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Kemmler : «J’ai fait pas mal de sacrifices pour ce projet»

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Kemmler est revenu sur son dernier album &Moi, le fruit de deux longues années de travail, mêlant une écriture poétique à une profonde authenticité.

Cinquième album pour Kemmler, et toujours autant de choses à raconter. Ruptures, émerveillements, amour, déceptions : le rappeur marseillais a su mettre sa plume au service des émotions qui l’ont traversées au cours de ces deux dernières années. &Moi, son nouvel album, se trouve alors à la croisée de deux chemins, technique et sincère. Rencontre avec un artiste singulier. 

Tu as sorti quatre albums avant &moi, tu le sens différent des précédents ?

Pour moi, cet album est toujours dans la continuité de ce que j’ai fait avant. J’essaie juste de faire évoluer ma musique avec ce que je suis. Au fil des albums, je grandis donc ça se ressent dans mes textes. Entre l’album précédent et celui-ci, il s’est passé plein de trucs dans ma vie, j’ai été papa notamment. Et ça, ce sont des choses que je voulais raconter. Vu que je prends de l’âge, je prends de la maturité, donc forcément je n’ai plus envie de raconter les mêmes choses. 

Je te demande ça parce qu’avec ce titre, “&Moi”, il y a une sorte de rupture avec “Rose”, “Gris”, “Coeur”, “Gris coeur”. 

Oui c’est sûr ! Mais c’est aussi parce que les objectifs de cet album ne sont pas les mêmes que les précédents. Ce que je voyais par le titre “&Moi”, c’est d’abord ce côté émotion, l’émoi, qu’on retrouve dans tous mes autres albums. Mais je voulais aussi faire ressortir ce côté “Hey je suis là moi aussi !”. J’aimerais être identifié comme un personnage de l’univers musical aux yeux de tout le monde, parce que j’ai fait pas mal de sacrifices pour ce projet, d’où ce titre. 

Quels genres de sacrifices as-tu dû faire ? 

J’en ai fait énormément pour cet album. Déjà, dans le fait d’être beaucoup monté à Paris. Je n’ai pas beaucoup vu ma famille, et ça c’est dur. Mine de rien, quand tu bouges autant, il te faut une famille tenace. Franchement, j’ai la chance d’avoir une femme qui comprend ça, avec qui je suis depuis longtemps. Mais si tu n’es pas entouré de gens “solides », c’est difficile. Je suis aussi allé chercher des feats de gars que je ne connaissais pas forcément au départ. Vu de l’extérieur, ça ne semble rien, mais je peux te dire que d’aller chercher un Fianso, c’était galère ! On avait zéro contact en commun, ça n’a pas été facile. Il a fallu faire ses preuves, travailler et être à la hauteur. 

Tu as dit sur les réseaux que ton album t’avait demandé deux ans de travail. Comment as-tu procédé pour l’écriture de tes titres ? J’ai cru comprendre que tu écrivais assez vite, alors deux ans, ça parait un peu long ?

De fou, c’est super long ! J’ai commencé cet album en janvier 2021. Quand tu fais plein de morceau, tu te remets en question après, et donc tu refais un morceau qui remplace un ancien morceau… C’est ça qui prend du temps. En faisant ça, tu sens que tu es en train d’évoluer dans ton écriture et que ça devient plus qualitatif. Des fois, tu écoutes aussi les albums qui sortent, donc encore une fois, tu te remets en question. Plus ton processus est long, plus tu doutes de tout en fait.

Ça me fait trop penser à Dre, quand il devait sortir Detox, toutes proportions gardées évidemment. Plus il prenait de temps à le faire, plus le public idéalisait le truc, et plus il y avait de la pression. Au final, tu ne sors plus rien ! Et j’ai grave réfléchi comme ça pendant deux ans. Quand tu es dans cette logique-là, tu as l’impression d’être un peu seul au monde alors que non. C’est pour ça que je me suis beaucoup reconnu dans le documentaire d’Orel. Je me suis dit que lui-aussi, il doute de tout au final. Si, quand tu as réussi de ouf comme lui, tu doutes toujours autant, et bien imagine lorsque tu es dans un entre deux comme moi actuellement. Tu doutes d’autant plus.

Ton album commence par “Fin”, ce qui est assez paradoxal. C’était une manière pour toi de poser les bases directement pour qu’on appréhende mieux le reste de l’album ? 

Pour moi, c’est surtout pour marquer la fin d’un cycle et donc le début d’un autre. Chaque fin marque aussi le début d’autre chose. Et c’est aussi le dernier titre que j’ai écrit. Il est né pendant une grosse période de doute parce que l’album devait sortir fin juin et, au final, je ne me sentais pas prêt de le sortir. Je trouvais qu’il manquait des choses. “Fin”a donc été le dernier morceau où j’ai écrit tout ce que je pensais, à ce moment-là. Ce qui fait que ce morceau, c’est le plus proche de ce que je ressens actuellement car c’était il n’y a pas si longtemps. 

C’est un morceau fort avec beaucoup de critiques sur plein de thèmes différents. Et à un moment, tu dis : Nique sa mère les sons de love que j’ai fait, nique sa mère les sentiments que j’avais, les fans qui préféraient le Kemmler d’avant, qui m’demandent un album comme si j’leur devais”. Ce sont des critiques que tu as reçues ? C’est qui le Kemmler d’avant  ?

Je pense que tous les artistes ont ce truc-là, le fait d’avoir une partie du public qui te demande de refaire quelque chose que tu as fait sur un de tes morceaux ou projets précédents. Moi, de base, j’ai commencé le rap avec des morceaux de kick, très boom bap. Donc tu as toujours des gens qui vont venir te dire “Ouais mais quand est-ce que tu te remets à rapper ?. Alors qu’aujourd’hui, il y a tellement de possibilités dans le rap, autre que le boom-bap ! Et dans ce morceau, j’explique aussi le fait que, quand tu sors un album sur lequel tu as taffé pendant deux ans, deux semaines après, tu as déjà des gens qui te demandent quand sort le prochain album. Ça, c’est une dinguerie ! Et c’est la musique qui est devenue comme ça, ce ne sont pas forcément les gens.

Maintenant tu vas avoir des artistes qui sortent plusieurs projets par an, tous les trois mois, tous les six mois, et ça personnellement, je ne suis pas capable de le faire. Vu que j’ai choisi une musique qui est axée sur les textes, plus que sur les prods et les toplines, je ne peux pas sortir des sons tous les trois mois, sinon je tournerais en rond et je raconterais les mêmes choses. Et puis j’ai envie de le défendre encore longtemps ce projet ! Je me dis que plein de gens ne l’ont pas encore écouté, et je veux faire en sorte qu’ils l’écoutent. Et c’est cette pression permanente qui est difficile. 

 

Tu as dit dans une de tes vidéos YouTube que “&Moi” était autant ton album que celui de Duane, celui qui s’est occupé de la majorité des prods de l’album. Au-delà du fait qu’il ait produit tes morceaux, est-ce qu’il t’a apporté des conseils, voire un nouveau regard sur ta manière de travailler ? 

Ouais carrément. Mais même sur les albums précédents finalement ! Ça va faire six ans qu’on bosse ensemble et c’est quelqu’un qui se remet énormément en question, même sur ma propre carrière. Ça a ses bons côtés, comme ses inconvénients. En général, nos proches disent qu’on est assez pessimistes parce qu’on se questionne constamment, on doute de ce qu’on sait faire, pas faire… Et puis c’est mon binôme parce qu’on a galéré ensemble. On s’est barrés pendant trois mois à Paris, on n’avait pas 1€ en poche. Il y a un pote qui nous a prêté un appart complètement vide et on y a gonflé deux matelas Décathlon pour dormir là-bas. Et tout ça, c’était pour essayer de choper des contacts ! C’est d’ailleurs là qu’on a fait la rencontre de Fianso. Les galères et les sacrifices, c’était ensemble qu’on les a vécus donc je ne peux pas ne pas le remercier à sa juste valeur. 

Tu l’as amené dans ton univers ou c’est plutôt l’inverse ?  

Il y a eu un peu des deux. Duane, c’est quelqu’un qui a une très grosse connaissance de la musique, il a fait le Conservatoire par exemple. Donc de temps en temps, c’est lui qui va m’emmener sur des trucs différents et ça va matcher, ou non. Parfois on s’amuse, et c’est à la limite du jeu, comme par exemple sur le morceau “Tout quitter” où là tu as carrément trois prods sur le même morceau. Il m’a fait une espèce de parcours du combattant du pe-ra où j’ai dû taper sur les trois prods en même temps. C’est quelqu’un qui me challenge, qui me tire vers le haut et ce n’est pas un Yes Man qui est toujours d’accord avec moi. 

Au niveau des featurings sur l’album, il y a eu des propositions très hétéroclites avec des artistes de tous les horizons faisant aussi bien de la pop, du rap, de la variété… Et justement, tu n’as pas choisi n’importe qui niveau rap. Comment as-tu pensé à ce feat avec Sofiane et pourquoi lui ? 

Pour tout t’expliquer, Duane m’envoie la prod du morceau « Crever c’est » et quand je l’entends, j’ai directement été hyper inspiré. J’ai immédiatement eu très envie d’écrire dessus, alors je l’ai fini en peu de temps. En plus de ça, vu qu’il m’avait vraiment choqué avec cette prod, je me suis dit qu’il fallait que mon texte lui plaise et qu’il se dise “Ah ouais il a bien fait le taf”. Donc je me suis mis une espèce de concurrence avec Duane (rires).

Quand arrive le moment d’enregistrer, j’ai dit à Duane “Tu sais qui serait trop chaud sur le morceau ? Fianso”. On avait tous les deux aucun contact, mais je me suis dit “Soit je fais le morceau, je le finis puis basta, soit je garde mon idée en tête et on tente le tout pour le tout”. Donc j’ai fait des pieds et des mains, pour qu’au final, on se retrouve sur un tournage de clip de Zeguerre, où à la base j’étais pas du tout invité (rires) ! Et là, Sofiane débarque et c’est Duane qui va lui parler et qui lui dit qu’en gros, c’est soit lui, soit personne sur notre titre. Et là, Sofiane nous a proposé d’écouter ça chez lui. Il doit se passer peut-être un mois pendant lequel on ne sait pas si c’est bon ou pas. Je t’avoue que je pensais que c’était mort.

Et un jour, je reçois dans mon WhatsApp le morceau déjà enregistré de Sofiane et il me remercie de l’avoir contacté pour ce titre-là. C’était super gratifiant. À ce moment-là, je me suis dit que c’était quelqu’un qui n’avait qu’une parole, et c’est assez rare dans ce milieu pour te dire la vérité. En plus de ça, son couplet est fou. 

 

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Et dans la même logique, tu envisages d’aller poser sur certains projets cette année ? 

Ouais carrément, mais ça dépend des propositions musicales. En général, si on me le demande, je le fais sans problème. Là, dernièrement, j’étais sur un morceau avec A2H par exemple, et l’humain ça compte beaucoup pour moi. Si j’adore la personne, je le fais avec plaisir. C’est important pour moi de ne pas oublier cet aspect humain comme je t’ai dit, car j’ai fait de ma passion mon travail, et je veux vraiment que ça reste une passion. 

Si on se concentre sur tes titres, dans ton morceau « Chagrin d’ami », on comprend très vite que c’est une histoire qui t’a profondément touchée. Tu parles assez souvent d’histoire d’amour dans tes textes, mais beaucoup moins d’histoire d’ami. Ça a été un sujet difficile à écrire ? Tu as ressenti une certaine pudeur au moment d’évoquer ce passage de ta vie ? 

Ça a été hyper dur. J’ai vraiment le sentiment que l’amitié est plus forte que l’amour. On dit souvent que l’amour rend aveugle, mais personnellement, je n’ai quasiment jamais eu cet effet. J’ai toujours été assez lucide, même lorsque j’ai des moments de forte tristesse en amour. En amitié en revanche, je suis la reine des merguez ! Quand quelqu’un est dans mon cœur, il peut me la mettre à l’envers et je ne vais pas le voir avant longtemps. Sur ce morceau, ça parle d’une histoire qui m’a touché, car c’était quelqu’un de très proche qui m’a laissé du jour au lendemain. Ça m’a fait mal, plus mal qu’une rupture ! En plus, de base, cette histoire je ne voulais pas la raconter, mais c’est toute cette ambiance dans laquelle on était avec Mosimann au moment de l’écriture : la prod et nos discussions qui m’ont amené à chanter ça au final. Ce n’était pas quelque chose de réfléchi. 

Et enfin, est-ce qu’on pourrait savoir à qui appartient la voix féminine sur le morceau “Contre moi” ? 

Ah ça c’est vrai que personne ne l’a trouvé ! Le truc de ouf, c’est que quand j’ai écouté la prod du morceau, je ne sais pas pourquoi, mais j’imaginais une voix avec un petit accent espagnol. Donc j’ai cherché quelqu’un qui pourrait le faire, mais je ne trouvais pas quelque chose qui me plaisait. J’ai donc appelé une pote à moi, une chanteuse de ouf avec une voix incroyable qui s’appelle Annabelle. Et là, je lui ai demandé de poser sur le son, mais avec un petit accent espagnol (rires) ! Elle n’est pas du tout Espagnole mais ça matchait de ouf, et au studio c’était très marrant. 

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