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Musique

Sneazzy : et si c’était le moment de réhabiliter « Super » ?

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C’est une sixième bougie timidement soufflée pour Super, le premier album de Sneazzy sorti le 11 mai 2015. Vivement critiqué à sa sortie, le projet est aujourd’hui indisponible sur les plateformes de streaming. Prenons le temps de le réécouter. 

«J’étais pas prêt, je l’ai fait, il est sorti… Il n’a pas marché.» Questionné par Interlude en mars 2020 dans le cadre d’une interview « face à lui-même », Sneazzy ne mâchait pas ses mots sur son premier album Super. «Avec le recul, poubelle», estimait alors le MC de 1995 qui assimile ce premier projet en solitaire à un échec. L’album avait scoré à hauteur de 1002 exemplaires une semaine après sa sortie. A titre de comparaison, son dernier album en date Nouvo Mode s’est écoulé à sept fois plus d’exemplaires sur le même laps de temps, soit 7 477 équivalent ventes. Un fiasco à oublier. Sneazzy s’est ainsi reconstruit un large succès d’estime à base de kickage et d’écriture incisive les années suivantes. D’abord autour de la trilogie des DBSS (Dieu Bénisse Supersound), puis de Nouvo mode sorti en février 2020.

Et comme pour enterrer définitivement cet album maudit, le rappeur l’a supprimé des plateformes de streaming. Désormais, rendez-vous sur quelques liens officieux de Youtube ou Soundcloud pour retrouver les différentes pistes de l’album. Comme si tout le monde avait décidé que Super devait être gommé. Mais en ce 11 mai 2021, six ans jour pour jour après sa sortie, peut-être le temps est-il venu de reconsidérer ce projet. Tout du moins de le considérer avec un œil nouveau, loin des attentes stéréotypées qui pouvaient coller au MC qui débarquait fraîchement de 1995. Car Sneazzy a accouché d’un album certes irrégulier, mais bien loin du naufrage artistique qu’on lui prête.

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Et aussi, Sneazzy révèle comment s’est conclue l’affaire avec Pascal Praud

Ubiquiste et éclectique

Polyvalent : comment mieux définir ce qu’est l’essence même de Super ? Dès les premières notes de l’album, Sneazzy laisse le chanteur Guillaume Griefjoy installer une ambiance posée, calme… Qu’il brise instantanément le temps de deux couplets hargneux sous des basses vrombissantes. «J’te fais le débrief, j’ai 22 piges et les poches pleines de biff / J’évolue, j’ai résolu tous mes problèmes de mille-fa.» Le ton est donné : Sneazzy est là pour kicker.

Enfin, c’est ce qu’on pourrait croire, car le reste de l’album est bien plus éloigné de cette posture. Le membre de 1995 axe davantage la direction artistique de Super autour d’une dimension musicale autour de productions léchées et variées. A l’image par exemple de « Envie d’elle », morceau plus groovy que jamais dans lequel Sneazzy relate joyeusement une drague qui se termine en partie de jambes en l’air.

Pour ceux qui préfèrent flâner au soleil «à 200 sur la freeway de L.A», Sneazzy a tout prévu avec « Chienne de vie », track calme et solaire, sans prétention. Sans oublier l’ambiance mystique de « Black Out », la prod sournoise de « ISF »… Un cocktail qui part dans beaucoup de directions à la fois, et qui fait de Super un projet pleinement expérimental. Sneazzy n’a pas encore trouvé sa recette, et c’est ce qui fait tout son charme.

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Un Sneazzy à fleur de peau

Mais la véritable force de Super réside dans son caractère introspectif. Sneazzy se livre plus personnellement dans ce premier album qu’il ne le fera jamais par la suite. C’est notamment la première fois qu’il met aussi personnellement en avant les déboires de sa sphère familiale. Cela n’aura d’ailleurs échappé à personne : Sneazzy ne porte pas son paternel dans son cœur. Des piques fracassantes ci et là, le poignant « Mon père c’est ma mère » en featuring avec S.Pri Noir…

Dans Super, le MC va encore plus loin avec « Dieu Merci ». 3 minutes 29  glaciales de haine pure contre son géniteur. Le règlement de compte d’un Sneazzy écorché vif. «Heureux qu’il nous ait lâché, je prends ça comme un présent / Mon père était un raté, ma mère restera un exemple.» Sa mère d’ailleurs, qui elle aussi à droit à sa chanson : « La coupe ». Un morceau lumineux pour le coup, plus proche de la déclaration d’amour. Une promesse de s’en sortir pour la rendre fière.

Super, pilier officieux

Des gages de sincérité qui rompent avec la distance que Sneazzy a pris vis-à-vis de ses propres sentiments avec les projets qui ont suivis. L’ADN Super pourrait ainsi être résumé en une phase issue de « Amine », l’outro du projet. «Tu peux m’appeler Mohammed Amine, j’réponds aussi au nom de Sneazzy / J’te le dis sec j’suis un petit mec qui peut même faire de l’ombre au vigile.» D’un côté il y a le Sneazzy auquel nous sommes maintenant habitués : efficace, piquant, insolent. De l’autre il y a Mohammed Amine, désormais plus timide dans l’univers artistique du rappeur : authentique, à fleur de peau.

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Dans l’opinion publique, Super laisse la marque d’un album inabouti. Trop juste techniquement pour l’héritage que le membre de 1995 était censé arborer. Surtout quand sur cette même année 2015 Nekfeu triomphe avec Feu, et qu’Alpha Wann jouit de la hype de son premier opus d’Alph Lauren sorti l’année précédente.

Depuis, SNZ s’est bien rattrapé : la série des DBSS l’a replacé sur la carte des découpeurs de prods émérites. Aujourd’hui, impossible de nier la place de choix qu’il possède au sein de ce trio de performeur qu’il forme avec ses deux compères de 1995. Un MC à l’art solide comme le roc. Tellement solide que six années après sa sortie, la délicatesse à contre-courant de Super se doit d’être appréhendée avec un regard nouveau. Une réécoute histoire de patienter, puisque le MC a annoncé sur son compte Instagram qu’on entendra parler de lui d’une manière ou d’une autre en juin prochain.

Dans le reste de l’actualité, Sneazzy : le clip de « Etincelles » ne sortira malheureusement jamais. 

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