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Sonbest : «Je fais ma musique, c’est ce que je ressens, je me mets à nu»

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Quelques mois après l’enivrant Arcane, on a rencontré SonBest pour une plongée complète au sein de l’univers audacieux d’un artiste en pleine ascension.

Qu’est-ce que le rap mainstream ? Où se situe le succès d’un artiste ? Tant de questions abordées lors de notre dernier entretien avec Sonbest, qui nous a gratifié de la présence de son producteur et ami SwimTheDog. Entre l’avis aiguisé de Swim, et le coté plus instinctif de Sonbest, cet échange permet de cerner l’univers du rappeur alsacien. Car Sonbest ne se limite pas au personnage présent derrière le micro ou la caméra, son aventure regroupe autant de participants, que d’émotions présentent sur son merveilleux projet Arcane. Tant de caractéristiques qui nous ont conduit à observer ce nouvel astre de l’univers rap français.

Sonbest, on se retrouve pour Arcane ton troisième projet. Quels ont été les retours après sa sortie ? 

Sonbest : On a eu que des bons retours. Je n’ai rien eu de négatif pour l’instant. Après, nous, on reste dans le travail, donc on est focus sur la suite.

Un arcane par définition, c’est un secret connu par un petit nombre d’initiés. Pourquoi avoir choisi ce titre ?

Sonbest : De base, pour moi, ça vient d’une référence à Naruto. Il y a un personnage qui a une technique, qui a l’Arcane lunaire infinie. C’est comme si tu étais figé dans son monde, son univers et c’est lui qui te contrôle. À partir de ça, on est parti sur l’arcane sans nom, la carte du tarot. C’est aussi dans l’optique d’aller de l’avant, pas regarder vers le passé, et foncer.

«Dans les projets de Sonbest, on fait vraiment attention à chaque détail, rien n’est laissé au hasard»

Les arcanes majeurs dans le tarot c’est les cartes qui servent à prédire l’avenir, chose que l’on retrouve dans ton clip « Terre Noire », est-ce que tu pourrais nous expliquer le sens du clip ?

Sonbest : L’idée de base vient de Wise, mais c’est Nathan (SwimTheDog) qui est venu peaufiner tout ça en prenant la signification des cartes. Et à chaque fois qu’elle retourne une carte, quelque chose se passe.

SwimTheDog : Comme on a tout clippé – tout l’EP est pensé point par point -, on a fait une projection au cinéma. L’EP a une histoire et une directive, on voulait le rythmer avec cette histoire de tarot et d’arcane. On voit Sonbest enfant, égaré dans un endroit bizarre, et il se retrouve face à une sorcière qui lui tire les cartes et ça a marqué sa vie. On voulait montrer comment ses souvenirs l’ont impacté et l’aident à avancer dans la vie. À chaque début de clip, la sorcière va tirer une nouvelle carte, qui va annoncer la couleur du son et le sentiment mis en avant.

Comment vous en êtes venus à imaginer tout le scénario de cet EP ?

Sonbest : On a souvent des réflexions entre nous quand on réfléchit à un projet. Les idées viennent de Wise, de Swim ou moi, mais c’est Swim qui a plus cette vision cinématographique : il a saigné plus de film que nous, il sait mieux assembler les images entre elles.

SwimTheDog : Une fois qu’on a eu la base de la DA, avec ce truc de tarot, on a eu un champ énorme de possibilités. Ça reste un univers large et, pour moi, ça s’est montré ultra intéressant et profond. On peut piocher des choses très précises et intéressantes. Et tout l’EP est travaillé par rapport à ça, dans le choix de la tracklist, du merch ou du design du CD. Dans les projets de Sonbest, on fait vraiment attention à chaque détail, rien n’est laissé au hasard.

Là où beaucoup se réservent pour leur album pour entreprendre cet exercice, aujourd’hui, un projet comme Arcane nous prouve qu’il est possible de faire un EP sérieux avec un fil conducteur et une couleur générale au même titre qu’un album. Est-ce que tu penses que la sortie d’un album signature est encore fondamental pour la carrière d’un artiste en 2021 ?

Sonbest : Je pense qu’on peut être pertinent sur un EP, on aime pousser les choses au maximum. Que ce soit un EP ou une mixtape ou un album, c’est la même chose, on fait juste de la musique, on veut toujours tirer le maximum du potentiel de chaque projet. C’est une autre manière de travailler. On aurait pu sortir des EP à la va-vite, mais on a commencé à travailler avec Lotus et on a continué de cette façon. On travaille les EP comme un album, mais vu qu’on met déjà le paquet pour les EP, il faudra faire un truc qui sort encore plus du lot pour l’album. Pour ça, il nous faut encore plus de visibilité et de budget et ce sera faisable.

SwimTheDog : On a la chance d’avoir tout à disposition. On fait tout nous-même, on est très peu à travailler sur Sonbest, mais on est une équipe soudée. Dès le début du projet, on sait où on va aller, on n’a pas besoin de 15.000 personnes, on est entre nous. Quand on est au studio on peut réfléchir à la DA, aux clips, aux photos, aux prods. Tout est réfléchit entre nous, c’est pour ça aussi qu’on a le temps de travailler sur des trucs de manière poussée, car il n’y a rien en dehors de nous, tout sort de notre équipe. On  a pas besoin de chercher des gens de l’extérieur en plus pour faire certaines choses.

Du coup on en revient au premier sens de l’Arcane, ce groupe d’initiés lié par la connaissance d’un même secret. Mais est-ce que, avec ce projet, tu as voulu intégrer le public dans ton Arcane ?

Sonbest : Oui et non. Je fais ma musique, c’est ce que je ressens. Je me mets un peu à nu. Évidemment, je sais qu’il y a des gens qui vont se reconnaitre dans les paroles et dans ce que je dis. Je dirais plus que je leur ouvre une porte et c’est à eux de venir voir tout l’univers.

Alors tu fais ta musique dans un but thérapeutique ?

Sonbest : On peut dire ça comme ça. Mes meilleurs sons je les ai fais quand j’étais dans le mal.

«Depuis que je suis jeune, dans ma famille j’étais un peu le seul différent»

Là où Lotus était assez sombre et mélancolique, représentait la sortie de la galère avec l’image d’une fleur qui pousse dans la boue, on a l’impression qu’Arcane sonnait comme une renaissance, avec le clip « Terre noire », mais aussi par les prods beaucoup plus lumineuses. Tu as pensé Arcane comme la continuité ou l’aboutissement de Lotus ?

SwimTheDog : Il faut faire attention à un détail important que pas grand monde n’a remarqué, Lotus et Arcane sont des projets qui sont liés et qui se suivent. Si tu regardes bien dans la cover d’Arcane, on reproduit « l’Arcane sans nom ». Sonbest a la même posture que sur la carte. « L’arcane sans nom » fauche la Terre noire qui représente l’inconscient de la personne, pour aller de l’avant et oublier le passé. Sur la cover, on peut voir des fleurs de lotus sur le sol, c’est pour dire que la Terre noire où a poussé Lotus, est fauchée. On passe à autre chose maintenant.

Sonbest : Il y a un lien, mais quand je rappe, c’est ma life. Lotus, c’était une période où ça n’allait pas bien dans ma vie sentimentale et Arcane c’est juste la suite logique où je fais le deuil de cette époque. Je vais un peu mieux, je sors plus, je vois plus de monde.

Dans « Béni ou maudit », tu parles entre autres des conséquences plus ou moins positives de la vie d’artiste. Aujourd’hui tu te sens comment réellement, béni ou maudit par cette nouvelle vie ?

Sonbest : Pour l’instant je ne vis pas la vie d’artiste, c’est encore le charbon, même s’il y a eu une signature. Donc je ne pourrais pas te dire pour l’instant si je suis béni ou maudit, mais peut-être que plus tard je pourrais te répondre.

D’ailleurs, dans « Flashback », tu parles du fait d’être incompris, tu utilises aussi l’image de Basquiat, qui avait l’impression d’être incompris par tout le monde, ce qui l’a entrainé à mourir d’une overdose.

Sonbest : J’avais pas fais directement le lien avec ça, mais indirectement il y a quand même un lien. Parce que depuis que je suis jeune, dans ma famille j’étais un peu le seul différent, que ce soit au niveau vestimentaire ou de ce que je faisais dans la vie, j’ai arrêté les cours pour faire du son. Pour mes parents j’ai fait un truc différent de ce qu’il voulait pour moi, ça revient à truc d’incompréhension.

Sur tes 2 derniers EP, on retrouve beaucoup de co-prod. Tu laisses beaucoup de place au productions, que ce soit sur « Fréquence » dans Lotus ou « 13 » dans Arcane. Quelle importance les prods ont à tes yeux ?

Sonbest : Déjà, comme tu as pu le remarquer, c’est assez espacé. On laisse entendre les prods en général, parce qu’on bosse ensemble avec les beatmakers, et il faut aussi leur laisser de la place et montrer leur talent. Il n’y a pas que les paroles qui donnent l’émotion, il y a aussi les prods.

D’ailleurs en restant sur les prods et le sound design, il y a une ambiance très orchestrale, limite acoustique tout au long de l’EP. Même ta voix sonne comme un instrument au même niveau que les autres. Comment as-tu travaillé sur Arcane avec tous les beatmakers ?

Sonbest : Avec nous, les prods sont sur-mesure. On a une première version, ensuite, on peaufine à la maison. Puis, on va au studio on regarde ce qu’il faut enlever ou rajouter, on appelle d’autres beatmakers pour qu’ils rajoutent leur patte. Le délire instrumentale, acoustique, c’est un truc qu’on recherche de plus en plus. On a écouté tellement de truc trap que ça nous inspire plus, on essaie de ramener de la vraie musique maintenant. Ce n’est pas de nouvelles sonorités, parce que ce sont des trucs qui existent depuis des décennies. On veut ramener de la musicalité et faire ça bien.

Du coup, quelles sont tes influences ? Qu’est ce qui t’as poussé à faire de la musique ?

Sonbest : J’ai commencé en kiffant sur Lil Wayne, A$AP Rocky, Meek Mill. Quand je suis rentré dans le rap français, il y avait du Guizmo, du Ichon et aujourd’hui je suis ouvert à tout genre de musique, que ce soit du rock, des trucs techno. J’essaie de m’inspirer un peu de tout pour créer la musique de demain.

«Il y a la Suisse, Bruxelles, Paris, il faut qu’il y ait aussi l’Alsace»

D’ailleurs au niveau de ton flow et de ton style, on t’a souvent comparé à Laylow, rapproché d’une scène cloud ou émo. Avec Arcane est-ce que tu as eu la volonté de t’affranchir de toutes ces cases ?

Sonbest : Non, même pas. Comme je t’ai dit, je fais juste ma musique, mais je vois quand même quand les gens me comparent. Mais ça me passe au-dessus de la tête, parce qu’en soit, je sais ce que je fais, je sais où je vais. Du coup je n’ai pas essayer de m’affranchir forcément de cette image-là, je continue juste à faire mon truc.

Tu viens de Colmar, en Alsace, est-ce que tu penses qu’en venant de province c’est primordial de venir avec un flow et un style différent dans le rap guidé par la capitale ?

Sonbest : Franchement, je pense que oui. Si tu viens de province et que tu fais la même chose que les gens de la capitale, c’est déjà saturé de fou. C’est comme ça qu’on voit la musique et qu’on la crée. Quand je me suis lancé, je pense qu’inconsciemment j’avais ce truc en tête, de ramener un truc nouveau. Et au final, ça marche, j’en suis content : les gens captent le délire. Mais ne t’inquiète pas, maintenant je suis pluggé avec des gens d’Alsace et je pense qu’il y a vraiment une sonorité là-bas à exploiter. Il y a la Suisse, Bruxelles, Paris, il faut qu’il y ait aussi l’Alsace, il faut vraiment que les gens nous identifient.

C’est donc un but de mettre ta région et même la province sur la carte du rap français ?

Sonbest : Oui ! Ça a été mon objectif depuis le début, je s/o énormément l’Alsace, même s’ils ne m’ont jamais donné de la force. Et c’est juste parce que je kiffe, je viens de là-bas et je ne le renie pas. Je suis pluggé avec Jeune Austin, on va charbonner ça et y’a peut être un morceau de nous qui va sortir.

En ce moment, il y a une vraie scène de rappeur/chanteur qui s’affranchissent complètement des codes du rap, entre toi, DMS, KHALI, Chanceko ou encore MadeInParis, comment vois-tu cette nouvelle scène underground ?

Sonbest : Je trouve ça lourd. Ils ont capté un truc qu’il n’y avait pas en France, il fallait innover et juste ramener une nouvelle couleur. Le truc qui marchait avant c’était que la trap, eux ils viennent avec une nouvelle vibe et de nouvelles sonorités, c’est juste ça qui manquait en France.

SwimThedog : On vit une époque aussi où la nouvelle génération se connait : on travaille tous ensemble. Il y avait un studio avant à Nanterre et on s’est tous rencontrait là-bas, on a tous fait des sons ensemble là-bas : Sonbest, Khali, La Fève, DMS, 99, Chanceko. C’est vraiment un groupe d’amis, on se connait tous très bien, on est soudés. C’est plus comme au States, quand les rappeur cain-ris font des mixtapes et tu vois toujours les mêmes noms, même les YSL, quand tu vois les projets de Lil Gotit, Lil Keed, ils sont tout le temps ensemble et c’est un truc qu’il y a pas en France.

La génération qui est en train d’émerger, ils ont tous un délire totalement différent, entre Chanceko, Khali et Sonbest, ce sont des délires qui n’ont rien à voir, mais il y a une énergie commune. C’est cool d’avoir tout ça dans une période aussi molle en France. Tout ce qui est mainstream, c’est dépassé en vrai. En tout cas c’est bien : là, on arrive, tout le monde fait son petit bout de chemin, chaque artiste de la nouvelle génération est en train de faire ses trucs, chacun commence à avoir du succès. Pour moi c’est eux le futur rap mainstream, c’est la suite logique, je ne vois pas qui pourrait prendre la place.

 Tu es déjà retourné en studio pour préparer la suite, à quoi doit-on s’attendre après Arcane ?

Sonbest : On a déjà une idée sur le prochain projet, on tafe tranquillement. On laisse encore Arcane prendre, mais on a déjà pleins de trucs de prêts.

SwimTheDog : On aussi ouvert un studio récemment pour travailler.

J’ai vu que vous avez lancé votre label aussi, Avlanche Music ?

SwimTheDog : C’est mon label que j’ai créé, quand j’ai commencé avec Sonbest. Petit à petit, je m’y suis mis en tant que producteur et on a commencé à tout faire ensemble, et il fallait une structure pour tout gérer et j’ai monté mon label. De base, j’ai une boîte de production : je fais des clips et la partie musique, c’est essentiellement pour pousser les trucs de Sonbest.

Le truc qui transparent à travers tout ce qu’on a dit depuis le début, c’est que Sonbest, ce n’est pas une personne.

Sonbest : Carrément, il y a plein de gens, plein de cerveau qui taffent tous ensemble. Et c’est ça qui fait que c’est aussi qualitatif je pense.

SwimTheDog : C’est une voiture qui roule. C’est une bonne manière de travailler, tout le monde se complète. On a un ingé son par exemple dans notre équipe et c’est rare en général, il connait tout Sonbest, dans la voix et les mix. Plus on avance, plus on réduit les personne extérieures au projet. Le but, c’est vraiment d’être autosuffisant.

Avec qui pourrait-on te voir feater à l’avenir ?

Sonbest : Je suis grave focus sur des collaborations internationales, des Anglais, des Allemands, j’ai envie de pousser le truc à l’international. Je n’ai rien qui est encore enregistré, mais c’est juste le temps d’être bien installé.

Ton feat revé ce serait quoi ?

Sonbest : Il y en a pleins, mais je kifferais bien 070 Shake, Kanye West, Trippie Red. Il y a le time encore mais ce serait intéressant, mais pas de le faire en mode maison de disque. En plus, on se débrouille bien en anglais, ça peut faire de réelles connexions, pas juste on fait un feat et « Ciao ». On veut pluggé et être avec gens. Je ne peux pas faire un feat, être en studio avec des gens et on ne se parle pas.

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