Musique
Dinos : ces références au rap français que vous n’aviez (peut-être) pas dans « Imany »
Ce 27 avril, c’était l’anniversaire d’Imany, sorti en 2018. Premier album de Dinos, il est bourré de références au rap français et à son histoire. Parlons-en.
Dinos est un bousillé de rap français. L’ayant plusieurs fois avoué, le rappeur connait ses classiques et en est largement influencé. Au sein d’Imany, son premier album, les références à cette musique sont nombreuses, presque trop. Seulement voilà, Dinos a voulu rendre hommage à son premier amour : le rap. Et à l’occasion de l’anniversaire d’Imany, qui vient de fêter ses trois ans, on se replonge dans cette fresque dressée par un jeune rappeur, caractérisée par le respect pour ses pairs et et l’amour du rap français.
« Imany » de Dinos sortait il y a 3 ans ⭐️
PS : il n’est toujours pas disque d’or, et il va falloir y remédier. pic.twitter.com/dS5scRSIVD
— Interlude (@interludefrance) April 27, 2021
« Qui a dit qu’j’y arriverais pas, m’a pas cru, m’a pas aidé » – « Iceberg Slim »
« Iceberg Slim » est l’intro d’Imany. Et dès son refrain, la première référence y est disséminée. Et c’est à Booba qu’elle fait écho, et au morceau « Inédit ». Dans ce morceau présent sur Temps Mort, le rappeur du 92 avait alors prononcé cette phase : « Qui m’a pas cru, m’a pas aidé ». On le sait, et Dinos l’a lui même affirmé, la route a été longue pour le rappeur de La Courneuve. Signé très tôt en maison de disque, il aura mis beaucoup de temps à lancer sa carrière, à l’image d’Imany, annoncé en 2015 mais qui ne verra le jour qu’en 2018. En reprenant et s’identifiant à Booba, il interpelle ceux qui n’auraient pas cru en lui par le passé. Booba, qui est d’ailleurs l’une des plus grosses influences de Dinos, les phases lui faisant écho au sein d’Imany étant très nombreuses.
« J’écoute Panthéon dans la nuit » – « Hiver 2004 »
Nouvelle référence à Booba. Cette fois, c’est son deuxième album dont parle Dinos : Panthéon. Sorti en 2004, il est l’un des meilleurs albums du Duc, s’ouvrant sur l’une des intros les plus mémorables de l’histoire du rap français : « Tallac ». Avec en son sein d’autres classiques tels que « N°10 » ou « Hors Saison » l’album est incontournable. Et apparemment l’un de ceux que Dinos préfère. C’est déjà la deuxième référence à Booba au sein d’Imany, et ce en 4 morceaux seulement. Et ce n’est pas la dernière. Même si cela s’est calmé par la suite, Dinos le cite énormément dans ses textes, l’ayant même samplé pour l’intro de Taciturne : « On meurt bientôt ».
« Mets moi un Sprite ou un Sunny Delight » – « Flashé »
Au premier abord, cette phase semble peut-être insignifiante. Entrecoupant le morceau « Flashé », elle revêt en fait une signification pointue. Ces deux boissons ne sont pas anodines, faisant directement référence à Ol’ Kainry et son morceau « Scènes de Batard ». Un morceau à l’exercice de style intrigant, chaque couplet s’inspirant d’un film célèbre. Lors du deuxième couplet c’est la mythique scène d’ouverture de Menace II Society qui est dépeinte. Ol’ Kainry raconte une altercation à propos d’une boisson avec un épicier se terminant tragiquement par le meurtre de ce dernier. Tout comme dans le film, à la seule différence qu’il ne s’agit pas de bières mais d’une autre boisson : « Me souviens plus de ce que j’ai pris un Sprite ou un Sunny Delight » raconte Ol’ Kainry. Un clin d’œil fin de Dinos à un morceau méconnu.
« La France ne m’écoute pas, elle m’prend pour un X-Men / Parce que j’suis jeune, libre et coupable » – « Flashé »
Ici, Dinos est assez transparent. Les X-Men sont un groupe composé de Ill et Cassidy, affiliés au collectif Time Bomb (Oxmo Puccino, Pit Baccardi, Lunatic, …). Les X-Men sont des étoiles filantes du rap français, ayant tracé une carrière entre classiques inclassables, « Retour aux pyramides », et rendez-vous manqués. L’album Jeunes, coupables et libres, est l’un de ceux-là. Considéré comme un flop commercial à sa sortie, il est aujourd’hui devenu un classique de cette époque, précurseur du rap des années 2000. C’est donc logiquement que Dinos leur rend hommage à travers cette phase.
« Un homme m’a dit qu’dans l’ventre de chaque future maman y’a un ange… » – « Quelqu’un de mieux »
Cet homme dont parle Dinos, il s’agit de Joe Lucazz. En effet, l’image de l’ange devenu diable en grandissant est librement empruntée à ce dernier. En ouverture du morceau « Kurt Cobain », sorti en 2015, Joe Lucazz prononce l’identique adage. Référence récente, elle permet aussi de comprendre que les classiques de Dinos ne s’arrêtent pas aux années 2000. En se l’appropriant par la suite : « Aujourd’hui je compte jusqu’à l’infini », l’artiste nous fait comprendre que le rap participe à son évolution et son apprentissage. Et en cachant volontairement la référence, il place Joe Lucazz dans une case anonyme, mais significative de l’impact que certaines phases peuvent avoir sur les auditeurs. Dépassant le simple cadre du rap.
« Les hyènes ressentent la tumeur et moi j’suis d’humeur irakienne » – « Les pleurs du mal »
Les pleurs du mal est sans aucun doute l’un des morceaux les plus importants d’Imany. Au sein d’un texte superbement bien écrit, abordant différentes thématiques Dinos distille des jolies références au rap français. Et la première est inévitablement en corrélation avec Booba. Dans « Destinée », paru en 2002 Booba rappe « Les hyènes ressentent la tumeur et moi j’suis d’humeur palestinienne ». Transposant la phase en Irak, la signification est semblable, voulant se montrer contestataire d’une oppression et en colère contre le système. Un thème propre au premier couplet du morceau.
« J’attends plus rien de personne… » – « Les pleurs du mal »
Le refrain de ce morceau est une reprise. En effet, il était déjà le refrain du morceau « Ça fait du bien d’le dire » de Flynt, paru en 2017 sur l’album J’éclaire ma ville, doctrine que Dinos prononce d’ailleurs à la fin du morceau. Après Joe Lucazz, Dinos fait encore référence à un artiste et un album moins connu du grand public mais jouissant d’un certain succès d’estime. Cette volonté de transmettre un certain héritage est largement présente au sein de la musique de Dinos. En témoigne le morceau « Demain n’existe plus » au sein de Stamina, reprenant le même procédé pour un morceau de Nuttea.
« J’bosse pour mon peuple, j’m’efforce d’leur ouvrir les yeux… » – « Les pleurs du mal »
Ici, Dinos reprend une phase de Hifi, troisième membre éphémère des X-Men. Ayant quitté le groupe à l’orée de sa discographie, il aura quand même eu le temps de poser cette phase dans le morceau « Je Bosse Pour Mon Peuple », passée une première fois à la postérité grâce à Booba, encore lui, dans le morceau « Jusqu’ici tout va bien ». Dinos se réapproprie donc la phase, concluant symboliquement son deuxième couplet caractérisé par la situation de l’Afrique, le colonialisme et sa reconstruction.
« On a que notre art de rue comme Luciano » – « Les pleurs du mal »
Dinos fait ici référence au Rat Luciano, membre de la Fonky Family, et tout particulièrement à l’album « Art de Rue » sorti en 2001 et considéré, là encore, comme un classique du genre. Un album important pour le rap marseillais, mais qui aura donc dépassé le simple cadre de sa ville pour s’inscrire comme une pièce maitresse du rap français.
« Capitol, Sony ou Def Jam / Comprenez mon style n’est pas leur esclave » – « Les pleurs du mal »
Inévitablement, c’est avec une référence à Booba et Temps Mort qu’on termine. « Ma Définition » est un morceau important de la discographie de Booba, abordant des thèmes dans lesquels Dinos se retrouve. L’Afrique, le statut des jeunes issus de banlieues mais aussi le rapport à l’industrie musicale. En 2002, Booba rappait : « Delabel, Sony ou Virgin. Vous comprenez mon style n’a pas besoin de vigiles ». En 2018, les labels sont différents, mais la défiance à leur égard est la même, voire plus violente, les vigiles étant devenus esclavagistes.
Sorti il y a trois ans, Imany est donc le premier album d’un rappeur étant le produit de ce qu’il a pu écouter. Souhaitant enfin s’inscrire dans la lignée de ses classiques, Dinos aura donc placé de nombreuses références au rap qui l’a façonné. Parfois fait maladroitement, il aura cristallisé certaines critiques à cause de cette démarche. Par la suite, il aura poli son art et mieux utilisé ses références au sein de Taciturne. L’évolution magnifique d’un rappeur devenu acteur de la musique dont il était auparavant auditeur. On souhaite donc un joyeux anniversaire à Imany. En espérant enfin l’obtention prochaine du disque d’or qu’il mérite tant.
Dans le reste de l’actualité, Dinos annonce une probable suite à Stamina,.