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Bienvenue dans un monde où Tupac et Biggie ne sont pas morts
Tupac Shakur et The Notorious B.I.G. seraient-ils d’aussi grandes légendes aujourd’hui sans ces morts prématurées ? Que serait le monde du rap si les fusillades des 7 septembre 1996 et 9 mars 1997 n’avaient pas eu lieu ? Enquête dans un monde parallèle où The Notorious B.I.G. et Tupac seraient encore en vie.
Il est légitime de se poser la question. Est-ce que les poids lourds du rap US des années 2000, auraient eu le même succès si Biggie et Tupac n’étaient pas morts ? Les légendes vivantes existent : Nas, Dr Dre et Jay-Z en sont les meilleurs exemples. Les albums de Biggie et Tupac n’auraient pas connu un aussi grand succès mais ils seraient auréolés comme aujourd’hui du statut de classique. La concurrence aurait fait avec, il est très peu probable que le rap aurait eu un autre visage que celui qu’il a aujourd’hui. Nous aurions adoré entendre une collaboration entre Tupac et Eminem, entre Biggie et 50 Cent. L’histoire de la musique aurait suivi son cours, la nouvelle génération aurait sûrement pris le relais de la même façon, avec ou sans la mort des deux légendes.
Des légendes fantasmatiques
Depuis les tragiques disparitions des deux légendes, un nombre incalculable de rappeurs ont osé se comparer à eux. Tupac et The Notorious B.I.G. sont les étalons du rap américain. Le sommet de l’égo-trip serait de s’annoncer meilleur que ces illustres aînés. La comparaison est un élément de communication classique. D’ailleurs la presse se réjouit de relayer la déclaration sur les réseaux sociaux et d’obtenir les retours énervés des puristes. Assis confortablement sur des nuages à plusieurs milliers de kilomètres de nous, les ex-rivaux pouffent de rire d’entendre ces jeunes se référer à eux. Messieurs, cessez de vous prétendre meilleurs, vous ne l’êtes généralement pas. Encore vivants aujourd’hui, Biggie et Tupac n’auraient pas à subir ces comparaisons. Ils remettraient en place aisément ces insolents avec un morceau incendiaire à la « Hit’ Em Up ». Ils ont marqué l’histoire de la musique avec des albums cinq étoiles. Si le qualificatif « classique » est souvent galvaudé, il ne l’est pas pour décrire les albums The Notorious B.I.G. et Tupac Shakur.
Ou peut-être ces albums sont-ils devenus classiques parce que les deux rappeurs sont morts si jeunes ? Plus que d’emblématiques artistes, Tupac et Biggie sont devenus d’intouchables légendes du milieu. Des légendes presque fantasmatiques. Certes, les rappeurs actuels sont naïfs d’oser de telles comparaisons, mais pour la plupart, elles ne sont pas si dénuées de sens, toute proportions gardées, évidemment. Au cours d’une interview, XXXTentacion demandait notamment au journaliste « Est-ce que Tupac rappait sur du rock ? », en référence au dernier album du floridien, ’17, qui caressait de délicieux samples rock. Encore une fois, les deux artistes ne sont pas comparables selon leurs statuts, mais dans l’argumentation de X, il y a du vrai. Les rappeurs actuels sont, logiquement, plus polyvalents, plus complets. Plus récemment encore, Childish Gambino, qui précisait être le « nouveau Tupac ». Une nouvelle fois écrasé par les critiques de la communauté rap, Donald Glover constatait simplement son parcours très similaire avec le défunt MC. A juste titre.
Cela nous mène donc au point d’orgue de cette constatation : Biggie et Tupac ne sont-ils pas des légendes si inclassables car, justement, ils sont décédés au sommet de leur art ? Devenir un grand est une chose dans le rap, le rester en est une autre. En particulier, le rap américain fonctionne par cycle, et peut-être le cycle des deux regrettés aurait-il pris fin une poignée d’années seulement après leurs classiques. Evidemment, difficile d’imager un Tupac faire de la trap, ou Biggie se dandiner dans un clip de DJ Khaled, et pourtant, la grande majorité des artistes américains l’ont fait. Quels qu’ils soient. Et difficile de croire que les deux rappeurs en auraient été épargnés. Seul Eminem a semblé garder sa ligne directrice pendant des années, avant de se heurter à de lourdes critiques après Revival. Oui, dans le paysage américain du rap actuel Tupac et Biggie n’auraient eu qu’une place de second, ou troisième rôle.
Ce qui ce serait vraiment passé
La carrière de rappeur Tupac continue au sommet jusqu’au début des années 2000. Des morceaux sortis entre 1997 et 2006 ne porteraient pas l’adjectif « posthumes ». Ils composent des albums réussis produits par Dr Dre, car il a évidemment quitté Suge Knight. Le label Death Row Records sombre après le départ de Shakur. Une réconciliation est intervenue entre l’Est et Ouest avec un morceau collaboratif entre les différentes figures emblématiques intitulé « Don’t give a fuck ´bout it ».
Tupac renonce finalement à la musique en 2001 après les attentats du 11 septembre. Il publie alors un livre autour d’une théorie du complot sur cet événement préfacé par le réalisateur français Mathieu Kassovitz. Figure emblématique de lutte contre les illuminatis, il sera en procès sans discontinuer avec les associations sionistes et reptiliennes. Il accompagnera son ami Denis Rodman à plusieurs reprises en voyage en Corée du Nord. Il se liera d’amitié avec Kim, et prendra position sur Twitter contre Trump lors du clash entre les deux chefs d’État. Tupac se fera tuer en 2018 dans une fusillade après un discours lors d’un rassemblement à la mémoire d’un jeune afro américain mort suite à des violences policières.
De son côté, loin des affaires politiques Biggie cesse sa carrière après un quatrième album intitulé Live and Let Die en 2002. Il ne quitte pas pour autant le monde de la musique et continue à suivre la crème des rappeurs en compagnie de son ami de toujours Diddy. Producteur de génie, il emmènera le label Bad Boys Records au sommet du rap mondial. Peu intéressé par les tumultes du monde politique, il s’engage néanmoins auprès de Barack Obama. La légende raconte qu’il suggérera au candidat le slogan « Don’t let America die », mais il préférera finalement « Yes we Can ». La presse people suivra sans discontinuer les péripéties du couple qu’il forme avec Faith Evans. MTV consacrera plusieurs téléréalités autour de la vie de Biggie. En 2008, il est le héros d’un programme où il relève le challenge de perdre 40kg devant les caméras. De très nombreux rappeurs se réclameront de Biggie, mais il refusera les participations en featuring préférant de simples apparitions dans des clips.
Et oui, la réalité est parfois dure a entendre.