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Bakari : «La musique est le seul endroit où je peux raconter mes peurs»

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Bakari : "La musique est le seul endroit où je peux raconter mes peurs"
(c) Romain Garcin

On a retrouvé Bakari, qui vient de sortir son deuxième projet, l’EP Sur écoute : saison 1 le 7 mai dernier.

Deux ans après son premier projet Kaléidoscope, Bakari revient suite à sa signature chez Hall Access et à son succès grandissant, pour présenter son nouvel EP Sur écoute : Saison 1. Des ambitions bien réelles, une histoire à raconter et une quête vers la reconnaissance de sa ville, Liège : tant d’objectifs qui construisent l’un des artistes les plus intéressants de sa génération.

On sait que le principal enjeu de Kaléidoscope était de t’ouvrir une porte vers le succès, un pari risqué pour un premier projet, tu ne trouves pas ?

C’était un pari risqué, mais c’est pas comme si j’avais un truc à perdre à cette époque-là. C’était ça ou rien en vrai ! J’ai eu de la chance d’avoir une équipe derrière moi qui m’a suivi dans mon délire de fou et ça a permis aux bonnes personnes de m’écouter au bon moment. Mais quand on parle de succès, je trouve ça un peu gros. Il se passe un truc, c’est le début : j’appelle pas ça encore le succès.

C’est quoi alors pour toi le succès ?

Jul peut parler de succès, SCH peut parler de succès, Aya peut parler de succès ! Moi, je suis pas encore à ce niveau-là, je suis en train de faire les trucs !

Heureusement, les retours de Kaléidoscope ont été positifs. Ce projet t’a permis de signer en major, qu’elle a été ton nouvel objectif avec Sur écoute : Saison 1 ?

L’objectif à court terme, c’est de fidéliser les gens : créer une fanbase solide, que les gens soient intéressés réellement par ce que je fais. J’aimerais qu’ils commencent à suivre pour de vrai, comme ça on pourra proposer des formats plus balèzes.

D’ailleurs, la pochette et le nom de ce nouvel EP font écho à The Wire et à une scène de la première saison de la série où D’Angelo Barksdale apprend à Bodie et Wallace à jouer aux échecs.

Oui ! C’est une scène de la saison 1 que je trouve emblématique, dans le sens où il explique à Wallace et Michael comment jouer aux échecs, mais pour qu’ils comprennent bien, il utilise une métaphore en faisant un parallèle entre les échecs et la rue, le quartier et la bicrave. Je trouvais ça intéressant ! C’est aussi mon premier projet, où j’ai une plus grosse exposition, c’est le projet qui explique plus ou moins d’où je viens et qui je suis.

À quel personnage tu t’identifies le plus dans la série ?

Je suis toujours partagé entre Stringer et Omar, mais je vais plus aller du côté de Stringer, parce qu’il a l’esprit d’entreprenariat, du blanchiment. La rue, c’est bien, mais faut pas rester dedans à fond, à un moment faut se ranger et blanchir les trucs.

Moi je te retrouve bien dans Cutty, qui est connu comme une légende de la rue et qui pourrait faire carrière dans le trafic. Mais comme lui, t’as tiré tous les enseignements de la rue et tu les as réemployés dans un autre domaine : la musique.

C’est carrément ça, je considère pas la rue comme une fin en soi. Ce n’est pas un truc que je glorifie. Je suis pas forcément fier de ce que j’ai fait dehors. Mais aujourd’hui j’ai grandi et j’ai plus de recul sur certaines choses que j’ai pu voir ou faire et je me sers des leçons que ça m’a appris pour être quelqu’un de meilleur.

Dans tes sons, on te sent très nostalgique et mélancolique quand tu parles du passé, on le ressent aussi bien dans « À l’époque » sur ta première mixtape Kaléidoscope que sur tout ton EP Sur écoute : Saison 1 où tu te livres beaucoup sur ton histoire personnelle. Est-ce que le fait de te livrer dans tes sons a un effet particulier sur toi ?

La musique, c’est le seul endroit où je peux me livrer. Dans la vraie vie, je rigole tout le temps, je suis très souriant. Il y a souvent un contraste entre ce que les gens voient de ma personnalité et ma musique. La musique c’est vraiment le seul endroit où je peux raconter mes peurs, les trucs les plus profonds qui sont ancrés en moi et que j’ai du mal à dire dans la vie de tous les jours.

N’as-tu pas peur de trop en dire ?

Non justement je trouve que je n’en dis pas assez ! Je suis encore très en surface, il y a des sujets que je pourrais encore plus creuser. J’ai encore beaucoup de trucs à dire.

Le projet se clôt sur « Comme les autres », qui vient mettre un terme à toute cette nostalgie. On te retrouve plus tournée vers l’avenir, comme si tu voulais prendre une revanche sur le passé. Qu’est-ce que ça veut dire pour toi «ne pas être comme les autres» ?

«Ne pas être comme les autres», c’est plus par rapport à l’environnement dans lequel j’ai évolué. C’est le souhait de se barrer de là et de pas se dire que c’est collé à moi à vie et de réduire toute ma vie à ça. C’est vraiment le désir de se construire en dehors de ce délire de rue.

Tu as commencé le rap à 16 ans si je ne me trompe pas, pendant longtemps tu étais dans le kickage comme la majorité des rappeurs, comment as-tu découvert ton talent pour le chant ?

C’est une évolution qui s’est faite en même temps que mon évolution personnelle. À l’époque, je rappais pur et dur, parce que j’étais comme ça en vérité. J’étais très nerveux, très colérique, très bête et méchant ! Et ça s’est fait en grandissant, la vie et l’univers ont fait que j’ai découvert que je savais chanter et j’ai appliqué le truc dans ma musique. Ça me permettait de faire passer plus d’émotions, plus de messages et d’être entendu par plus de gens. Un « n*que ta mère » en rappant ou en criant, ça passe moins bien que si tu le dis en chantonnant avec un peu d’autotune. Limite une daronne peut le chanter et ça passe flex !

Du coup tu entretiens ce nouveau talent, prends-tu des cours de chant ?

J’ai jamais pris de cours de chant, je me débrouille comme je peux quand je suis devant le micro et l’ingé fait sa petite magie.

Entre rap français et américain, musique d’Afrique centrale, variété française et d’autres genres musicaux, comment as-tu construit ton identité musicale au milieu de toutes ces influences ?

Au début c’était très spontané et je me cherchais encore un peu. Mais j’ai une équipe qui a beaucoup plus de recul sur mon travail que moi et c’est eux qui m’ont aidé à me diriger et creuser vers le truc où je suis le plus à l’aise, c’est -à-dire la mélodie et le chant. Mais ça restera toujours un mélange de rap et de chant. À la base, je suis un rappeur et je kiffe vraiment beaucoup le rap. Je ne pense pas que je ferais des sons où je chante uniquement, il y aura toujours l’ADN un peu rap qui ne me quittera jamais

On retrouve un peu de cet ADN chez les gens avec qui tu collabores, que ce soit dans le message ou dans le spleen que ça dégage. Entre Isha, Jäde, Sofiane Pamart et la UziGang, qu’est-ce que tu recherches chez le peu d’artistes avec qui tu collabores ?

Je veux des gens qui me parlent, qui me racontent une histoire. Je veux savoir : t’es qui ? Tu viens d’où ? Pourquoi est-ce que tu parles comme ça ? C’est quoi ton histoire ? Je veux vraiment un échange personnel et même spirituel, que ce ne soit pas juste de la musique. Et même avec les beatmakers je suis comme ça. Une personne comme Jäde, on se parlait sur les réseaux avant de collaborer, on a parlé pendant près d’un an. Je voyais un peu le genre de personne que c’était et elle voyait plus ou moins qui j’étais. Les énergies ont matché directement, parce qu’on s’est retrouvé sur des valeurs communes.

Tu peux nous en dire plus sur cette connexion avec Jäde ?

Franchement c’était très spontané, ça s’est fait sans manager, elle m’a ajouté sur Insta et elle m’a dit : « Je kiffe ce que tu fais ». Et j’ai kiffé aussi ce qu’elle faisait. On est resté en contact un an sans parler musique, vraiment en parlant de tout et de rien. Un jour elle m’a appelé pour un feat sur son projet  et j’y suis allé direct !

Tu es aussi très proche de Sofiane Pamart en dehors de la musique.

C’est le frérot ! Je l’ai connu avant de signer, un gars à moi connaissait son manager et une fois où Sofiane était sur Paname on s’est connecté directement pour faire de la musique dans un premier temps. Mais comme on a beaucoup de gens en commun à BX et Liège, on s’était déjà vu dans d’autres circonstance que la musique. Des petites fêtes, il m’invite on se capte, quand je suis sur Paname et que lui aussi on s’attrape et on parle de tout et de rien, c’est plus que de la musique en vérité.

En retenant tout ça, tu ne pourrais pas faire un feat organisé simplement par la maison de disque ?

Non jamais de la vie ! Faut que l’artiste me parle avant tout.

Tu étais en groupe avant, qu’est ce qui t’as poussé à te lancer en solo ?

Je ne suis pas bien en groupe, parce que j’ai besoin d’être libre à fond pour travailler. Quand t’es en groupe c’est trop de concessions. On parle de groupe mais en vérité ça n’a même pas duré 8-9 mois, très vite je me suis senti oppressé. Dès que j’ai pu, j’y ai mis un terme et je suis parti en solo. Et c’est mieux comme ça.

Sur ton EP Sur écoute : saison 1, tu es en featuring avec Rojens RPT, peux-tu nous dire qui c’est par rapport à toi ?

C’est mon frérot depuis des années, on se connait depuis qu’on a 13-14 ans ! C’est un feat très logique pour moi et même normal. Il y en aura surement d’autres avec lui et d’autres membres du UziGang, parce que c’est mon cercle privé. Eux c’est pas que de la musique, on est ensemble tous les jours et on fait tout ensemble tous les jours.

Comme on l’a dit plus tôt, tu as choisi une scène de la saison 1 de The Wire pour la pochette de ton EP. La série comporte 5 saisons, est-ce qu’on doit s’attendre à également 5 EP successif de ta part ?

Dans un premier temps on part sur trois saisons et on verra comment ça se passe, tout dépend de l’accueil du public.

On sent que depuis plusieurs années la scène belge s’est installé, comment tu perçois l’hégémonie bruxelloise ?

Y’avait ce truc qui me soulait, où on parlait de rap belge tout le temps, alors que c’était que des rappeurs de BX en vérité. Alors que nous aussi on est belge et on sait que ça rappe partout, mais il y avait qu’une ville qui était mise en avant. C’est comme si on parle de rap français en parlant que des rappeurs de Paris ! Ça n’a pas de sens, il y a des rappeurs partout ! J’aurais préféré qu’on parle de rap bruxellois, au lieu de parler de rap belge et de se focus que sur une ville et le reste on s’en bat les cou*lle.

As-tu la volonté de mettre Liège sur la carte ?

De ouf ! En vrai je suis le premier à avoir une telle exposition dans la ville, même si je ne suis peut-être pas celui qui va le plus explose, je tiens à être celui qui va ouvrir les portes. Je tiens à faire croquer tout le monde, ceux avec qui je peux rouler, on roule ensemble si t’es de la ville !

Comment on fait quand on est rappeur débutant à Liège ? Y-a-t-il des studios, des labels ?

Il n’y a rien du tout ! La personne qui m’a fait rencontrer Mouss Parash, c’est Franck Lucazz, c’est un bruxellois. Ça veut dire que la force a dû venir d’ailleurs, à Liège, il n’y a vraiment rien du tout pour les rappeurs. C’est tout à la débrouille, il faut démarcher tout seul et aller trouver des gens tout seul. Il faut se déplacer parce que dans la ville il n’y a vraiment rien, c’est mort.

Comment en-es-tu arrivé là alors ?

J’ai un manager qui s’est bougé, j’ai eu de la chance : il croyait en moi. On n’avait rien à perdre et tout à gagner et on a fait ce qu’il fallait faire. Moi je suis en studio je donne mon maximum et lui il démarche, il parle aux gens, il se bouge !

Quels sont tes objectifs pour la suite ?

Que du succès ! Que les gens accueillent ça positivement et qu’ils s’attachent à ma musique, mon personnage et ce que je fais, pour qu’on puisse faire une longue route ensemble.

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