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On a classé les albums d’Orelsan, du moins bon au meilleur

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À quelques jours de Civilisation, on a classé la discographie d’Orelsan de Perdu d’avance à La fête est finie, en passant par Le chant des sirènes

Une nouvelle pièce s’apprête à rallonger la belle discographie d’Orelsan. Ce vendredi, le rappeur caennais dévoilera Civilisation, son quatrième album, quatre ans après son dernier projet. Et alors qu’il a dévoilé la série-documentaire Montre jamais ça à personne, qui a rapporté sa communauté aux moments les plus intimes de sa longue carrière, on a s’est lancé dans un classement de sa discographie. On a donc réécouté attentivement les trois opus qui composent son catalogue musical personnel : Perdu d’avance, Le chant des sirènes et La fête est finie. Soigneusement, on a repéré parfois quelques rides, on a repris quelques énièmes claques, et on s’est surtout arraché les cheveux pour imaginer le podium le plus fidèle possible. Un classement qui reste bien évidemment subjectif et surtout éphémère, en attente de Civilisation. Allez, voyons voir.

Perdu d’avance, une époque révolue

La discographie d’Orelsan est-elle un sans-faute ? C’est possible. Mais même dans cette conduite assez parfaite, il faut bien avouer que la course en tête semble exclure l’aîné de la famille. Perdu d’avance, publié en 2009, est certainement le moins marquant des projets de l’artiste, sur le fond et sur la forme. Et ce, sans pour autant être oubliable. Commençons par le positif : ce premier album est sans doute le plus équilibré d’Orelsan. En tout cas, le plus cohérent dans son approche, fidèle à l’époque farfelue de l’artiste. Après avoir déchaîné MySpace et persévéré dans un univers unique, Orelsan s’essaye au long-format pour quatorze morceaux. On y perçoit ainsi plus en profondeur sa plume exceptionnelle, loin de l’humour et la dérision (« Étoiles invisibles »), sa sensibilité plus profonde (« Peur de l’échec ») et son épatant sens du story-telling (« 50% »). Perdu d’avance concentre tout le personnage d’Orelsan, avec plus de justesse et d’expression artistique. On découvre également le sens du tube du rappeur, avec « Différent » et « Changement ». Des titres efficaces, hissés en hymne d’une génération incarnée par un rappeur provincial, la snapback (trop) enfoncée sur le crâne.

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Sorti il y a bientôt treize ans, Perdu d’avance est toujours pertinent musicalement. Cet espèce de mélange old et new school, qui plus est au bon milieu de l’identité rap boîteuse de l’époque, offre une approche singulière et payante. Parfois même avant-gardiste, en témoigne ce large éventail d’instrumentales et ces refrains accrocheurs. Même si certains sonnent désormais un peu faux, à l’image de l’auto-tune exagérée et des guitares vétustes de « Entre bien et mal ». Aussi, le fond déploie la folie décomplexée et sans filtre d’Orelsan. Assumant sa vie d’adolescent déchéant, le rappeur narre son quotidien ponctué d’échecs amoureux et de soirées ratées. Toujours avec ce langage cru, cette recherche de la punchline parfois maladroite et ses comparaisons borderlines. L’album conte une époque révolue, y compris par Orelsan lui-même, qui reproduit toutefois fidèlement son état d’esprit de garçon complètement paumé. Pour ceux qui ont grandi avec Orelsan, on prend un plaisir assez atypique à découvrir l’évolution de son personnage et ses motivations. Même si, il est bien vrai, certains morceaux offrent une résonance bien moins pertinente avec l’âge. Et pour ceux qui l’ont découvert après, le reste de sa discographie a encore plus d’impact lorsque l’on redécouvre ses origines.

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Le chant des sirènes, figé dans le temps

Le chant des sirènes est le tableau immuable d’une génération. D’abord, parce qu’il incarne la résurrection fantastique et charismatique d’un rappeur étouffé sous la polémique. Aussi, parce que physiquement et dans ses thématiques, il exhibe un Orelsan nouveau, moderne, agressif, parfois fataliste. Ce deuxième album contient certainement les plus belles pièces de la discographie d’Orelsan. « Raelsan », garant du retour explosif du rappeur ; « La terre est ronde », qui reste aujourd’hui l’un de ses tubes les plus populaires ou encore « Suicide social », chef d’oeuvre d’écriture qui, en 2021, continue de déranger. Notons également la présence de « Ils sont cools », qui ouvre l’ère des Casseurs Flowters, et qui fait également glisser l’artiste vers une nouvelle approche esthétique par son visuel extraordinaire. Bref, avec Le chant des sirènes, Orelsan atteint enfin le stade notoire qui lui était promis. La balance polémique / musique se rééquilibre, et les questions gênantes de journalistes cèdent peu à peu leur place à une étude plus approfondie de son art, justement récompensé.

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Comme son prédécesseur, ce deuxième album ouvre une brèche spatio-temporelle au sein du rap français. Si Orelsan y incorpore quelques influences de l’époque, notamment ces lourdes basses et ses inspirations dubstep, on retrouve un panel d’expressions large et moderne. Sonorités asiatiques, guitare-voix, boom-bap revisité : Orelsan puise un peu partout et avec réussite. Aux portes de la trentaine, l’artiste va surtout tempérer son jugement. L’ado bêta a disparu, et c’est désormais le regard froid derrière son masque qui dicte ses rimes. Ses paroles sont plus justes et moins naïves. Son ex-faillite professionnelle se transforme en constat implacable de l’industrie et son appartenance assumée à une génération désenchantée laisse place à la critique acerbe d’une instrumentalisation technologique. Même sa complexe position vis-à-vis des femmes est compensée par le bouleversant « Finir mal », qui narre les regrets d’une rupture après l’adultère. Mais voilà, Le chant des sirènes est un peu figé dans son temps, cette fois-ci musicalement. L’éphémérité du dubstep et des basses depuis inaudibles y sont pour beaucoup. Le projet est certainement celui qui a le plus vieilli d’Orelsan, dans son approche artistique, mais conserve une aura difficilement contestable.

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La fête est finie, la forme finale d’Orelsan

Oui, notre médaille d’or revient à cet Orelsan aux cheveux longs, dans son costume de ninja, le regard vide derrière les vitres du métro. Publié en 2017, La fête est finie marque le plus long écart entre deux albums solo de l’artiste. Six ans. Dans le rap, c’est énorme. Mais l’artiste n’est pas resté inactif pour autant : une série, un film, deux albums en commun, il a même été plutôt productif. Il n’empêche que ce troisième album, présenté comme la conclusion d’une trilogie, avait la lourde tâche d’explorer les tendances d’un artiste la trentaine désormais bien entamée. Et l’évolution est assez bluffante, en témoigne « San », qui pose directement les enjeux de l’opus. Puis « La fête est finie » qui, sur fond de mélancolie, offre un portrait miroir à son soi de 25 ans. Et enfin, évidemment, « Paradis », une chanson d’amour dans les règles de l’art, qui surplombe les quelques dernières phrases salaces du projet. Dans ses invités, sa musicalité, son imagerie, La fête est finie hausse le niveau encore plus haut, et fait tomber les records commerciaux.

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L’aspect le plus révélateur de la transformation d’Orelsan touche surtout son écriture. En chef d’orchestre des émotions, le rappeur fait preuve d’une justesse exceptionnelle à chacun de ses morceaux. Capable de faire rire – littéralement, et c’est un exploit – dans « Défaite de famille », de toucher avec naïveté dans « Tout va bien » ou de s’enfouir dans une longue tirade sincère et introspective dans « Notes pour trop tard », le rappeur brille sur tous les tableaux. Comme son prédécesseur, La fête est finie a encore un peu de déchets sur certaines approches, mais globalement, le niveau est équilibré et très haut tout au long du projet. En fait, il offre presque une forme finale au personnage d’Orelsan. Toutes les questions abordées dans ses précédents albums ont désormais des réponses. Claires et concises. On y trouve même des préoccupations inédites traitées avec originalité (la notoriété dans « Bonne meuf »). Orelsan a évolué avec son temps, ses angoisses et a pris le temps de résoudre ses problématiques avec dérision et certitude. La fête est finie clôt définitivement un chapitre de sa vie et en ouvre à la fois un nouveau avec sérénité. On pourrait ainsi évoquer Épilogue, qui propose quelques pistes de lecture supplémentaires au projet, en plus d’emporter Orelsan vers une nouvelle décennie de rap.

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Ce podium réalisé, on constate que, selon nous, chaque album d’Orelsan a toujours fait mieux que son prédécesseur. L’âme des grands artistes, qui plus est dans un secteur aussi mouvant que le rap français. Évidemment, les sensibilités de chacun porteront vers de multiples débats, tout comme les albums d’Orelsan sont garants de souvenirs d’une époque précise à laquelle on les associe. Le quatrième album du rappeur, Civilisation, entamera une nouvelle ère après trois premiers chapitres qui auront duré une décennie. Et bouleversera certainement ce classement, qui évoluera, lui-aussi, avec son temps.

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