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Interviews

Changerz : symbiose amicale et artistique

Crédit : Louis Nguyen (La Niakerie) pour 2HIF

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Nous retrouvons les deux gars de Changerz, Elyo et Assaf, dans les locaux du label Barclay. Le rendez-vous a été pris en plein milieu du match de la Coupe du Monde opposant la France au Pérou, tout le monde a les yeux rivés sur la télé. Après une bière, on nous demande si cela ne nous dérange pas d’attendre un petit quart d’heure pour commencer l’interview. L’ambiance est décontractée, et pour cause : les deux jeunes prodiges découverts au sein du Panama Bende sont meilleurs amis d’enfance. Cette amitié donne naissance à un projet 6 titres, « Identiques » dévoilé le 22 juin. Rencontre.

À la veille de la sortie de votre projet, comment vous sentez-vous ?

Elyo : Au top franchement, on a toujours le sourire aux lèvres avant de sortir un projet !

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ASF : On l’a bossé de ouf, donc forcément on est toujours content de le partager avec ceux qui ont hâte de l’écouter. C’est toujours un plaisir de partager notre musique avec les gens.

Elyo : C’est ce qu’on préfère en fait, c’est ce qu’on se dit toujours sortir de la musique, parce que c’est le moment où tu donnes du love, le moment ou t’en reçois, tout ça.

ASF : Bon, après y’a aussi la scène ou tu reçois plein d’amour. Et même le studio.

 Vous préférez la scène ou le studio ?

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ASF : Aaaaaah c’est grave difficile comme question. Je pourrais comparer cette question avec un truc grave bizarre mais je vais me retenir.

Elyo : Ouais je sais à quoi tu penses, et ne fais pas cette comparaison s’il te plait.

ASF : Bref, je sais pas parce que c’est deux moments différents, au studio tu vas chercher des trucs au plus profond de toi même, et t’es assez seul. Alors que la scène c’est tout l’inverse : même si c’est fermé, c’est un endroit ou t’as pleins d’âmes qui communiquent, et où tu reçois autant que tu donnes. Tu partages ce que tu as fait en studio. L’un sans l’autre n’a pas de sens.

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Vous venez tous les deux du Panama Bende, comment au sein d’un groupe à la musique aussi éclectique votre collaboration s’est-t-elle détachée ? Comment est né Changerz ?

Elyo : C’est vraiment dans la genèse du groupe. Avant même de sortir des sons en groupe on sortait des sons solos, avant le groupe il y avait déjà PLK qui sortait des sons solos, il y avait un groupe qui s’appelait OZ, Aladin aussi en sortait. C’est juste qu’on a fait deux projets avec le groupe, et deux tournées, on s’était dit qu’on ferait tous nos bails solos pour avoir une plus grande liberté artistique.

ASF : Nous à l’origine on avait remarqué que les groupes finissent toujours par se séparer. Donc comment faire pour pas se séparer ? On s’est dit qu’on devrait toujours conserver notre indépendance, parce que comme tu l’as dis, le groupe est très éclectique. Musicalement on a besoin de faire ce qu’on aime au plus profond de nous, dans le Panama Bende on est obligé de garder une certaine cohérence, et en plus il y en a qui sont très rap street et tout alors que nous pas particulièrement, même si on adore ça, on veut pas rester dans un truc et s’enfermer. Et même si on est 7 reufs de ouf, on est 7 mecs avec du caractère aussi, et on est arrivé à la conclusion que si on restait collés ça exploserait. Là c’était juste le bon moment.

« En terminale, je disais à ma prof que je ne pouvais pas aller en cours, parce que j’avais un concert de prévu. »

 Ça nourrit le Panama Bende vos expériences différentes ?

A : Bien sur. Quand on va revenir avec le groupe, il sera alimenté par ça.

E : L’un dans l’autre, c’est un moyen de développement comme un autre.

A : Et pour répondre à ta question de pourquoi nous deux, c’est parce qu’on est meilleurs potes depuis 10 ans. Avant même que le Panama n’existe. Du coup on savait depuis toujours qu’on bosserait ensemble, ça aurait pu même arriver plus tôt mais là on a développé des connaissances grâce au panama, que ce soit au niveau du business, comme on était en indé, ou au niveau musical.

E : En fait c’est arrivé hyper vite. Même si c’est pas un buzz intersidéral, on a quand même fait nos preuves. Quand c’est arrivé je me rappelle que j’étais en terminale et je disais à ma prof de maths que je pouvais pas venir en cours ce jour là parce que j’avais concert.

À vos débuts, on se souvient que votre nom était sur toutes les lèvres. Vous faisiez beaucoup de scènes. Vous avez des scènes de prévues avec Changerz ? 

E : Alors c’est pas pour tout de suite. On veut vraiment bosser ce projet à fond, on est vraiment présent à toutes les étapes du projet tu sais. De la composition au master, en passant par les clips où on est derrière le réalisateur. La scène c’est juste la suite logique donc ça doit être tout autant travaillé, on veut arriver avec un truc carré. On a que 6 titres pour l’instant. La suite sort bientôt, et à ce moment là on préparera un vrai show, avec de l’acoustique, comme moi je fais de la guitare et lui de la batterie.

Qu’est-ce que ça a apporté à votre musique de savoir manier ses instruments justement ?

A : Il y a des gens qui savent plus trop si on fait du rap, qui disent qu’on fait de la pop urbaine. Il y a des barrières qui s’ouvrent mais elles existent quand même. Mais le nom Changerz veut dire qu’il n’y a pas de barrières justement, nous on fait la musique qu’on aime.

 Pas besoin de coller des étiquettes donc.

E : Ouais grave, et y a un peu ce truc très simple, quand tu demandes à quelqu’un ce qu’il écoute, souvent il va répondre « tout ». Et bien nous aussi. On a certes été bercé par le rap, mais par pleins d’autres styles de musiques également.

A : On est aussi passionné de funk et de rock, pourquoi se limiter à une seule chose ? Pourquoi ne pas mélanger un peu le tout ? On savait qu’on ferait un jour un projet où il y aurait tout ce qu’on aime.

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Crédit : Louis Nguyen (La Niakerie) pour 2HIF

On peut imaginer que vous travaillez étroitement avec votre beatmaker ?

E : Ouais, on s’est même tous les deux mis à la prod cette année, donc dans le prochain projets il y aura des prod à nous, et même de l’acoustique.

A : Oui, plus lui que moi surtout. Mais en fait à la base on a signé pour deux LP. Donc deux projets entre 10 et 15 titres. Mais on s’est dit que sortir 15 titres d’un coup, ça serait un peu se mettre une balle dans le pied compte tenu du fait que c’est un autre nom, et une musique un peu différente. Ce projet c’est un peu une carte de visite. Pour revenir à ta première question on est content mais on est déjà sur la suite tu vois, et ce sera encore plus fou.

Ca s’entend sur le projet que les pistes ont été minutieusement choisies. Est ce qu’il y a une volonté d’organiser le projet comme une sorte de montagne russe émotionnelle ?

E : Exactement, on s’est beaucoup posé la question d’ailleurs. Ça met vraiment en valeur cet éclectisme dont on parlait tout à l’heure.

A : Et ça reflète le mood dans lequel on peut être. Il y a des jours ou est on est hyper mélancoliques, d’autres non.

La musique vous sert-elle de catharsis ?

A : Ah oui grave. Mais moi la musique m’a sauvé. J’ai eu des périodes dans ma vie où j’ai fait n’importe quoi. Sortir beaucoup, toucher à tous les extrêmes. Quand tu cherches un truc avec la bedave ou la fonsdé, en général tu cherches à extérioriser quelque chose justement. Et bah quand tu l’écris ça te canalise.

Tu arrives à écrire défoncé ?

A : J’ai très longtemps écrit défoncé, et c’est depuis peu que j’essaye de diminuer et que je commence à écrire sobre. J’étais plus dans un mental où je me disais « j’ai pas d’inspi si je fume pas » alors qu’en vrai pas du tout, c’est juste deux chemins de pensées différents.

D’ailleurs dans le projet, ça revient assez souvent le monde de la nuit.

E : Comme beaucoup d’artistes ça correspond à notre mode de vie. On vit complètement à l’envers, et ça a des côtés négatifs. Mais en même temps, la nuit le temps est complètement dilaté. Tu te sens plus libre, moins confiné, et c’est vraiment le moment le plus inspirant. Et surtout, quand t’es artiste tu as un côté vraiment marginal par rapport à la société, donc le fait de vivre à l’envers ça accentue tout ça, t’es pas exactement dans le même rôle que les autres gens.

Un peu décalé ?

E : Quand j’ai arrêté mes études, je sortais de chez moi y avait personne dans les rues, c’était étrange. Au final, j’ai pas envie d’être dans un discours : « les gens sont des moutons et nous on sort de l’ordinaire », on sort juste du schéma classique métro-boulot-dodo. On se sent vraiment libre et on bosse quand on a envie.

A : Le plus gros kiffe c’est de bosser un truc, où tu kiffes tellement ce que tu fais que tu n’as pas l’impression de travailler. Pour avoir fait pas mal de boulot de merde, comme beaucoup de jeunes, je me rends compte que j’aurais rien pu faire d’autre. Soit ça, soit rien. J’espère pouvoir le faire longtemps.

Parlons du clip de « Silence », on sent que le clip est plein d’influence pop culture.

E : Ça fait partie de l’imaginaire collectif, cette ambiance sombre et totalitaire.

Et est ce qu’il n’y aurait pas des références involontaires avec des influences que vous auriez intégré ?

E : Si, totalement. Le pire c’est que certains aspects du monde actuel ressemblent un peu à ça.

Comment vous avez choisi de clipper ce morceau, et surtout de cette façon ?

E : L’idée de base c’était de faire une déclaration d’amour à la musique. C’était le premier morceau du projet et on savait pas vraiment o est-ce qu’on allait l’emmener. Et pour des raisons personnelles on était tous les deux dans le mal à ce moment là, on l’a écrit en une nuit. La musique nous a sauvés.

A : On a cherché un moyen d’illustrer cet amour de la musique en étant un peu plus subtil. Au final c’est le réal, Alix Demoussis, qui a trouvé l’idée, d’ailleurs on a fait le deuxième clip avec lui, c’est un frère maintenant.

D’où cette phrase : « Après le silence, la musique est ce qu’il y’a de plus propice pour exprimer l’inexprimable »

E : Exactement. Faut être vif pour remarquer cette phrase d’ailleurs.

Le deuxième clip réalisé par le même réalisateur est assez intéressant aussi. L’idée de faire apparaitre des gifs et une conversation sur messenger, elle s’inscrit vraiment dans notre époque, dans l’immédiat. Vous pouvez m’en parler ? 

A : Ce clip nous a pris énormément de temps, déjà le but c’était de faire un clip où on nous voit, parce que dans le premier on y est pas, parce qu’il s’appelait « Silence », et que c’était pas le but, on voulait aussi arriver discrètement. Mais là il fallait montrer qui on était, et qui était Changerz, et aussi de proposer un truc un peu plus léger, parce qu’on cherche à parler à tout le monde. On sait faire les deux et on aime faire les deux, on a tous des mood sombre et des mood chill. Donc on s’est dit on va aller en studio déjà, et tout jouer sur l’attitude, mais faut quand même qu’il y ait un concept. Du coup on a fait 3 mois de recherche, des réunions toute les semaines.

E : Un jour comme ça, l’idée est arrivée spontanément et le réal a répondu que c’était une bête d’idée.

C’est exactement ce qu’on se dit quand on regarde un clip, en soit vous avez bien cerné votre public.

A : Bien sur, ça fait quand même pas mal de temps qu’on est dans le milieu avec le Panama, on se rend bien compte de ce que nous on se dit en regardant les clips comme tu dis, et ce que les gens disent dans la rue, donc on a voulu être très proche du réel. Et puis surtout on cherchait aussi à faire de l’autodérision, à compenser un peu le fait qu’on soit habillé vraiment en mode « beau gosse » dans le clip, entre le léger et le conceptuel.

E : Ça fait plaisir que tu dises que c’est actuel parce que c’est le but, autant la musique en France se porte très bien, autant les clips sont parfois décevants.

C’était une volonté d’avoir des morceaux avec une structure assez classique qui font « refrain-couplet-refrain » ?

E : Ça vient naturellement. C’est la prod qui nous guide aussi. Mais après il y a plein d’artistes que nous kiffons qui font des morceaux très déstructurés comme XXXTentation ou Kanye West.

Vous chantez beaucoup sur le projet, est-ce que vous avez pris des cours ? 

E : Ouais carrément, parce que c’est pas évident non plus.

Vous pensez que les rappeurs aujourd’hui ont moins peur de chanter ? 

A : Grave, ça commence à s’ouvrir !

E : Un mec de maison de disque me disait qu’ils étaient plus obligés de prendre des chanteuses de R’nB pour faire les couplets. Ca fait partie de notre démarche, on cherche à produire un projet plus large musicalement.

A : Pour l’anecdote, il y a deux heures on tournait dans le quartier pour faire des photos avec Booska-P, et au final j’avais zappé mais avec la fête de la musique il y avait du monde partout et des groupes. Du coup on a commencé à tchatcher avec des mecs et au final on a pris la batterie et la guitare, et on a joué. On kiffe juste la musique. Le mec au bout d’un moment il nous regarde en nous disant « je vous connais putain ! ».

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Et ça ne vous empêche pas de kicker sur certains morceaux.

E : Le rap c’est juste une technique, tu peux en faire ce que tu veux après.

A : Bien sûr, il y aura toujours une base rap. Moi en solo je m’arrêterais jamais de faire des gros freestyles trap ou boombap. Et ça se trouve, je ferais des sons guitares voix qui sont presque plus du rap aussi.

Du coup l’exercice du freestyle vous appréciez aussi ? Sachant que ça correspond vraiment à l’ADN du Panama Bende.

E : Effectivement c’est comme ça qu’on s’est tous rencontrés, qu’on a créé le groupe. On a fait beaucoup d’open mic. C’est comme ça qu’on a fait nos débuts. Autant on adore ouvrir notre musique, autant, je trouve presque dommage que ça se perde un peu, et que plein de gens aient commencé dans leurs chambres, sans expérience de la scène, bégayent devant un micro. Ça doit être mon côté puriste. (rires)

A : Pour moi le freestyle c’est la base de tout. D’ailleurs ça prouve qu’on est vachement attaché au rap.

Qu’est-ce que ça veut dire puriste aujourd’hui ?

E : Rien du tout, comme « Rap » ça veut plus rien dire d’ailleurs.

A : Mais t’entendras toujours des mecs dire que le rap c’était mieux avant. T’en trouves encore qui kiffent des trucs boombap et rien d’autre.

Vous trouvez que la musique s’est complexifiée depuis les années 90-2000 ?

E : Tellement ! Avant ils prenaient un sample, il mettait des pércu, dessus. J’exagère, mais aujourd’hui t’as des prods qui sont tellement complexes.

A : Il devraient dire qu’ils préfèrent ça. Mais pas que c’était mieux peut être, chacun ses goûts.

E : Mais on est tellement content que là musique s’ouvre, que les marques s’ouvrent, que le rap sorte du ghetto. Que des mecs qui ont grandi dans les pires quartiers se retrouvent sur des plateaux télés et lâchent des extraits d’une pièce de théâtre, c’est fou. Il y a des milliers de mecs qui rappent street, qui auraient jamais eu les couilles de faire ça. Pour ça, je valide grave la démarche de Moha la Squale. Quand t’entends Damso qui écrit le titre « Julien », on dirait du Gainsbourg. Il est très fort.

A : La première écoute du projet j’étais un peu déçu, et depuis je le saigne et vraiment je le kiffe. Au final j’ai mis du temps à l’apprécier, et chaque jour je me le prends de plus en plus. Je découvre des mélodies quand je l’écoute. Damso je le valide de ouf. Kanye West son album, c’est fou aussi.

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Crédit : Louis Nguyen (La Niakerie) pour 2HIF

À un moment dans « Identiques » vous dites « stream, faut que ça stream c’est fini les cassettes ». Elle vous inspire quoi cette course au stream ?

A : En vrai, c’est ce qui rémunère le mieux les artistes les streams.

E : On pourrait pas s’en sortir sans. Mais on a pas particulièrement envie d’être dans la course. Mais si on est devant les gens on est très content aussi.

D’ailleurs, il n’y pas de feat sur le projet ?

E : Il y a Anaïka, même si il a travaillé sur le morceau, d’un commun accord, il y figure en tant que coeur, parce qu’on va faire d’autres projets avec lui. Il va arriver avec un projet très chaud, donc il avait un peu envie de garder l’exclusivité de son image. Ce que je comprends très bien par ailleurs.

Y’a des gens avec qui vous avez envie de travailler, que ce soit dans le rap ou ailleurs ?

A : Evidemment les gars du Panama. Mais sinon pas forcement dans le rap. On est vraiment des kiffeurs de musique. On va pas faire un feat avec un rappeur connu pour faire un feat avec un rappeur connu, si le son me plait pas, il sort pas tu vois.

E : En plus, on te disait qu’on a croisé des gars tout à l’heure, et on s’est échangés nos contacts. On va sans doute faire un feat avec eux parce qu’on a kiffé ce qu’il faisait, proche de la prod de « Silence », avec des synthés.

A : Et ça va rien nous apporter en terme de notoriété. Comme je te disais, ce projet c’était une carte de visite, donc c’était important qu’on soit seul aussi.

Merci les gars. Vous avez quelque chose à ajouter ?

A : Que du love. L’amour c’est archi important et les ondes positives aussi. Il n’y en a pas assez autour de nous.

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