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Musique

On a discuté de Damso, Dinos et PNL avec Louane

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Crédits photo: Le Bon Bourgeois

De retour avec Joie de vivre, Louane a pris le temps de nous raconter le penchant et l’univers urbain qui surplombe son troisième album. 

Deux années après Louane, son deuxième album éponyme, Louane a signé un délicieux retour avec Joie de vivre, fin octobre. Une longue fresque de dix-neuf morceaux, qui s’inspire d’une multitude d’influences, qui varient de l’électro à la pop, avec des teintes de variété et de mélancolie. Au coeur de cette potion multicolore, la jeune chanteuse de 23 ans a également versé une subtile dose de musique urbaine. Sur sa tracklist, apparaissent les noms de Soolking en collaboration, et NKF à la production. Dans ses crédits, ce sont Dinos et Damso qui se glissent, ayant prêté leurs plumes profonde et sincère. Baignant humblement dans un milieu qu’elle a toujours flatté, Louane nous a raconté ses collaborations, sa perpétuelle défense de PNL et son univers vagabondant selon ses inspirations du moment.

Ton album Joie de vivre est sorti il y a presque un mois, quel est ton premier bilan ?

Je suis assez contente des retours. C’est un album qui est assez éclectique, donc j’avais un peu peur. Il est aussi different de ce que j’avais pu faire avant musicalement, donc l’idée de l’attente était un peu anxiogène. Mais ça va mieux maintenant, j’ai de bons retours.

On va parler de tes connexions avec le monde du rap, il y en a plusieurs sur cet album : Damso, Dinos, NKF, Soolking. Commençons par Damso, de quand date votre connexion ?

Cet album je le travaille depuis plus de trois ans. La séance studio avec Damso date d’octobre 2018. (ndlr: Louane regarde ses conversations WhatsApp avec Damso). Si je regarde notre première conversation WhatsApp, « Donne-moi ton coeur » elle a été écrite exactement le 24 avril 2018.

Musicalement, on retrouve assez facilement sa patte, au niveau de tes flows, de ta manière de poser. Est-ce qu’il y a quelque chose qui t’a marqué pendant cette session ? Il t’a donné des conseils sur certaines choses ?

Il était pas trop dans l’idée de donner des conseils, il ne s’est pas du tout placé en prof. Au contraire, il y a eu des petits moments de challenge où il m’a dit : « Tu penses que tu vas réussir à faire ça ? ». Mais ce que je peux dire de la session, c’est que c’était ultra chill. Le noyau particulier de la session, c’est que je lui ai raconté toute ma vie et ça, c’était spécial.

Tu étais préparée au fait de devoir beaucoup te livrer à lui pour qu’il puisse écrire le morceau ?

Non. Je t’avoue que quand je bosse avec quelqu’un, je ne rentre pas trop dans les détails, je donne plus des thèmes et des directions. Mais je n’ai pas eu le choix avec Damso dans le sens où, de façon étrange, il pose des questions très précises. C’est vraiment bienveillant, mais c’est très précis. Son unique but dans ces situations là, c’est d’emmagasiner des infos.

Il y a un moment dans la chanson qui est plus technique où tu as un flow particulier, c’est le pont avant le 3ème couplet sur « Donne-moi ton coeur ». C’était compliqué pour toi de bosser des placements différents ?

Ce n’était pas ce placement le plus compliqué pour moi, c’est à un autre moment sur lequel il fallait faire preuve d’une chose que, de base, je n’ai pas, et qui est assez importante dans le rap : l’attitude. C’est juste avant le premier refrain, le moment qui fait : « J’imagine un nid de récits de mots tristes, j’imagine un lit, une insomnie complice ». Et ça, typiquement, en terme de flow, j’ai trouvé que c’était très Damso. Le choix des rimes et de la métrique à ce moment-là, j’ai trouvé effectivement que c’était signé.

Est-ce que, toi aussi, tu as pu t’intéresser à lui et lui poser des questions ?

Oui, on a beaucoup parlé. Sa façon de travailler est impressionnante. Autant en tant qu’homme, quand on commence à discuter avec lui, il est super terre à terre, donc il n’est pas du tout impressionnant. Par contre, sa vie est impressionnante. On parlait beaucoup, et je parlais beaucoup. On parlait de nos mal-êtres : comment on trouvait les solutions, comment on arrivait à sortir de ce genre de situation. Et il m’a beaucoup parlé de mutisme (ndlr. l’incapacité psychologique de parler en société).

Je n’arrive déjà pas à ne pas parler en société, et tu es en train de me dire de rester seule et de ne pas parler ? Ça, typiquement, c’est ultra impressionnant. Et il me disait qu’à plein de moments de sa vie, ça l’avait aidé. C’est un gars qui est capable de se mettre solo et de ne pas parler. Parler à personne. Je me rappelle avoir abordé le thème de la peur, mais il me disait que c’était tout le principe du truc, se retrouver solo avec ses pensées.

Sur ton album, tu as également collaboré avec NKF pour le morceau « Peut-être ». C’est une très belle connexion.

NKF, j’avais vraiment trop envie de bosser avec lui. Ça a été assez inattendu. Je ne peux pas te raconter comment ça s’est fait, car je ne sais pas si c’est lui qui a voulu bosser avec moi ou si c’est mon label qui lui a demandé de faire une prod pour moi. Ce que je sais, c’est qu’il y a eu un moment où j’avais eu cette chanson, qu’à la base, je n’aimais pas, que j’ai ensuite enregistrée puis adorée. Mais j’ai dit : « Ok, la prod, il faut la changer ». Et du coup, on a demandé à plusieurs personnes de la refaire, ils me les ont fait écouter, j’en ai sélectionné une et ils m’ont dit que c’était NKF. Je leur ai dit : « Faut commencer par ça les gars ! » Je ne l’ai pas rencontré, mais on parle pas mal par textos, il m’envoie des prods par WhatsApp.

Vu qu’on parle de NKF, parlons de PNL, je crois que tu es vraiment fan d’eux. 

Pour être honnête, je n’écoute pas énormément de rap français. Je n’écoute pas non plus de rap US, j’écoute beaucoup de rap italien. Par contre, en rap français, ceux que j’écoute le plus, c’est PNL. La plupart de mes conversations sur PNL, aujourd’hui, c’est de la défense. C’est ultra-frustrant. Je suis dans le milieu de la pop, je ne suis pas dans le milieu du rap du tout, et dès que je parle de PNL,  je me prends des « ouais c’est pas accessible ». Je pense qu’il y a un truc de génération qui est évident mais ce n’est pas du tout sectaire PNL ! Sinon, pourquoi une petite blanche de Hénin-Beaumont comprend et est touchée par ce qu’ils disent ? Et en plus, quand je dis que je suis touchée, je suis vraiment touchée. N.O.S, il m’a déjà fait pleurer pour de vrai.

Du coup, c’est toujours compliqué, car je suis toujours a expliqué que ces mecs ils ont des plumes incroyables, que c’est pour moi de la poésie 2.0, que je comprends que ce ne soit « pas accessible », même si je ne suis pas d’accord avec ça. En fait, il faut s’intéresser un peu aux codes de langages. Pourquoi pour moi, ce n’est pas un effort ? Juste parce que c’est le langage qui est autour de moi. Après, c’est drôle, parce que je vois des gens dirent : « Lol, Louane elle parle en bail ». Mais vous ne me connaissez pas. Je ne vais pas faire semblant de ne pas être quelqu’un que je ne suis pas, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas un pluriculturalisme autour de moi. Au contraire, il est constant ce pluriculturalisme. Les trois quarts des choses dont parle PNL :  un, je ne le vis pas ; deux, je ne suis pas oppressée de la même façon et 3, honnêtement, même si je peux l’imaginer, je ne peux pas le comprendre. Ça ne veut pas dire que ça ne me touche pas. J’ai pas l’impression de m’approprier leur codes quand ils sont utilisés par toute ma génération.  Je fais attention à ne pas utiliser des codes qui ne sont pas représentatif de qui je suis, même si c’est assez naturel.

 

Tu as aimé dès les premières écoutes PNL ?

Clairement, oui. En fait, peu importe ce que j’écoute, je commence toujours par le texte. Je ne suis pas dans un combat entre la prod ou le texte. Moi, ce qui me touche, avant même l’émotion de la musique, c’est le texte, ce qu’on me raconte. Et désolé mais dans « Chang », quand N.O.S rentre, il ne me faut pas dix secondes pour être en larme. Et pourtant, je ne suis pas une fragile – mais si, en vrai je suis grave une fragile (rires).

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Tiens, en parlant de rappeurs à texte, parlons de Dinos qui lui aussi a écrit pour ton album. Comment tu l’as découvert ?

Je l’ai découvert avec « Helsinki ». Je trouve que sur Taciturne, il est beaucoup plus affirmé que sur l’album précédent, il est beaucoup plus rentre-dedans. On en parlait en studio, il m’a fait écouter l’album, et quand il a sorti Taciturne, il était vraiment dans l’optique de montrer ce qu’il sait faire, ce qui m’a vraiment impressionné, car je pensais qu’il nous l’avait déjà montré. C’est cool car Dinos, quand tu parles avec lui, il veut toujours aller plus loin et c’est interessant, car c’est rare les mecs comme lui, qui sont aussi intelligents dans l’envie d’aller plus loin. Il ne s’assied jamais sur ce qu’il a, je pense que c’est pour ça qu’on s’est aussi bien entendu. Et puis, évidemment, il a une plume extraordinaire, il écrit trop bien. C’était ultra naturel, on lui a demandé de faire un son, il a dit « oui », c’est assez facile. Quand on s’est retrouvé en studio, il avait déjà fait le morceau « LOVE ». On est vraiment allés en session pour se rencontrer.

Damso, lui, t’a plus orienté vers l’attitude, est-ce que Dinos aussi t’a donné un conseil ou quelque chose que tu as retenu de ta rencontre avec lui ?

C’est plus au fil de la conversation. Je ne crois pas, quand je me retrouve en studio avec eux ou avec importe qui, que les gens essayent de me donner des conseils ou de m’apprendre des choses. Honnêtement j’apprends énormément d’eux sans qu’ils aient besoin de me montrer quoi que se soit. Même avec Soolking en vrai. C’est là où j’apprends le mieux, tous les gens avec lesquels j’ai bossés, dès que je me trouvais face à eux, c’était toujours dans le sens du partage.

Et honnêtement, je crois que c’est comme ça que tu apprends le mieux. Car quand quelqu’un veut « prendre le dessus », tu avances moins. Alors que, quand tu es plutôt en phase avec la personne en face de toi, c’est plus facile d’aller chercher les choses nouvelles dont tu n’as pas l’habitude. C’est pas que je n’ai pas besoin d’apprendre, au contraire, c’est pour ça que je fais ce métier là, car j’apprends tous les jours. Avec Damso j’ai appris l’attitude ; avec Dinos, j’étais plutôt dans le lâcher-prise et avec Soolking, j’ai appris à accepter que la session studio ne se passe pas comme tu l’as imaginé.

 

Justement parlons-en :  qu’est ce qu’il s’est passé avec Soolking ? 

Il a fait un truc qu’énormément de gens font mais que je ne fais pas. Il est arrivé, on a choisi un piano, on a commencé à bosser sur une production et il est parti derrière le micro. Je ne fais pas ça moi. J’ai d’abord besoin d’un squelette, puis je vais chercher une topline pour le premier couplet, puis pour le pre-refrain, etc. Tu as vu l’organisation écolière et carrée de mes sons ! Lui était en mode : « Vas-y, mets-moi des refrains ». Et il enchainé les toplines. Et il y a un moment où je suis allée écrire mon texte dans les toilettes. Et c’est trop cool, car ça m’a appris qu’il n’y avait pas de bonne façon de travailler.

Au contraire, ça m’a grave formée à faire des featurings. Je n’avais pas trop l’habitude. Mais c’est bien, car pour une session avec quelqu’un d’autre – que je ne peux pas dévoiler à l’heure actuelle mais en vrai ça va être très lourd –  j’ai eu l’occasion de moi-même tester la chose. Et, effectivement, ça donne une ambiance et un délire complètement différents à ta façon de topliner et d’écrire. J’ai commencé à topliner et à écrire derrière le micro. Ça va être cool.

En 2019, tu déclarais sur RTL avoir « envie de rap » en citant Damso, Lomepal ou encore Orelsan : «Si l’un d’eux m’entend, je serais super heureuse qu’ils m’appellent».

(elle coupe) Soyons honnête, tu as vu les dates ? (rires)

Effectivement, ta collaboration avec Damso date de 2018 et ta déclaration de 2019… Bon on peut quand même en parler ? 

(Rires) Oui bien sûr, on peut en parler.

Est-ce, que bosser avec tous ces rappeurs, ça t’a donné envie de poursuivre dans ce genre et cette culture ?

Franchement, je n’en sais rien. J’aime faire de la musique qui me plaît, avec des gens que j’aime écouter, c’est ça la vérité. Je ne réfléchis pas forcement à rester dans l’urbain ou aller ailleurs. Je pense qu’on est au début d’une ère où, bientôt, les genres vont vraiment se mélanger. Et pour moi, c’est tout bénef. C’est ça que j’aime dans la musique : mélanger les genres, les gens. Avoir la possibilité d’échanger. Le partage, c’est ce que je préfère.

Je peux te répondre : « J’ai envie de continuer, d’aller plus profondément dans l’urbain », mais en vrai, peut-être que dans cinq minutes, j’aurais envie de faire autre chose. Dans mon album précédent, j’étais plus dans l’électro et je ne sais pas ce que je vais faire plus tard. Mais ça pourrait, en fonction du moment où je serais dans un processus de création, ce dont j’aurais envie à ce moment là. Et si on prend l’exemple de mon premier album, j’étais en mode pop-tenage car c’était ce que j’écoutais à l’époque. Ça évolue en fonction de ce que j’écoute et de qui je suis. Le problème, si je me mets à écouter que du flamenco, ça va rendre l’album un peu chelou. Mais pourquoi pas ! Je ne suis pas fermée.

Joie de vivre, Louane, 2020 Mercury Music Group. 

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