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Grands Formats

En France, la révolution de l’album évolutif se fait attendre

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Les rappeurs français commencent à se mettre au format du projet évolutif. L’occasion de s’intéresser aux différentes formes que prennent ces œuvres.

Kanye West avait posé la première, et la plus expérimentale des pierres avec son projet The Life of Pablo en 2016. Un album en permanente évolution, qui amenait à réfléchir sur la mutation du format album depuis l’arrivée du streaming. Une vision novatrice, qui n’a vraisemblablement pas encore trouvé un écho assez puissant pour parler d’une révolution.

Pourtant, de l’autre côté de l’Océan Atlantique, la France propose timidement de nouvelles pistes. Panorama de quelques nouvelles opportunités qu’offre le format du projet évolutif. Observer également ce qu’on peut en attendre dans un futur plus ou moins proche.

Un moyen de rénover les méthodes de communication

La première base du format évolutif permet à un projet de sortir en plusieurs fois, partie par partie. Une stratégie qui rend chaque morceau utile à un moment donné pour porter un album. Aujourd’hui, Niro est le meilleur exemple en France de ce début d’adaptation. Avec les 23 titres que proposent Stupéfiant, le MC a dévoilé toutes les deux semaines des EP de 4 à 6 titres, avant de sortir la version totale de Stupéfiant le 22 novembre 2019.

Pour Niro, cette stratégie de communication est une réussite, puisque l’album a cumulé 17 640 ventes durant sa première semaine d’exploitation, une fois complet. Pas sûr que l’artiste aurait pu atteindre ce même chiffre avec un album sorti en un seul trait. Cet album est en tout cas porteur d’un constat : réaliser un projet évolutif en jouant sur la progressivité de sa sortie, peut tout à fait être rentable. Une manière de prendre à contre-pied les modes de consommation actuels. «On est dans une air où le streaming et la musique se consomme différemment, c’est très fast-food, expliquait le rappeur sur le plateau de CliqueQuand un artiste jette un album avec 15-17 tracks, les fans accrochent sur 2-3 morceaux. Donc j’ai envoyé mon album petit à petit pour que les gens aient plus le temps de savourer, de comprendre les morceaux. » 

Dernièrement, Kemmler est revenu ce 22 mai avec un nouvel EP de 7 titres intitulé Gris. Enfin, un EP temporaire, puisqu’il s’agit de la première partie de son album à venir. Un exemple parmi d’autres qui insiste sur la lente démocratisation de ce procédé, qui, favorisé par les plateformes de streaming, pourrait pourquoi pas d’ici quelques années devenir une norme. Prendre le temps d’apprécier chaque composante, avant d’en savourer le résultat.

Et aussi, Niro : «La musique se consomme différemment, c’est très fast-food»

 

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Le projet Stupéfiant a cumulé 17649 ventes. Stratégie Gagnante apparemment🤷🏽‍♂️ Merci a tous🙏🏼

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Un argument pratique

Ce genre de projet évolutif qui joue sur la temporalité peut s’avérer être un argument pratique pour un artiste. Prenons l’exemple de Lujipeka qui, à cause du confinement, s’est malgré lui inscrit dans une lignée évolutive. Lujipeka a sorti le 9 avril 2020 un petit EP : P.E.K.A. L’objectif de ce projet était clair : faire patienter les auditeurs avant la sortie du véritable projet L.U.J.I, repoussé au 22 mai à cause du confinement. Le membre de Columbine en a profité pour sortir un morceau à chaque Planète Rap durant la semaine du 6 avril.

P.E.K.A est un projet évolutif, qui étire le plus possible la temporalité afin de faire patienter ses auditeurs. Malgré lui, Lujipeka a s’est risqué à ce nouveau phénomène, même si les intentions étaient plus pratiques qu’artistiques. L’occasion de constater que cette nouvelle forme ne semble pas non plus si inconvenante. Au contraire, elle peut aider l’artiste à donner un sentiment de productivité accrue, alors que pas forcément. Au final, lors de la sortie de L.U.J.I., le premier projet est venu s’emboîter pour ne former qu’un gros tout.


Et aussi, Avec « L.U.J.I. », Lujipeka se la joue solo, mais reste bien entouré

Et la dimension artistique ? 

Oui, le projet évolutif peut devenir un sérieux argument de vente. Mais il a également le potentiel de réinventer tout le schéma de production artistique. Intéressons-nous encore une fois à un exemple récent. Yuzmv a dévoilé la dernière pièce son mini EP L’exil, le royaume et le Djin vendredi 22 mai. Le 7 mai sortait « L’exil », suivi le 14 mai par « Le Royaume », et enfin le 22 mai par « Djin Amoureux II ». Un moyen pour Yuzmv de tenir en haleine son auditeur, une sorte de voyage sentimentale dont il a le secret.

Ce qu’il faut noter, c’est la nécessité de s’immerger dans le premier morceau pour en écouter le deuxième, et rebelote pour le troisième. Ce ne sont là que des prémices, mais Yuzmv a usé de ce format pour écrire différemment ses textes. Il n’a pas conçu cet EP comme une entité propre, mais comme trois épisodes dont l’objectif de la sortie différée était de ressentir chaque morceau avant de passer au suivant. À noter que l’artiste avait déjà sorti un format similaire, mais moins organisé, avec sa série de morceaux « Episode I », « Episode II » et « Episode III – Les Mains Libres ».

Le futur ouvre un champ des possibles infini 

Jusqu’ici, tous les projets évoqués précédemment n’ont fait qu’effleurer la partie émergée de l’iceberg. De la même manière que l’on regarde une série saison par saison, pourquoi ne pourrait-on pas écouter chaque EP pour apprécier un album ? Le streaming vidéo a très largement popularisé les séries, alors pourquoi il n’en serait pas de même pour le streaming musical ? Mais, plus loin que ça, un projet évolutif n’est pas seulement une oeuvre qui se dévoile morceaux par morceaux. Non, un projet évolutif englobe toute oeuvre qui ne se satisfait pas de devenir immuable après sa parution. L’avenir ouvre des portes d’expérimentations incommensurables, il appartient aux artistes de saisir les nouvelles opportunités qui s’offrent à eux.

Par exemple, pourquoi ne pas jouer avec la temporalité et le merchendising ? Et si les deux formes de Taciturne de Dinos avaient été écoutables seulement le jour ou la nuit, selon les versions ? Spielberg lui-même s’inscrit dans ce type d’expériences, lui qui prépare une série qui ne sera visionnable que la nuit. Un album qui s’adapterait aux différents jours de la semaine (triste le lundi, festif le samedi…), une cover à laquelle des éléments se rajouteraient à chaque morceau… Booba, lui-même avait caressé la possibilité d’un morceau évolutif avec son « Freestyle Pirate » devenu « Glaive ». Pareil pour Laylow et le monde digitalisé de Trinity, qui aurait pu être exploitable en utilisant les plateformes streaming, couplées à un site web.

Ces derniers mois, les rappeurs semblent avoir entrepris un travail sur la forme de leurs albums, autant que sur le fond. Ils cherchent à raconter une histoire, à jouer avec les éléments, à lier leur communication avec leur oeuvre. Et à ce titre là, le format évolutif révèle un potentiel infini, où plus que jamais, communication, merchandising et musique seraient complémentaires.

Dans le reste de l’actualité, Avec « Paris », Moha la Squale nous a rassurés

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