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Karmen : «Ce projet fait la transition entre qui j’étais et qui je suis aujourd’hui»

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Karmen : «Ce projet fait la transition entre qui j'étais et qui je suis aujourd'hui»
© Aydran Ryan Cook

Après une longue absence, Karmen – anciennement Tortoz – vient de dévoiler 100 DIAMANTS. Rencontre avec un artiste en transition.

Il est de retour, particulièrement en forme et toujours habillé de sa parure la plus luxueuse. Tortoz est devenu Karmen et avec son nom, l’artiste entame une transition vers celui qu’il aspire désormais à être : plus serein, plus mature, mais toujours aussi friand de tout ce qui brille. L’auteur de New Ventura traîne derrière lui plus de dix ans de carrière. Mais lorsqu’il en parle, la sortie de sa nouvelle mixtape a presque l’air d’un retour à zéro.

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Pourtant, Karmen n’a rien perdu de ce qu’il était. À commencer par le prince de la topline. Il est d’ailleurs très probable que, quatre ans après Roze, le Grenoblois anime l’été avec son lumineux “CAPRICE” ou la plus nébuleuse des “CASCADE”. C’est simple : dix titres, 100 DIAMANTS, faites le calcul. Interlude a rencontré un conteur haut de gamme pour parler musique, obstacles et évolution.

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Salut Karmen. Tu vas bien ?

Je vais super bien, franchement.

De Tortoz à Karmen, grandir pour mieux revenir

Ça fait longtemps qu’on t’a pas vu. Tu reviens avec un nouveau nom que t’as expliqué en disant : «Tortoz et moi, on est devenu trop différent». Qui était Tortoz, qui est Karmen maintenant ?

Tortoz, c’est le gars qui a commencé la musique à 17 ans. Je pense que dans une vie, il y a plusieurs phases. Il représentait mon adolescence, ma manière de penser à ce moment-là, comment je voyais la vie. Et beaucoup de choses se sont passées. Dix ans de travail, dix ans de vie sont passés. Donc c’est normal qu’on change. Les épreuves de la vie font aussi que l’on change beaucoup. En vérité, j’avais l’impression que j’avais besoin de ça pour revenir. J’avais envie d’exprimer quelque chose de différent que ce que je représentais avant – c’est plus par rapport à l’image. Je voulais marquer une certaine évolution. J’ai simplement grandi.

Tu parles des épreuves de la vie. Tu as été très malade. Qu’est-ce que ça a changé sur le plan de ta carrière ?

Pas grand chose, si ce n’est que ça m’a permis de prendre plus de recul sur ma musique, sur ce que je voulais vraiment, ce que je ne voulais plus. De faire un vrai point sur ma vie et de confirmer tous les choix que j’avais fait avant de tomber malade, c’est-à-dire changer de nom, revenir avec un projet de cette couleur. Automatiquement, ça a aussi changé beaucoup de choses pour l’homme que je suis maintenant. Je suis différent entre avant la maladie et maintenant. Ça aura sûrement une influence sur ma musique. Là, le projet a été fait un peu avant et pendant ma maladie. Sauf que quand j’étais malade, je voulais pas vraiment parler de ma maladie et de ce que je ressentais sur l’instant. Donc pour le moment, ça a pas vraiment eu d’influence sur mes textes. Mais ça va changer. C’est sûr et certain.

Tu dis que tu avais déjà pour projet de changer de nom avant de tomber malade ?

Ça fait depuis mon dernier projet que j’avais cette idée en tête, mais c’était juste une idée. J’osais même pas en parler à mes potes parce que je pensais qu’ils allaient m’insulter. J’en ai parlé à un séminaire. Au début, les gars m’ont dit que c’était frais, mais trop compliqué. Je suis revenu dessus plusieurs fois et plus je leur expliquais, plus ils comprenaient. Jusqu’au jour où ils ont dit : pourquoi pas ? On va essayer de changer d’angle, de voir comment on peut le faire. On a travaillé ça pendant au moins un an et demi. C’est là qu’on est entré dans le concret du projet, qu’on s’est demandé comment faire la transition entre Tortoz et Karmen. On ne voulait pas non plus que ça fasse un choc. Avec la mixtape, on n’est pas non plus à l’opposé de ce que j’ai pu proposer avant.

Il y a une volonté de tourner la page sur ce que tu faisais avant, sans le renier ?

C’est ça. Je ne renie pas ce que je faisais, mais j’avais envie de débuter comme une nouvelle carrière. Je me suis posé la question : comment moi, avec l’expérience que j’ai aujourd’hui, je vais pouvoir gérer ce renouveau-là ? Ça m’a fait du bien de me dire que je faisais comme si je reprenais à zéro, que je n’avais jamais fait de musique. Comment je peux faire en sorte que ça plaise encore plus aux gens que ce que je proposais avant ?

«J’sors en club mon cou métallique comme un 9 milli» - “VVS SHINE”, Karmen

© Owen Samba

VVS shine encore

Ce que tu disais sur la proposition de Tortoz, ça m’a fait penser à une phase du projet sur “VVS SHINE”. «Chambre d’hôpital, j’pensais à toi pas aux VVS / J’étais dans l’noir, y’avait ni bif ni grosses caisses». Cette période t’a fait grandir aussi ?

Exactement. C’est marrant parce qu’un morceau comme “VVS SHINE”, je l’ai écrit avant la maladie puis je suis revenu dessus parce qu’il y avait des phases que j’ai écrit qui ne me parlaient plus. Je ne sais plus ce que je disais à l’époque, mais j’ai changé les quatre premières mesures de mon couplet.

«Le côté superficiel fait partie de moi»

Dans ce projet, il y a une volonté de parler de mon côté superficiel : ça fait partie de moi. Justement, j’ai trouvé stylé de garder cet angle de tir après être tombé malade. Parce que j’ai pris un peu de recul. Je suis revenu sur ce son-là qui était très superficiel, où je parlais de diamants, de vêtement etc. Et sur des phases comme celle que t’as cité, ça rappelle l’homme que je suis aussi. Ok, c’est stylé les voitures etc. Mais dans ma chambre d’hôpital, il n’y avait rien de tout ça. Ça a fait partie de ma remise en question. C’est pour ça que je dis que ce projet fait la transition entre qui j’étais et qui je suis aujourd’hui.

C’est aussi ce que tu dis dans ta vidéo : que le point commun entre Tortoz et Karmen, c’est qu’ils aiment tous les deux les choses qui brillent.

Voilà. En fait avant, je ne me posais aucune question là-dessus. Tomber malade, ça m’a juste permis de me rendre compte que c’était une sorte de vice aussi, et qu’il fallait y faire attention. Mais on ne change pas qui on est et ce sont des choses que j’aimais et que j’aime toujours. Mais aujourd’hui, je fais davantage attention à ça et j’y accorde quand même moins d’importance.

D’ailleurs, ta grand-mère sait que tu empruntes son nom ?

Oui, elle sait. Elle est vraiment fière. Même pour moi, c’est une source de motivation. Parce que je n’ai pas le droit de faire n’importe quoi avec son nom.

Ça t’a manqué, la musique ?

Je me suis jamais vraiment arrêté de faire de la musique. Avant de tomber malade, j’ai beaucoup travaillé avec d’autres artistes. J’ai toujours fait de la musique pour moi et pour les autres, c’est juste que je ne sortais rien. Mais j’en ai fait énormément, si ce n’est plus que sous l’époque Tortoz, parce que j’avais la nouvelle carrière Karmen à préparer.

«Je me suis créé une espèce de set-up pour pouvoir enregistrer à l’hôpital»

Quand je suis tombé malade, j’ai dit à mes gars, à mon équipe, qu’on allait mettre la musique de côté pendant un certain temps parce que je ne savais pas combien de temps la maladie allait durer. Et je me suis rapidement rendu compte que je ne pouvais pas vivre sans musique. Donc je me suis créé une espèce de set-up pour pouvoir enregistrer à l’hôpital, et j’y faisais de la musique. Il y a des morceaux du projet qui ont été faits là-bas. “BIRKIN”, “CASCADE”. C’est sûr que c’était moins fluide, parce que j’étais très fatigué, mais quand j’avais des moments de lucidité et envie de faire de la musique, je faisais de la musique. Je ne pensais pas à une certaine direction artistique, je voulais juste me faire kiffer. Donc la musique ne m’a pas manqué parce qu’elle ne m’a pas lâché.

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«On a terminé le projet une semaine avant que je tombe malade, il devait sortir l'année dernière»

© Nicoshootspeople

Un album en préparation

Tu parlais de projet de transition. Pourquoi ne pas revenir avec un album et comment a été conçu 100 DIAMANTS ?

Quand on n’avait pas encore décidé de changer de nom, on travaillait sur le premier vrai gros album de Tortoz. On avait une dizaine de tracks. Et quand est venue l’idée de Karmen, on s’est dit qu’on ne pouvait pas arriver avec ça direct. Il fallait préparer le terrain, montrer ce qu’était le nouvel univers. Donc on l’a mis temporairement de côté et on a fait une mixtape. Un format court, 9-10 titres sans feat. Il devait sortir l’année dernière. On l’a terminé une semaine avant que je tombe malade, on a fait l’écoute des masters. Je ne voulais pas le sortir en période de maladie. Pendant cette année-là, on avait du temps, l’envie de faire de la musique. Donc je suis revenu sur le projet et je l’ai amélioré. Il a eu deux visages. On va dire que la moitié du projet a changé depuis la première version.

Il n’y a aucun featuring sur le projet. Ça te tenait à cœur de revenir seul ?

Je trouvais juste ça plus logique. C’est un choix que j’ai fait dès le début. Quitte à revenir avec un format court, je reviens seul. Je l’ai jamais fait. J’avais envie de le faire. Et je voulais que les gens comprennent rapidement ma musique sans être influencés par des feats etc. Parfois, quand tu fais une collab, ça peut influencer tes choix. Là, je voulais que ce soit mes choix de prods, mon univers, mes textes.

Pourtant, tu disais que t’avais beaucoup travaillé avec d’autres artistes ?

À fond. J’étais avec des artistes tout le temps, on a même fait des sons mais on les a mis de côté. Sur ce projet-là, il y avait vraiment une volonté d’être tout seul. Sinon, j’ai eu la chance d’être entouré par plein d’artistes trop stylés.

Des prods triées sur le volet

Tu parlais de tes choix de prods. J’ai l’impression, des premiers projets de Tortoz jusque 100 DIAMANTS, que c’est une chose sur laquelle t’es hyper méticuleux. Comment tu choisis une prod ?

C’est très instinctif. Je suis un gars qui fait énormément de maquettes. Je tente énormément de choses. Parfois, je trouve qu’une prod a un truc mais ce n’est pas forcément la prod de l’année. Et une fois que je vais y poser ma voix, je vais réussir à me projeter et à me dire que c’est stylé. Je suis hyper chiant sur les arrangements. Entre la prod quand je pose dessus et après la version finale, il y a souvent beaucoup de changement. On va dire que ça développe ma créativité. J’aime amener la prod le plus loin possible. Déjà à l’époque, je faisais ça. Ça doit être un peu la patte Tortoz. Il n’y a pas juste les paroles et la topline.

Donc tu travailles beaucoup avec des beatmakers.

Grave. Sur 100 DIAMANTS, j’ai beaucoup travaillé avec Unfazzed. C’est un genre de binôme, on a fait beaucoup de son ensemble et il a du produire la moitié du projet. Après, j’ai la chance de pouvoir travailler avec beaucoup de beatmakers parce que j’en ai rencontré via les toplines que j’ai pu faire. Quand tu vas en séminaire pour un artiste, tu rencontres automatiquement plein de beatmakers. Donc j’ai fait plein de rencontres. Parfois, ils me demandaient de leur faire écouter des trucs que je faisais et ceux qui ont kiffé m’ont proposé des prods. C’est comme ça que j’ai réussi à avoir d’autres beatmakers sur le projet.

«La topline, c’est le plus important pour moi»

Une fois que t’as la prod, tu toplines direct ?

Ouais, je topline beaucoup. C’est le plus important pour moi. Si j’ai la topline, je sais qu’au niveau de l’écriture, ça va glisser. Je me prend vraiment la tête sur la topline, c’est hyper important pour moi d’avoir quelque chose qui va accrocher les gens. Je me connais, ça va plus vite.

Et puis c’est un peu ta patte. Quand on pense Tortoz ou Karmen, on pense topline.

C’est ça qui me fait kiffer. Même la musique que j’écoute, les américains, si la mélodie ne me prend pas… Quand on a décidé de changer de nom et de trouver un nouvel univers, on s’est dit qu’on allait beaucoup plus axer ma musique sur la mélodie parce que c’est ce qui fait ma force. Sur le projet, il n’y a pas de zumba mais de la mélodie sur tous les sons. C’est ce qu’on veut mettre en avant. On est meilleur sur ça.

«Le but, c'est de toucher beaucoup plus de gens»

© Owen still

En parlant de la musique que t’écoutes, il y a quoi dans ta playlist ?

À la base, je suis quelqu’un qui écoute beaucoup de son US. C’est vraiment ça qui m’influence. C’est beaucoup le Canada, surtout, donc Amérique du Nord. J’écoute Drake, beaucoup Nav. J’ai beaucoup écouté Don Toliver, Lil Baby, Gunna, Asap. C’est très très large ce que j’écoute. J’ai écouté beaucoup plus de sons français dernièrement parce qu’en travaillant avec d’autres artistes, j’ai appris à aimer davantage le rap français. Parce que à la base, j’écoutais une dizaine d’artistes. Aujourd’hui, j’ai appris à aimer d’autres gens. Là, je me suis pris le projet de Khali, j’écoute Hamza, Ninho, SCH comme tout le monde. Ça peut autant être de la musique de niche – même si c’est plus trop de la niche maintenant – comme La Fève etc. que de la musique mainstream. Du moment que je trouve ça bien fait, bien produit, ça va me faire kiffer.

Je reviens sur quelque chose que tu disais tout à l’heure. 100 DIAMANTS, ça veut dire quoi pour toi ?

100 DIAMANTS, ça représente tout ce côté superficiel, le côté bling bling, tout ce qui brille. Et le diamant, ce n’est pas que la pierre mais aussi ce que ça représente : pour moi, c’est la réussite, se donner cinq fois plus pour obtenir tout ce que tu veux. Ça a aussi un lien avec l’album qu’il y aura après. On s’est dit que ça pourrait être stylé. Je ne peux pas encore en parler mais ça a un lien avec la suite.

«La mixtape, c’était la récréation»

Justement, sans en dire trop, maintenant que la mixtape est prête, tu continues à travailler sur l’album ?

Bien sûr. Juste avant l’interview, j’étais en train de bosser. Je suis déjà dessus. C’est un projet qui me tient vraiment à cœur dans les thématiques etc. La mixtape, c’était la récréation. On voulait faire de la musique pour la voiture, c’était le but du projet, ce qu’on voulait pousser. La suite, je veux que ce soit beaucoup plus personnel. Aujourd’hui, je pense que j’ai plus de recul sur ma vie pour pouvoir parler de ce qui m’est arrivé, de pourquoi j’ai changé de nom. Il n’y a pas que la maladie. Il s’est passé plein de choses ces trois dernières années, que je n’ai pas encore racontées dans la mixtape. Ce sera beaucoup plus personnel.

Tu as déjà eu des retours sur “CAPRICE” ? (au moment de l’interview, 100 DIAMANTS n’est pas encore sorti, ndlr)

J’ai vraiment eu des bons retours. J’étais content parce que ça change un peu de ce que j’ai pu proposer, surtout dans l’utilisation de ma voix. C’est vachement différent, je trouve. C’est pas évident, on a recommencé à zéro, même sur certaines plateformes de streaming. Et on fait des bons scores, c’est motivant pour la suite. C’est ce que je disais à mes potes : faut pas se focaliser sur les gens qui écoutaient Tortoz. Oui, ils étaient important. Mais ça représente genre 1% du public que je pourrais avoir. Le but, c’est de toucher beaucoup plus de gens. Ceux qui ne me connaissent pas encore. C’est eux la masse. Si ça marche demain, ce sera pas un frein de recommencer à zéro.

En même temps, tu as déjà construit une communauté avec Tortoz. Elle continue à te suivre en tant que Karmen ?

J’espère et je pense que oui. Sinon, on aurait pas fait les scores qu’on a fait sur “CAPRICE”. Il y a aussi déjà certainement de nouvelles personnes qui m’ont découvert. J’ai pas vu de retours négatifs. Après, je ne peux pas satisfaire tout le monde.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite alors ?

Que j’arrive à finir mon putain d’album. C’est vrai que c’est beaucoup de travail. Que j’arrive à faire la musique qui me fait kiffer. Je vais même pas parler de chiffres. Que ça marche ou que ça marche pas, si j’arrive à être le plus honnête possible sur ce que je fais, je ne me fais pas de souci. Réussir à me faire kiffer en faisant de la musique, faire des rencontres encore, que ce soit d’autres artistes ou des producteurs. Essayer de faire comprendre ma vision et ma musique au plus grand monde.

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Écoutez 100 DIAMANTS.

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