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À 20 ans, Paul-Henry Thiard est le futur des clips français

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youssoupha solaar pleure

Interlude a rencontré Paul-Henry Thiard, le réalisateur de « Miami Heat » et « Blanche Neige », pour parler aussi bien de musique que de clip.

Paul-Henry Thiard (@jesuisph) est un jeune réalisateur qui vient de franchir la barre symbolique des 20 ans. À côté de « Blanche Neige » de Frenetik, il a également réalisé « Miami Heat » de Mister V ainsi que « Solaar pleure » de Youssoupha. Ces projets semblent encore plus impressionnants lorsqu’on prend en compte que Paul-Henry a réalisé son premier clip il y a moins de deux ans. Nous avons rencontré l’étudiant-réalisateur pour parler de son travail, de ses influences. Et de musique, bien évidemment.

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Quelle serait ta définition d’un réalisateur ?

Le réalisateur, c’est un peu le metteur en scène du projet. C’est celui qui va, en amont du tournage, être dans la partie créative. Il va imaginer le projet, l’univers, les thématiques, les ambiances et les atmosphères du clip. Il va proposer un pitch avec ses idées à l’artiste en question, et sur le tournage, c’est un peu le chef d’orchestre du projet. C’est lui qui va avoir la vision du film, et qui, avec la coopération des autres, va faire les projets qu’il avait en tête.

Tu es encore très jeune, comment s’est faite la transition avec le monde du clip ?

À la base, je faisais des videos pour moi. C’était des vidéos de vacances, expérimentales. Je testais ce que je pouvais faire avec la matière que j’avais. J’essayais de trouver une thématique pour rendre la vidéo conceptuelle, et je testais mes limites au montage. C’est comme ça que j’ai progressé sans vraiment avoir de sujet. J’écoutais beaucoup de rap, et je me suis dit que ce serait intéressant de s’essayer au clip, surtout que c’est là que ressortent les meilleures idées. C’est le milieu le plus créatif en vidéo. J’ai commencé avec des amis de ma fac, à l’ancienne, pour voir ce que ça donnait. C’était juste pour produire des trucs et bidouiller les dernières techniques que j’avais vues, que je voulais mettre en scène. Je voulais toujours m’améliorer, essayer des nouvelles techniques, régulièrement, pour être dans les temps, afin de voir mon évolution.

Tu dis que le clip est le milieu le plus créatif de la vidéo. Dans le rap français il s’est extrêmement enrichi ces dernières années.

C’est très prometteur. À la base, les clips sont si bons et il y a autant de recherche, parce que c’est le laboratoire de la production visuelle. Beaucoup de réalisateurs vont commencer avec des clips pour développer leur univers et le dévoiler. Ils auront une liberté beaucoup plus grande que dans la pub par exemple, même s’ils ne veulent pas que faire du clip. En plus, en ce moment, ça se démocratise vachement. Déjà, il y a plus de rappeurs qui clippent, mais les moyens se développent aussi. Je pense que ça ne va qu’augmenter. Il y a aussi une grosse compétition avec des petits gars très jeunes qui se lancent et qui vont faire une dinguerie. L’univers des possibles est énorme.

 

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Tes clips sont extrêmement riches en effet. Combien de temps tu passes en post-production ?

Je ne veux même pas en parler *rires*. En vrai, c’était un peu le problème pour le clip d’Yvick. A la base, je viens surtout du montage. J’ai monté « Miami Heat » pendant le premier confinement, parce que je savais que j’allais avoir du temps. Une fois le clip fini, la seule chose qui reste pour l’améliorer, c’est le montage. Ça augmente la qualité. Du coup, j’ai passé 300, 400 heures sur le montage, mais j’ai vraiment tout fait. Ce n’était pas du tout viable. J’avais que ça à faire, je passais trois jours sur un plan. Je voulais aller au bout de me capacités. C’est très bien de tout faire soit-même, mais avec du recul, on ne s’en sort pas. Sur blanche neige, même si j’ai fait 90% du travail, je me suis mis à bosser avec un artiste 3D pour gagner du temps et de la qualité. J’ai passé 12 heures par jour sur le clip, pendant 3 semaines. C’est beaucoup.

Frenetik avait déjà des gros clips avec « Chaos » et « Trafic ». Ça t’a stressé, ou, au contraire, ça ta encouragé ?

Les deux. D’un côté,  ça ma apporté de la confiance de savoir qu’il avait déjà un univers marqué et exigeant. S’il prend autant ses clips au sérieux, je peux lui proposer des concepts originaux. Ça va l’intéresser et on va pouvoir avoir une vraie démarche créative, sans faire un truc basique. D’un autre côté, quand t’arrives après deux clips aussi bons, c’est un peu un challenge. J’ai envie d’ajouter ma pierre a l’édifice et de faire un truc à la hauteur du clip des autres. Je veux me dire que j’ai contribué à l’image visuelle de Frenetik. En plus j’adore sa vibe, donc ça ajoutait de la pression.

C’est quoi tes influences dans l’audiovisuel ?

Je regarde beaucoup ce qui se fait aux États-Unis en termes de réalisation, dans la scène du rap. Mes influences c’est surtout ceux qui proposent des visuels rythmés, dynamiques. L’univers de Dexter Navy (celui qui fait les clips de A$AP Rocky) me parle énormément. A l’ancienne aussi BRTHR (celui qui a fait « Goosebumps » de Travis Scott). Tous ces gars, c’est des mecs qui font des visuels avec beaucoup de mouvement de camera. Ils travaillent énormément avec la machine, et ils te transportent dans différents univers avec celle-ci. Ils vont établir pleins de tableaux qui vont passer, sans rester trop focus sur une mise en scène.

Un peu à l’image d’ADEUS en France, en fait ?

Exact. Eux, c’est les boss de ça. En termes de visuels, je les trouve monstrueux. C’est clairement une inspiration en terme de travail et de vision. Les autres que j’ai cités, c’est aux Etats-Unis avec des gros budgets. ADEUS ils ont réussi à créer cet esthétisme et cet acharnement en France, là où l’industrie est différente. Ça ne m’étonne pas du tout que ça marche. S’ils ne sont pas encore la référence, ils la seront bientôt. J’aime beaucoup Valentin Petit, aussi. C’est un peu LA référence de réalisation. Il est très chaud. Sinon, en ce moment je suis également matrixé par un réalisateur russe qui s’appelle Azar Strato. Il filme des pubs de vêtements, mais en montrant des bribes de vie de mafieux dans un univers urbain russe. L’architecture est froide et soviétique. L’univers est angoissant. A travers sa manière de travailler, ça ressort vachement.

 

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Tu as une anecdote particulière que tu as retenue de tes tournages ?

Sur le tournage de « Blanche Neige ». Je n’avais pas encore fait beaucoup de projets produits avec des grosses équipes. C’est drôle, le scénario je l’ai vraiment écrit dans ma chambre en caleçon, en écoutant du rap. Je suis arrivé deux semaines plus tard sur le lieu du tournage, où il y avait des gros camions. Il y avait 15 personnes qui organisaient tout, avec un programme ultra précis. Moi, je venais en mode : « Je vais faire un petit tournage », avec la voiture de ma daronne *rires*. Ça m’a fait un peu bizarre. Je me suis rendu compte de la dinguerie du truc et de à quel point j’avais de la chance. Je me suis aussi dit que je devais être à fond dedans. Personne d’autre allait le faire pour moi, et il y a 15 personnes qui attendent mes directives. Il faut être vraiment sûr de sa démarche. Heureusement, Frenetik et son équipe étaient vraiment investis et soucieux de tout faire bien.

Avec quels artistes voudrais-tu travailler ?

Laylow, bien sûr ! L’univers qu’il a crée à travers les visuels, j’en suis très fan. Ses clips me donnent envie de le clipper *rires*. C’est un peu schizophrène en vrai. Je sais que, si je lui propose quelque chose, ça ne sera pas forcément son univers, mais ce serait incroyable. Pareil pour Freeze [ndlr: Freeze Corleone]. Je suis un grand fan de la première heure de Freeze. Dès le début j’étais matrixé par ce qu’il faisait. Surtout qu’il n’a pas une vraie d’image visuelle. Je me dis que, vu ce qu’il arrive à renvoyer par le son, si un jour j’arrive à faire un clip, rendant le tout accessible en images, ce serait ouf. En fait, tout artiste un peu énigmatique qui ne reprendra pas forcement tous les codes, ça m’intéresse. Si c’est un artiste que j’ai déjà vu rapper dans pleins de clips du même style, ça tue un peu l’envie.

Où est-ce qu’on pourra te retrouver dans l’avenir ?

Je pense qu’on me trouvera encore un peu sur du clip de rap. Comme je te disais, c’est vraiment un beau terrain de jeu et j’adore ce style. Ce serait un honneur de clipper les artistes que j’écoute, en me renouvelant, aussi. En dehors du rap, j’aime bien proposer des trucs qui cassent un peu les codes, donc d’autres media me plaisent aussi. Même la pub. C’est intéressant de se plier aux exigences d’une marque et de casser les codes, en en introduisant des plus urbains, par exemple. Ça m’intéresserait de faire ça : mettre en avant un produit avec les codes d’un clip rap.

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