Grands Formats
Népal et son bien-être incompris
Un an après le décès de Népal, on a voulu revenir sur le message d’espoir dilué par le rappeur entre ses lyrics grivoises.
Cela fait désormais un an que Népal est tragiquement décédé. Son héritage aura été sublime au coeur d’un album beau, poétique, artistique, qui dépeint avec d’autant plus de profondeur les sentiments qu’il véhicule. Adios Bahamas déploie avec d’autant plus d’esthétisme les fragments qu’il cachait derrière son masque.
Le bonheur translucide
En plus de rendre une dernière fois hommage à un homme adulé et respecté, Adios Bahamas peut se vanter d’être représentatif quant à l’état mental dans lequel baignait Népal depuis des années durant. Car en effet, si l’artiste a toujours eu un vision dystopique du monde qui défilait sous ses yeux, c’est également un message d’espoir, de conviction à propos d’un avenir meilleur qui ne dépendrait que de notre propre comportement. Ainsi, les maux qu’il transfère à l’intérieur de ce disque dissimulent les mantras éclairés, dispersés ici et là, dans l’idée de nous purifier une dernière fois à l’aide du hishaku.
Et peut-être que ses lignes vous ont échappé, bien trop absorbé par la négativité du monde qui vous entourent. Car Népal sème des mots nous rappelant que, derrière ce décor artificiel et crasseux se cachent des valeurs altruistes propres à chacun. Parfois, il trouve que «cette ville est sinistre» ; alors, dans un effort de réverbération, il se tourne vers «la magie qu’y’a dans nos iris». On remarque également que, parce que ce monde extérieur n’est que nuisance et dégoût, le rappeur préfère se concentrer sur son être, c’est-à-dire l’âme qui se trouve sous sa carapace constituée de chair. Ainsi, un rapport au corps se dessine petit à petit au fil de l’écoute du projet. L’idée devient radicale lorsqu’il dit «avancer sans voir, le cœur ouvert», guidé par ses propres sens, exhumant un décor qu’il module à sa guise.
Népal, moine solitaire
À défaut d’éprouver répulsion pour l’architecture bâtie par la main de l’homme, Népal embrasse son entourage avec fierté. Ce sont les émotions qui se transmettent entre chacun des êtres humains qui semble le fasciner. Il dit qu’il faut se sentir «assurer par l’amour des nôtres sur le chemin qu’on prend» puis décrète que «c’est en étant si différent qu’on se complète». Des aphorismes quelques peu naïfs qui sont toutefois de judicieux rappels qui contrastent avec les récits moroses du projet.
Par contradiction, Népal épouse également la solitude sans jamais la discréditer. Le dernier clip de « Sundance » où Nekfeu se balade à travers des plans larges et vides d’âmes humaines en est un exemple probant. «Ma vie c’est un film de Sundance, des fois il se passe r» est une affirmation qui résonne avec sa personnalité. Tout comme les films du Sundance festival qui se veulent parfois étirés et, par extension, ennuyeux, Népal vit des moments plats, sans rebondissement. En aucun cas cette posture n’est vue comme une fatalité, mais bien plus comme l’analogie d’un eldorado à atteindre en fin de vie.
Ce brouillard de pensées noirâtres aurait pu nous faire oublier que Népal est avant tout un homme qui réplique la spiritualité et la sagesse des moines bouddhistes afin de s’extirper de ces penchants dépressifs. Dans « Daruma », dernier morceau du projet, le rappeur se réclame du métier de peintre, celui qui change la couleur du ciel en un violet lavande. Le pigment représente ainsi le message qu’a finalement toujours voulu véhiculer Népal : devenir un homme meilleur en se réconciliant avec soi-même, pour ensuite entrer en harmonie avec l’humanité, le reflet de nous-même.