Interviews
On a parlé voyages, influences et écriture avec Mikano
Rendez-vous au Sinner Paris avec Mikano, le rookie qui a tout des plus grands. Fort d’une richesse culturelle grâce à ses nombreux voyages, il nous raconte comment il est devenu l’artiste qu’il est aujourd’hui. Son nouvel EP Melting Balloons sort ce vendredi 6 mars.
Tu as beaucoup voyagé étant plus jeune, tu peux nous expliquer ton parcours ?
Je suis né à Paris, mais je suis tout de suite parti au Cameroun pendant quatre ans. Ensuite je suis allé à Amsterdam, puis Clermont-Ferrand, Abu Dabi, au Caire en Égypte, et je suis revenu à Paris ensuite.
En terme de culture, voyager c’est ce qu’il y a de mieux. Qu’est-ce qui t’as le plus marqué ?
C’est la culture arabe qui m’a le plus marquée car lorsque j’y étais, j’étais plus âgé, je comprenais ce qu’il se passait autour de moi. On parlait soit anglais soit arabe, la culture dominante c’était l’islam. Et il y avait énormément de nationalités différentes, des libanais, des pakistanais. Et ce qui a fait qu’on a commencé à s’intéresser à beaucoup plus de choses c’est que toutes ces personnes là sont hyper accueillantes, elles nous laissaient nous exprimer qu’on soit chrétiens, musulmans, noirs, blancs, etc… Et au niveau de la musique aussi, il y en avait de partout, tout le monde en écoutait, il y avait énormément de métal, beaucoup de techno, du hip-hop mais ce n’était pas le plus répandu. On nous laissait quand même tout écouter, personne n’était marginalisé. Donc en terme de culture c’était vraiment ouf.
Et ensuite, le rap est arrivé comment dans ta vie ?
Le rap est arrivé dans ma vie quand je devais avoir 5 ans. Je crois que depuis que je suis petit j’écoute du rap mais je ne le sais pas. Mes cousins en écoutaient beaucoup et ils ont peut-être 10 ou 15 ans de plus que moi et j’étais tout le temps avec eux donc à 4 ans mon premier souvenir c’est Coolio *rires*. Je connaissais déjà ses morceaux par cœur à 4 ans car je traînais tout le temps avec mes cousins et plus tard, à 6 ans mon père m’a acheté mon premier album rap, c’était Snoop Dogg Tha Last Meal. Et à partir de là, je n’ai écouté que ça, avec du R’n’B. Je n’étais pas passionné jusqu’au point de me dire que j’allais écrire, juste je kiffais écouter même si je ne comprenais pas.
Du coup, l’écriture est arrivée comment ?
Au début, j’étais juste passionné d’écoute, Snoop Dogg avait un univers super cinématographique contrairement à tous les autres à l’ancienne qui posaient juste sur des prods. Mais lui il mettait toujours des samples en plus, beaucoup de skit avec des personnes qui parlaient entre les morceaux. Donc même en ne comprenant pas ce qu’ils disaient, tu sentais que tu faisais partis d’un univers, et ça c’était vraiment cool.
Après, ce qui a fait que j’ai voulu écrire c’est Lil Wayne à l’époque de Carter II, Carter III. Lui a pris, les skit et le côté théâtrale. Du coup, je me suis dit que je voulais faire comme lui. Donc au début c’était ça, mais pour l’histoire, c’est qu’à côté de tout ça, j’avais un pote à moi qui écrivait des textes de R’n’B à Abu Dabi mais en vrai il était pas très fort *rires*. Mais juste le fait qu’il fasse ça, j’ai trouvé ça ouf. Je me disais : « C’est pas une star, il est juste à coté de moi et il arrive à écrire », donc j’ai voulu le copier.
Ensuite, c’est devenu un kiff, j’ai voulu continuer et persévérer, j’ai eu des feedbacks. J’ai tout de suite commencer à écrire en anglais. À partir de 13 ans, c’est là que j’ai voulu commencer à écrire et à ce même moment je commençais à devenir bilingue aussi. Puis tout ce que j’écoutais c’était anglais, très peu de rap français donc je n’avais pas assez de références. Du coup, j’en avais beaucoup plus en anglais.
Tout ce que tu me décris là comme influences, tu arrives à le retranscrire sur tes morceaux à toi ?
Au niveau des samples, j’aime bien imager ma musique avec ça. Des fois je demande à des potes. J’aime bien ça car tu as l’impression que c’est narré. J’aime bien les fx aussi, des bruits, des oiseaux, pas mal de choses. C’est super important je trouve pour faire vivre un projet, la musique c’est cool au niveau de la mélodie, des paroles, la technique, le flow, mais je trouve qu’il faut vraiment faire vivre ta musique. Dans la vie de tous les jours, tu n’entends pas de la musique tout le temps, tu entends des bruits de métro, de voitures, etc.. Et c’est important d’intégrer ça je trouve.
Dans ton EP, tu as un morceau « Break The Ice », il y a un sample justement de Marion Cotillard. Tu peux m’en parler ?
Ça vient d’une interview perdue au fin fond du net. C’est à cause de mon pote producteur Sutus, car quand je l’ai rencontré son fond d’écran d’ordi c’était Marion Cotillard, et je lui ai demandé pourquoi il m’a dit « Mec je suis amoureux ». Et donc au début je n’étais pas forcement attiré par elle et je regardais aucun de ses films. Et c’est pendant qu’on cherchait des samples pour le projet qu’on s’est intéressé à des voix de femmes.
On avait trop utilisé Sade et Marion Cotillard on est tombé sur une interview perchée, et elle était trop captivante dans ce qu’elle disait, elle a un flow vraiment spéciale, ce qu’elle racontait c’était super cool car elle était en train d’écrire un film avec un rôle dans lequel elle jouait donc on a pris direct cet extrait.
Tu sors ton EP Melting Balloons, tu peux nous le décrire un peu, comment tu l’as créé ?
Alors, pour mon ancien projet Blind Man Dreams on s’était vraiment pris la tête. J’avais trouvé le concept avant de faire les sons, tout partait dans cette direction, c’était super intéressant mais c’était trop prise de tête. Et donc pour Melting Balloons je n’avais pas de concept donc on s’est dit qu’on allait faire du son, partir dans n’importe quel univers, si on aime bien on le fait, il n’y aura pas de thèmes etc.
Au fur et à mesure, on a commencé à trouver la couleur et c’est vraiment vers la fin qu’on s’est dit qu’on tentait quelque chose. On a commencé à organiser les sons, à en changer quelques-un et ça, ça a pris un petit peu plus longtemps que la conception du projet d’avant mais c’était beaucoup plus naturel dans le process. Je trouve qu’on avait plus de temps, plus de recul et ça sonne plus travaillé, plus efficace, plus juste.
Au niveau de la construction de cet EP, l’intro et l’outro sont plus en mode « banger » que le reste du projet qui reste très smooth.
On s’est dit que dans tous les cas on allait toujours commencer nos intro par des trucs qui tapent, sauf que là ça ne tape pas forcement de ouf, c’est très conceptuel. L’instru change d’une manière un peu hybride à la fin. On s’est dit que c’était important de rentrer dans le projet comme ça, car je fais quand même du rap, donc il faut quand même rapper. Et tous les autres sons à part Fuego le bonus track de fin, ce n’est pas du rap, c’est un parti pris, on a voulu rentrer dans pleins d’univers différents car on voulait montrer ce qu’on voulait faire.
Et donc pour Fuego, encore une fois c’était pour montrer que je rappe et que je sais le faire. Surtout que ce morceau c’est un coup de cœur, c’était instantané, quand le producteur Sutus est venu avec la prod, il me l’a faite écouter et j’ai tout de suite poser dessus, on ne s’est pas rendu compte mais on a du faire le son en 20 minutes. On l’a mis de côté ensuite et 2 mois plus tard on s’est dit qu’on devait l’inclure au projet.
Par rapport à l’anecdote sur Fuego, comment as-tu l’habitude de bosser ? Tu as ton home studio ou tu bosses en studio ?
Pour ce projet là, avant on avait une dépendance près de Bagneux en banlieue parisienne et on a tout déplacé directement chez moi. C’est comme ça qu’on a fait le projet, c’est beaucoup plus chill, tu te lèves, tu fais des pâtes, en même temps tu peux enregistrer.
C’est hyper naturel, le processus change carrément, ça n’a rien à voir et tu es beaucoup plus à l’aise à tenter des trucs que tu n’aurais pas tenté d’habitude. Et il y a pas mal de sons où la base on l’a eu en 20 minutes. Tu es tellement à l’aise, c’est naturel, c’est un mood.
Tu as bossé avec quels autres producteurs sur cet EP ?
Il y a pas mal de monde, Lhab, un ami à moi qui vient de Bordeaux. Les Shawondasee qui font pleins de prods et Jules Couturier qui a fait « What you like ». Mais Sutus a une place importante car dans tout ce que je fais, même si je travaille avec un autre beat maker je vais lui envoyer parce-qu’il connait tous mes fx, il sait ce que j’aime. Et Eric Najar a mixé le projet.
Tu peux aussi me parler de la cover de cet EP qui est super originale.
Alors la cover, je n’ai pas trouvé l’idée tout seul, c’est l’équipe avec qui je bosse mais c’est mes potes surtout. Ils ont un collectif, et depuis le début c’est eux qui gèrent toute la création de concept. On va me donner une ou deux idées, après je vais rentrer chez moi, je vais faire un mood board de tout ce que j’aime. Je leur renvoie et ensuite ils reviennent avec une idée. Et là pour cette cover, il n’y a pas d’idée précise.
En vérité, c’est juste des ballons qu’on a placé au sol. On a pris un miroir et en fait c’est mon reflet. Mais ce qui est bien, c’est que personne n’a la même interprétation. Certains pense qu’on était sur l’eau, et justement c’est tout le concept de « Melting Balloons« , c’est une vraie liberté d’interprétation au niveau des émotions. Par exemple, on a tous déjà eu des expériences en amour, des trahisons, etc., mais pas de la même manière. On sait tous ce que c’est mais on a tous une expérience différente.
Melting Balloons est disponible sur toutes les plateformes de streaming.