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On a parlé avec Chanje, jeune rookie prometteur du rap francophone

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Chanje

A l’occasion de la sortie de E.M.I, son nouveau projet, on a discuté avec Chanje : sa carrière, son rap, et le futur.

Chanje est l’un des rookies les plus prometteurs du rap francophone. Après Pacemaker, projet qui l’avait discrètement introduit au public, il est revenu cette année avec E.M.I. Un E.P. de 10 titres qui devrait l’aider à s’imposer un peu plus comme une tête montante importante de la scène francophone.

Chanje, ça fait un peu plus d’un an qu’on s’est déjà parlé. En un an qu’est-ce qui a changé pour toi dans ton état d’esprit ?

Déjà on a vécu une année pas folle. En terme de travail, j’ai envie d’aller toujours plus loin évidemment, je pense que c’est le propre d’un artiste. Essayer de me surpasser, me professionnaliser le plus possible et vraiment trouver ma patte artistique. De concrétiser un peu plus qui je suis, ce que je fais. Après en terme de vie personnelle, en un an, ce qui a changé c’est qu’on soit confinés et qu’il y ait un virus.

Du coup comment tu vis cette période ?

Un peu comme tout le monde je pense. Tu sais premier confinement il y avait ce truc du genre : « On est en été, c’est nouveau. » Ouais, il y avait tout ce truc de bonne ambiance, ça applaudit aux fenêtres et tout. Là j’commence a avoir un peu envie de me foutre en l’air (rires). Ça commence à devenir plutôt relou quoi. Déjà pour la culture, il n’y a plus de concerts. Donc ça c’est compliqué même pour le portefeuille. Et puis socialement, c’est ultra compliqué pour la créativité, le moral. Le monde est en crise d’angoisse.

Tu parles de créativité. Est-ce que ça a foncièrement changé quelque chose dans ta manière de travailler ta musique ?

Il y a eu un point positif pour moi. Je me suis dit : « Quitte à rester enfermé avec des confinements, couvre-feu, autant m’acheter un petit studio ». Donc j’ai mis un gros billet dans un home-studio, pour pouvoir enregistrer de chez moi. C’est un truc que je voulais faire depuis longtemps, pour pouvoir m’améliorer moi-même, savoir mixer. pour que vraiment quand j’arrive au studio, je sache exactement ce que je veux. Donc je travaille beaucoup plus de la maison. Et ça me permet de vraiment apprendre cette partie du taf, que j’avais la flemme d’apprendre.

Ce qui te permet peut-être d’être plus impliqué dans le processus créatif ? 

Et c’est, en vrai, super important pour un artiste. C’est ce qui régit ta musique ce qui se passe dans le logiciel, donc si tu sais maitriser ça, tu gères 4 à 5 fois mieux ta musique je pense. Et je le vois maintenant, j’ai beaucoup plus de facilités en studio à savoir ce que je veux. Par contre en terme de créativité, c’est sur que de ne pas sortir, c’est pas fou. Tu vis pas grand chose donc t’as du mal a écrire vu que t’as rien à raconter.

Parce que E.M.I t’as commencé à le travailler pendant le confinement ?

Je l’ai écrit juste après le confinement. Quand il y avait encore ce truc de bonne ambiance tu vois, on était tous contents. Pendant le confinement j’avais sorti quatre sons que j’avais mis sur Instagram, un petit projet que j’avais appelé HOME. A ce moment là, il y avait ce truc ou les artistes, dans cette période compliquée, voulaient aider les gens. Donc en gros E.M.I je l’ai écrit de mai à juillet.

Donc ça veut dire qu’après, que ce soit l’enregistrement, le mix du projet, toute la partie studio en fait, ça a été super rapide.

C’était plutôt rapide ouais. Après peut-être que je te dis des conneries je l’ai peut-être travaillé jusqu’à septembre tu vois. L’enregistrement s’est fait jusqu’en aout et les derniers mix en septembre-octobre grand max. Donc ouais, ça a été plutôt rapide, après ça dépend ce que t’entends par rapide. Il y a aussi des gens qui font ça en un mois.

Concernant le projet, la première chose qui a retenu mon attention, c’est cette cover. Elle est vraiment spéciale, avec les 8 mains qui sortent de l’eau. Est-ce que tu peux me parler de la symbolique peut-être ?

Déjà avec le titre du projet E.M.I. (Expérience de Mort Imminente), c’était une suite directe à Pacemaker. Je voulais rester dans le côté « médical ». Pacemaker ça racontait mon adolescence, cette pensé, cet état d’esprit qui me gardait en vie. Et E.M.I. c’est le moment où je me rends compte qu’en fait ça me fait plus de mal que de bien. Que je suis complétement sous l’eau, cette eau qu’on voit sur la cover. Et cette pochette représente le fait de sortir la tête de l’eau. Mais être toujours dans la merde, parce que les mains ça représente mes pensées, mes problèmes, mes galères, moi en fait. Et je voulais cet image de moi qui sourit, dans une situation pas ouf.

Cette histoire de sortir la tête de l’eau, ça se ferait parla musique ? Ou par autre chose aussi ?

Par autre chose. Il y a des sous-textes dans le projet, des trucs qui m’ont permis de sortir la tête de l’eau… Donc c’est pas forcément la musique, mais je voulais pas être complétement hors de l’eau tu vois. c’est à dire qu’il y a quand même ce truc de « j’y suis encore ». Etre dans la merde mais sourire.

C’était déjà le cas sur Pacemaker, mais il y a vraiment une très large palette musicale, presque surprenante. Est-ce que c’est quelque chose que tu travailles ou qui vient naturellement ?

C’est assez naturel à la base. C’était même un problème au début. J’ai plusieurs univers, je suis fan de rap depuis mes 10 piges, donc en terme de bangers je peux le faire. Je chante depuis que je suis petit, j’ai aussi été élevé à la variété française par mes parents, donc c’est aussi une partie de moi. Je peux aller un peu partout. Le problème c’était de pouvoir recentrer le truc, que même si je puisse avoir plusieurs univers dans un seul projet, qu’il y ait une cohérence entre les morceaux. Donc cette large palette elle est assez naturelle de base, et le truc c’est de faire en sorte que ça ne dénature pas le projet.

D’ailleurs cette cohérence elle est super bien apportée par les prods. On sent une réelle alchimie avec le producteur Herman Shank, avec qui tu travaille depuis un moment. Qu’est ce que cette continuité t’apporte ?

Déjà, de la sécurité. Dans le sens ou ça fait assez longtemps qu’on bosse ensemble, et qu’on se comprend parfaitement. Il y a d’autres beatmakers sur le projet comme Phunka et Lamsi. Mais Herman est sur toutes les prods parce que c’est le mec avec qui je me suis le plus retrouvé en studio. Du coup on a notre langage, on se comprend complétement et j’ai pas l’impression qu’on soit arrivé au bout de notre collaboration. On se renouvelle toujours. On sait qu’on peut faire des morceaux faciles, dans notre univers. Mais il me propose toujours des nouveaux délires, je lui amène des nouveaux trucs aussi et du coup on pousse le truc toujours plus loin. En plus il est ultra bon. Et puis, cette cohérence et une liberté parce que lui aussi il est très éclectique.

Il y a aussi quelque chose qui dénote dans ton écriture. Dans les termes que tu peux employer il y a de l’argot gitan, de l’arabe, toutes sortes de mots issus de cultures différentes en fait. Elle te vient d’où cette influence pluriculturelle ?

C’est là où j’ai grandi en fait. C’est pas des mots que j’utilise que quand je rappe, c’est aussi des mots que j’entends depuis que je suis petit. De l’argot, du rebeu, tout ce que tu veux en fait ! J’ai grandi avec des frères de quartiers, donc c’est clair que tout ces mots ils sont rentrés naturellement dans mon vocabulaire. J’ai grandi dans un endroit qui mélange ces cultures. C’est la banlieue parisienne tout simplement. Tu grandis avec des renois, des babtous, des rebeus, des gitans, des portugais, il y a un moment ou ça ressort comme ça.

La dernière fois qu’on s’était vu, tu nous avait dit avoir un peu de mal avec l’imagerie, les clips, que c’était pas le truc que tu maitrisais le plus. Sur les deux derniers clips, on sent quand même qu’il y a un travail qui est fait pour parfaire cette image. Qu’est-ce que tu peux m’en dire aujourd’hui ?

Je suis un peu plus à l’aise avec tout ça. Pour autant je suis pas du tout 100% satisfait. Pour moi ça manque encore trop de cohérence là-dedans. J’essaie de m’améliorer, je travaille plus dessus pour les prochains projets. Après je travaille avec des gens compétents, notamment Karim qui a réalisé « Bocal » et « WDLT ». C’est quelqu’un de très compétent qui sait ce qu’il fait donc sur l’image j’avais aucun problème. Après c’est moi, sur les propositions que j’amène et tout ça que je ne suis pas encore satisfait. Vu que c’est pas mon domaine, malgré le fait que je m’améliore de plus en plus, je suis pas encore vraiment satisfait.

T’es pas satisfait de l’ambiance générale des clips, ou de ce que tu donnes à l’image ?

Non ce que je donne à l’image, je sais que ça encore ça va. Je suis pas mauvais en clip, je suis pas non plus dans un délire d’acting mais ça se passe. Mais l’image que je veux donner au projet, la direction artistique et tout ça, j’ai encore un peu de mal. Mais pour le prochain projet je sais ce que je veux. Amener un peu plus de cohérence à l’image en fait c’est surtout ça.

Quelles sont les ambitions avec ce projet ?

Disque de platine ! (rires). En fait déjà, transformer l’essai de Pacemaker. Je pense que quand t’es en début de carrière comme moi, chaque projet qui sort c’est transformer l’essai . C’est à dire que je suis arrivé avec ONI qui était un premier projet de 4 titres. On a réussi à signer, donc on a transformé l’essai. J’ai sorti Pacemaker qui était une carte de visite, ensuite faut sortir E.M.I. pour montrer que je m’affirme. Et près pour chaque projet ça va suivre l’évolution de mon statut dans le paysage du rap francophone. J’ai pas pour ambition de péter un disque d’or ou quoi mais les choses se passent très bien. On fait plus de chiffres qu’avant, il y a plus d’écoutes, ma notoriété commence à monter un peu. Je suis très conscient de ma place dans le rap francophone.

Cette notoriété elle est aussi compliquée à jauger vu que il n’y a plus de concerts.

Ouais, complètement. Il me semble que le dernier concert que j’ai fait c’est la release party de Pacemaker. Et j’ai rempli 200 personnes. Ce qui est, pour ma notoriété, super bien. De remplir une salle sold out de 200 personnes, pour ce que je faisais à l’époque c’était génial. Là je pense qu’on pourrait peut-être faire plus, même si j’en ai aucune idée vu qu’on a pas de jauge. Mais je sais que ça monte progressivement, je suis pas pressé. Je demande pas un buzz éclair du jour au lendemain, mais je suis très content de là ou j’en suis.

Du coup j’imagine qu’il y a une réelle hâte de remonter sur scène ?

Carrément. Déjà ça me manque artistiquement. Monter sur scène c’est pas une drogue mais c’est quand même un truc incroyable, une sensation de fou. Après moi vu que je suis encore un artiste en développement il y aura encore ce truc de première partie et tout, qui moi me dérange pas, je kiffe. C’est un exercice ultra formateur. Quand t’arrives à faire bouger des gens en première partie, c’est que tu peux faire bouger n’importe qui. Surtout en région parisienne. Et puis dans la promo, faire des concerts c’est ultra important, ça te permet de défendre tes projets. Même en terme de réseaux sociaux. A chaque concert que je faisais je prenais 100/200 abonnés. La je sors mon projet, il y a quand même ce truc où c’est cool mais t’as pas l’impression de le vivre à 100%. Parce que t’as pas l’engouement que tu devrais avoir de base.

Chanje

Et les ambitions sur le long terme. Tu peux m’en parler ?

Je vais pas faire le mec modeste, si je peux me péter un disque de diamant , ne serait-ce qu’un disque d’or déjà je serais extrêmement content. Mais surtout le but c’est d’être stable. J’aspire pas à avoir la carrière de Booba , le succès de PNL ou ce que tu veux, mais je veux pouvoir être stable. C’est à dire avoir mon public, quand je sors quelque chose ça marche, pouvoir tester des trucs, pouvoir me permettre d’aller dans d’autres domaines si je veux. Avoir assez d’argent pour bien vivre, assez d’argent pour être riche ce serait mortel. Mais le but c’est d’être stable, d’être installé et reconnu. Après si je peux devenir millionnaire, je dis pas non, c’est même le but.

Et dans ce futur là, est ce que t’as des mecs avec qui tu te verrais collaborer. ‘as beaucoup parlé de certaines influences comme Youssoupha ou Niro. Mais est-ce que t’as des feats que tu souhaiterais vraiment faire ?

C’est clair que Youssoupha et Niro j’aimerais beaucoup collaborer avec eux, c’est des artistes que je respecte, que j’admire et qui m’ont formé artistiquement et humainement. Après concernant d’autres collaborations, j’aime pas trop me dire que je suis proche de tel artiste donc que je vais collaborer avec lui. Je trouve ç cool d’avoir des univers différents et de pouvoir collaborer. Un peu comme Booba et Christine & The Queens, je trouve que ça donne des trucs cools. Donc je me pose pas de limites, si j’aime la musique d’un artiste, je peux faire un feat avec.

Et donc aujourd’hui avec qui t’aimerais peut-être collaborer ?

Là je te dirais Burna Boy. J’aime beaucoup, j’adore ce qu’il fait je le trouve trop chaud. Ou pour les chiffres Ed Sheeran ! Tu fais un feat avec Ed Sheeran t’es bien jusqu’à la fin de ta vie cousin ! (rires)Mais plus sérieusement Burna Boy, je serais dans un bon délire avec lui.

La dernière fois qu’on t’a vu on t’avait demandé ce qu’on pouvait te souhaiter. Tu nous avais dit « Santé et bonheur, le reste on l’achètera ». Un an plus tard on en dit quoi ?

Santé et bonheur et le reste on l’a acheté ! (rires) Bon il nous reste deux-trois trucs à acheter quand même. Mais la paix, souhaitez moi la paix.

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