force des images

À chaque épisode, son lot d’images d’époque. Le plus souvent inconnues du grand public, mises en opposition avec des clichés et vidéos plus récents, et même parfois actuels. La jeunesse et genèse de ces rappeurs que certains fans n’ont connu qu’une fois leur carrière bien entamée (tels que les grands de NTM ou d’IAM, avec un point bonus pour les cheveux d’Akhenaton) est illustrée derrière le petit écran par ces extraits vidéos emblématiques. Au travers de concerts, interviews ou clips, le spectateur peut redécouvrir ces artistes qu’il affectionne, et observer le chemin que les plus anciens ont fait jusqu’à aujourd’hui.

La séquence où Booba vient à s’exprimer aux côtés d’Ali sur un plateau télé pour défendre leur morceau « Le crime paie » dans l’épisode sur Time Bomb apparaîtra par exemple comme un échantillon d’une autre planète pour les plus jeunes. Puis il faut dire qu’entendre des artistes parler eux-mêmes de leur oeuvre demeure toujours extrêmement passionnant (comme c’est le cas avec Doc Gynéco, IAM, Gringe pour les Casseurs Flowteurs, Oxmo Puccino, ou X-Men pour Time Bomb)

Des artistes qui ont tous su révolutionner le genre

Nous voilà dans « Le monde de demain », qui, comme l’avait prédit NTM en 1990, leur appartient. Et avec plusieurs décennies de recul, il en est devenu plus simple de saisir ce que chacun de ces représentants du genre ont apporté au monde du rap. De ce fait, alternant entre interviews d’époques et interviews contemporaines, se mêlant à une myriade d’avis d’experts sur le sujet (de journalistes tels que Jean Morel de Grünt, DJ comme AZF, amis et proches, acteurs de l’industrie musicale…), « French Game » aborde les révolutions et mutations permises par chacun de ses artistes.

L’élégance et l’humour des rimes de MC Solaar, le mélange des gens et des genres pour le collectif Time Bomb, le réalisme descriptif d’IAM, la jonction avec la musique électronique de TTC, la génération internet et la genèse du rap iencli par les Casseurs Flowteurs… Une multitude de débats entre musicalité, technicité et société qui vont à chaque fois être abordés en mêlant points de vue et situations sociales des artistes, tout en prenant ce recul que les années ont apporté avec elles.

Et cela sans idéaliser un rap qui connait ses défauts, comme celui de la perception de la femme, longuement abordée dans l’épisode sur la rappeuse Casey. Quelques dizaines de minutes qui nous permettent de saisir en partie le long et tortueux chemin que le rap a parcouru, pour arriver jusqu’à aujourd’hui où tout semble plus simple : « Aujourd’hui c’est cool, tu veux faire du rap, tu mets une casquette, tu copies quelqu’un… tu mets tes potes derrière… ça y est t’es un rappeur » (Oxmo Puccino).

S’il fallait en choisir un seul, ce serait sûrement l’épisode sur Doc Gyneco qui prendrait la première place du podium. Rien que pour son excentricité et sa liberté dans l’exercice de l’interview, comme s’il réussissait à mettre des mots sur ce qu’on pensait, simplement en sortant tout ce qui lui passe par la tête. Un rappeur dragueur, un rappeur farceur, un rappeur de bonne humeur, qui assumait sa rupture avec le hardcore, l’engagement, et tout ce qu’il regroupe sous la « morosité ».

« J’étais pas un fan du spleen de Baudelaire […] J’ai laissé de côté les revendications, je m’intéressais aux meufs »

Une bande-son sur mesure

Vous vouliez (re)découvrir des classiques du rap français ? C’est l’occasion. À chaque épisode, un morceau de l’artiste à l’honneur est choisi pour résumer son oeuvre et servir de point d’entrée à son univers artistique. « Bloqué » pour les Casseurs Flowteurs, « Demain c’est loin » pour IAM, « Bouge de là » pour MC Solaar… l’épisode entier adoptera comme bande-son le morceau qui lui servira également de titre, et le décryptera tout en le replaçant dans l’oeuvre de l’artiste et l’époque. « Boolbi » de Booba aurait par exemple donc ouvert la voix à un rap de club (déjà entrouvert par « Dans le Club » de TTC), et on en apprend plus sur le processus créatif qui l’a mis au monde. Même les difficultés des évolutions techniques sont abordées dans certains épisodes, avec l’exemple de l’autotune (dont Damso a tiré le nom de son morceau) qui a au départ éprouvé quelques difficultés à s’imposer dans le milieu.

Enfin, à la fin de chaque vidéo, une reprise du morceau qui aura été choisi. Une reprise capturée dans l’instant, dans une voiture, sur un toit, en marche dans un quartier, par des artistes divers et variés. Jazzy Bazz pour Oxmo Puccino, Nelick pour les Casseurs Flowteurs, Clara Cappagli pour Doc Gynéco … La preuve en images et en musique d’un univers en constante extension, et en constante évolution, comme nous le prouvent les trois autres séries documentaires de la chaîne, également disponibles en ligne gratuitement : « La vraie histoire du Hip-Hop », « Paris 8 – la fac hip-hop », et « Saveur Bitume ». Tous disponibles à cette adresse.

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