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Musique

Critique : « V » de Vald, un block-buster difforme

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Avec V, Vald a exhibé son étendue créative, sans pour autant la canaliser. En découle un album déséquilibré, marqué par des coups de génie, comme un manque certain de structure.

À en croire les propos de Vald en interview, a l’air de ce qu’il est : une compilation de 16 morceaux, condensés de trois années d’hyper-activité. Boulimique dans ses sessions studio, l’artiste empile les snippets, multiplie les couplets sur type-beats et cumule les crash-tests. Poussé dans les cordes par la Covid-19, qui l’a empêché de défendre pleinement Ce monde est cruel sur scène, Vald est entré dans un nirvana créatif permanent. Et s’est peut-être même enfermé dans une sorte de bulle, de laquelle sa communauté l’a violemment tiré avec l’échec cuisant de “Footballeur”. Revanchard et sûr de lui, le rappeur a bâti son retour comme la tête d’affiche qu’il est. Avec une stratégie commerciale sur-mesure et son habituelle transparence médiatique. Du haut de sa décennie de carrière, Vald a toujours un potentiel fantastique, qu’on commence toutefois à appréhender. 

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V, un block-buster d’hiver

C’est d’ailleurs en ces termes que commence l’album : avec le prévisible “Pandémie”. Épique et foudroyant, le titre offre tout le loisir à Vald de s’éclater dans son terrain de jeu rap préféré. On y parle crise sanitaire, société et industrie musicale – globalement, la triforce de l’album – mais sans relief. On démarre avec des bases solides : en démonstration de flow, une mise à jour annuelle sur les qualités rap intrinsèques de l’artiste. On sourit brièvement à la voix de Macron qui plante le décor et à l’idée de retrouver l’énergie de Vald. Mais dès le premier morceau,  s’installe l’impression de se poser devant un bon block-buster dont on connaît le scénario. Et titre après titre, la sensation se poursuit : rien est à jeter, mais la réalisation manque de fulgurances.

Bien sûr, quelques scènes font hausser les sourcils : “Sur un nouvel album” est brillant, “Péon” offre un Vald fabuleux, et le casting est soigné. Mais globalement, on a comme l’air de rester à la surface se son potentiel. Les productions manquent souvent d’un petit quelque chose et on aurait pu espérer mieux de Vald sur certaines performances. L’univers de l’album est toujours aussi unique, inqualifiable, mais on perçoit dans cette description des défauts déjà visibles sur Ce monde est cruel : Vald a l’air facile, trop générique.

Après une grosse première moitié à flirter avec le déséquilibre, V prend soudain une tournure grandiose avec “Regarde-moi”. Imprévu, le titre est bluffant d’efficacité et laisse émerger un Vald insoupçonné. Le morceau initie d’ailleurs le quintette gagnant de l’opus, mené par « Qui écoute ?” et ”Pas deux fois”, imbibés d’une ambiance froide et brillamment dosée. « Laisse tomber » apporte ce qu’il faut de justesse et de mélancolie, quand au milieu de tout ça, seul « Anunnaki » a un petit côté dépassé, qu’on excusera volontiers lorsque c’est bien fait. La deuxième partie de se remplit de temps forts, et vient compenser une première moitié en manque de sursauts. « Happy End », sorte de générique vlogesque avec Suik’On Blaz AD à la présentation, vient refermer le tout.

Vald, un hydre à 25 têtes

Avec du recul, laisse une sensation bizarre, presque inédite. Sans faute de goût criante, l’album a du mal à fédérer. En fait, parce qu’on dirait que lui-même ne sait pas où aller. Vald est capable de briller sur tout, de trouver la plus géniale des mélodies sur un type-beat à 139 vues, de plier un couplet sensationnel avec juste des drums et un charleston. Mais le tout manque de structure, d’impact, de direction. Et c’est un sentiment qui se conforte à l’écoute des multiples bonus dispatchés dans les différentes éditions. Il y a de tout, vraiment. Des morceaux qu’on aurait aimer retrouver dans la version originale et des tentatives presque absurdes. La démence créative de Vald n’est jamais bridée. C’est à la fois une qualité, qui permet après une décennie de découvrir encore de nouvelles facettes. Et un défaut, qui donne un aspect trop abstrait à V. Globalement, on croirait que le rappeur a du mal à faire des choix au milieu de ses propres créations. Et que le volume de morceaux publiés au total (25 sur les différentes éditions) est une manière de laisser sa communauté cuisiner sa petite tambouille personnelle.

Ce monde est cruel capturait une tranche de vie quotidienne de Vald, sorte d’album-exposé justifiant la cruauté de l’universPour V, c’est plus flou : Vald se pose comme une sorte de narrateur, la moitié du temps gonflé à l’égo-trip et à l’aise avec son nouveau statut, l’autre moitié compilant des références à l’actualité, du Covid-19 à Lil Nas X en passant par à peu près tout. On lui découvre presque une fibre je-m’en-foutiste, en plus de son habituel fatalisme. Un côté moins palpable, peut-être volontaire, que Vald décrit lui-même notamment lorsqu’il compare sa musique à celle d’Orelsan, qu’il juge plus «claire». En témoigne « Laisse tomber », où la nostalgie du morceau est contre-balancée par un texte parfois complètement aléatoire, finalement assez peu perceptible. Mais après tout, c’est aussi ce qui fait la magie de Vald. Il fait rarement dans le récit concret. est un bouillonnement de références à tout et n’importe quoi, une éruption artistique sans complexe, une frontière creusée entre le génie et l’à-peu-près. Peut-être qu’au fond, est tout ce qu’il y a de plus de Vald : volatile, complexe et hyper-actif. Ne serait-ce qu’il aurait mérité d’être légèrement moins superficiel.

Vald – V

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