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Zuukou Mayzie : «Je ne veux pas qu’on dise que je suis un rappeur»

Photos : @lou_bet

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Rencontre avec Zuukou Mayzie pour la sortie de Segunda Temporada. Son rapport à la musique, au cinéma, sa place dans le 667 : découverte d’un OVNI du rap français.

Vous l’avez vu arriver en trottinette électrique sur le clip de “669 pt2” et délivrer un couplet remarquable. Ou bien dans le dernier documentaire du Règlement parler d’arbalètes et de tatouages. Il est l’une des pépites du 667. Membre phare du collectif sur lequel la lumière s’est posée depuis plus d’un an et demi, Zuukou Mayzie vient de publier son album Segunda Temporada. Cette saison 2 fait suite à Primera Temporada sorti l’année dernière. Un projet sur lequel on peut retrouver Freeze Corleone, Ashe 22, Osirus Jack, The Pirouettes, Wit., Timothée Joly, Black Jack OBS et Di-Meh. Un contenu d’une richesse folle pour un artiste pétri de talent, avec énormément de références et sans la moindre barrière artistique.

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«Je ne veux pas qu’on dise que je suis un rappeur. Je fais de la wok musique, un mélange de pleins de sonorités, comme dans un restaurant. Au wok tu manges ce que tu veux, là c’est pareil». Zuukou Mayzie est un artiste. Ne le mettez pas dans une case rap simplement parce qu’il est membre d’un collectif de kickeurs. Cette diversité musicale, on la ressent dès le deuxième titre, « Le Mayz », une ride estivale planante représentative d’une de ses nombreuses facettes artistiques. «C’est mon son préféré de l’album». Du rap, du lo-fi, de l’électro, de l’eurodance : il y en a pour tous les goûts, et c’est impressionnant de maîtrise dans cette diversité proposée. «C’est le projet le plus abouti de par le nombre de sons qu’il y a, la diversité dans la tracklist. J’ai bien dilué le contenu de l’album. Je peux pas me contenter d’un seul style de musique, je m’ennuierai, ce serait trop redondant, trop répétitif. Chez d’autres artistes, j’ai l’impression d’écouter les mêmes sons.»

Une stratégie commerciale à la Amazon

C’est sûrement cette double culture, franco-sénégalaise, et le fait d’avoir vécu longtemps à l’étranger, qui lui a permis d’obtenir cette ouverture d’esprit dans la musique qu’il propose. Ouverture qui selon lui a eu du mal à être acceptée en France. «Je suis arrivé il y a 5 ans avec un morceau eurodance qui s’appelle « Zelda ». Et, venant d’un collectif avec que des rappeurs, les gens se sont dits : « Il est ouf le frero il fait n’importe quoi’. Les gens sont pas forcément prêts en France en terme d’ouverture musicale je pense comparé à d’autres pays. En France, on te dit quoi écouter, sans te laisser le choix de creuser et d’aller chercher ses propres goûts. Sans ce manque d’ouverture, j’aurais streamé plus fort et plus rapidement». Fan de Yung Lean, Zuukou voit peu de rappeurs en France qui arrivent à sortir des sentiers battus. Sauf Damso : «Avec lui, tu sais que tu vas jamais t’ennuyer musicalement. C’est un voyage, tu découvres en permanence des nouvelles routes».

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Cette ouverture et ce refus de formatage, il se ressent même dans sa stratégie commerciale. Lui qui, inspiré des séries où un épisode sort toutes les deux semaines, sort la plupart des morceaux de son album en single au cours de l’année. «C’est comme Amazon, ils balancent un épisode toutes les deux semaines et tu les regardes. C’est pareil, ça fait de l’actualité, les gens t’oublient pas. Je t’envoie des épisodes au cours de l’année, et à la fin t’as le puzzle complet». C’est même l’occasion, le jour de la sortie finale, de retomber sur certains morceaux à côté desquels on est passé : «Même le son avec Timothée Joly par exemple, les gens l’ont pas compris quand c’est sorti. Et après avec l’album final là ils se le prennent». L’originalité poussée à son paroxysme, du mode de création, pour un artiste qui «n’écris que le dimanche quand je dois faire mes sons», jusqu’au mode de consommation. Et de la même manière qu’il avait fait à la sortie de la saison 1, il vient d’envoyer la premier morceau de la saison 3, « Hyyerr » avec le rappeur Jolly de Lyonzon. Un morceau d’été, et une connexion franco-italienne plus que réussie. «J’avais envie de lumière, de soleil. Ça fait nuit d’été, sur une ride en voiture avec un coucher de soleil».

Zuukou Mayzie : «Je déteste la guerre, même si j’aime les armes, c’est paradoxal»

Zuukou est un passionné de cinéma. Toutes ces passions pour les armes, la musique viennent ce cette éducation cinématographique qu’il a eue. «Je regarde beaucoup de films donc par ça j’ai pu connaître énormément de musique, de groupes etc dans pleins de genres variés». Du pain béni pour sa communauté qu’il peut pousser à la curiosité pour aller creuser les innombrables références qu’il mentionne. «Dans mes sons et mes stories, je mets des sons et des références, je sais que personne ne connaît. Après c’est normal de pas connaître, chacun son domaine. Si je connaissais pas le cinéma autant, j’aurais jamais pu découvrir tout ça.»

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«Tout ça», c’est le contenu de sa musique. Pour un artiste qui a un réel amour de l’instrument de de la composition, ses productions sont très léchées et énormément fournies. Un solo du flûte d’une dizaine de secondes dans Kill Bill va lui inspirer une idée de morceau. «C’est même plus de la prod pour moi. C’est une composition avec des vrais instruments. Me concernant, une des plus grandes légendes c’est Pharrell Williams avec tout ce qu’il a créé dans les mélanges de sonorités: c’est de la vraie musique. Il y a une notion orchestrale, avec des mecs genre Travis Barker, Annie Hardy. C’est des choses qui m’ont marquées». Des méthodes de travail et de création artistique qui, au vue l’époque actuelle, se rarifient. «C’est pas la même chose de créer de A à Z une pièce avec toutes sortes d’éléments différents que de faire un truc vite fait derrière son ordi, tu reçois une prod par mail et tu rappes dessus».

Et cette adaptation et cette ouverture à énormément d’univers musicaux variés, il l’explique dès l’introduction de l’album, avec le titre « Be Water 😉 » et l’extrait de l’interview mythique de Bruce Lee. «Be water, c’est s’adapter à son environnement avec tout le concept autour de l’eau qui n’a pas de forme. C’est de l’adaptation permanente, comme un caméléon». Quelqu’un de particulièrement humain, qui privilégie en permanence le rapport à l’autre. «Je suis vraiment ultra ouvert d’esprit, j’aime vraiment parler aux gens de tout et de rien; apprendre de l’expérience de l’autre pour que ça te serve dans ta vie, et inversement. Je déteste la guerre, même si j’aime les armes, c’est paradoxal. S’entretuer pour des richesses, de l’or, du pétrole, du pouvoir, je comprends pas. C’est pour ça que dans mon album il y a un son qui s’appelle A.n.s.k.a, c’est un référence à La planète des singes : « Ape shall never kill ape ». J’ai changé l’acronyme volontairement, je sais pourquoi. Mais bon, encore une référence à un film que je kiffe».

Une touche de couleur dans un collectif obscur

«Je peux pas faire que du rap, parce que de base j’suis pas un mec qui écoute du rap. Tous les mecs du 667, oui, ils écoutent que du rap». Une singularité dans un groupe de rappeurs, qui plus est assez sombre dans l’esthétique qu’il dégagent. Ce qui n’est pas un problème pour autant pour Zuukou, qui arrive à avoir des retours de la part des autres membres du collectifs, bien que pas tous enclins à tous les styles qu’il recouvre. «Mais même s’ils écoutent que du rap, je sais que Freeze par exemple il écoute quasiment que du rap, mais quand je lui écouter « Vincent », il kiffe. Il n’y a pas de barrière, si musicalement ça te parle. Je comprends que les gens puissent être surpris par rapport à l’image du 667 qui se dégage, mais c’est pas comme ça. On n’est des entités, avec plusieurs sonorités. C’est pas une fusion.»

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Et cette indépendance dans le style musical de Zuukou, elle va de paire avec l’indépendance du 667. Un groupe soudé, fidèle à ses principes, qui ne compte pas changer sa ligne directrice pour plus d’argent ou de notoriété. «Dans le 667, personne peut nous appâter. Dans notre école à Dakar, c’était 30000 euros l’année, donc des gens riches, et vraiment riches, on en a vu. Des milliardaires, on en connaît. Il s’agit pas de faire la mala comme pleins de rappeurs, et ensuite galérer sur la fin de mois. C’est pour ça que même si on perce, il n’y a rien qui va changer. C’est pas avec de l’argent que je vais changer ma façon d’être et perdre mon côté humain.» Un doigt d’honneur aux radios et autres membres de l’industrie, pour un groupe qui connaît un succès fulgurant sans pour autant avoir subi le moindre formatage.

Quel destin pour ce groupe d’amis d’enfance, qui à la base n’ambitionnaient pas particulièrement tous de faire une carrière dans la musique, et qui se retrouvent aujourd’hui côte à côte plus loin qu’ils ne l’auraient certainement imaginé. «J’ai pas d’objectif particulier dans la musique. De base, je fais de la musique pour le plaisir. Je rappe pas moi, je suis juste le meilleur pote de Freeze. Une fois je suis en studio avec lui, il m’a chauffé pour faire un son. Après je me suis acheté un micro, j’ai fait des sons dans ma chambre et puis ça a pris, comme pour tout en fait.» Du travail, de la curiosité et de la détermination ont permis à Zuukou Mayzie et au 667 d’être aujourd’hui à la tête d’affiche du rap français. Alors quelle suite pour Zuukou ? Une saison 3 certainement pour l’été prochain, avec comme à son habitude des extraits disséminés tout au long de l’année. Et d’ici là encore et toujours plus de contenu cinématographique et musical en libre service dans ses stories Instagram. «La suite, c’est Dieu qui le dira. Jusqu’à on espère ouvrir un hôtel à Dakar »».

Zuukou Mayzie – Segunda Temporada.

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