Musique
Damso, comment a-t-il atteint le million d’albums vendus ?
Artiste complet et complexe, Damso a franchi le seuil du million d’albums vendus. Retour sur l’itinéraire d’un artiste vertigineux.
Qui aurait pu croire qu’un artiste si trash, balançant des punchlines salaces toutes les quatre lignes, pourrait aussi vite franchir le million de ventes ? Damso, lui-seul semblait en être persuadé. De sa naissance à Kinshasa à son enfance torturé à Bruxelles, ses souvenirs de conflit armé et de conditions humaines, Damso a construit une esthétique unique et sombre dégoulinant à travers trois opus, Batterie faible, Ipséité et Lithopédion.
Il caresse ses premiers textes à 14 ans. Le temps d’affûter sa plume, de mettre en ordre son univers, et rejoindre l’écurie de Booba près de dix ans plus tard. Là, conscient de détenir un joyau noir brut, le Duc va le façonner jusqu’à une émancipation controversée et une route tracée vers une pluie d’or, de platine, et de diamant. Retour sur un itinéraire à un million de ventes.
Damso : «Capitol 92i nouveau flow noir»
En 2016, logos du 92i et d’Universal brodés sur le torse, Damso passe aux choses sérieuses. Après quelques morceaux éparpillés sur YouTube, Booba le propulse dans le grand bain sur son album Nero Nemesis. Avec « Pinocchio », Damso déploie tout son talent et crève l’écran d’emblée. En un couplet, il impose au rap francophone sa verve dantesque et sa facilité technique. Jeune Bruxellois plein d’énergie fait monter les enchères et se créé un nom. Damso est né.
«Demandez pas c’que je fais dans la vie»
EP ? Mixtape ? Que nenni. Damso démarre en album et brûle les étapes. Comme d’habitude. Il commence avec « Débrouillard » : 16 millions de vues sur YouTube, quatre ans après. Le Belge a «superstar» marqué sur la tête, mais va un peu vite en promotion.
Aussi exceptionnel qu’il soit, Batterie Faible ne fait que poser le socle du tremplin de Damso, se contentant de nourrir une niche intriguée. « Périscope », « Autotune » et surtout « Amnésie » : l’artiste fait plisser les yeux à chaque punchline, force à bouger la tête et enfonce les portes. Le SNEP commence à trembler. 150 000 ventes aujourd’hui.
«Le monde est à nous, le monde est à toi et moi»
Plus renforcé, plus travaillé, plus sûr de lui, Damso revient. Ipséité est là. L’album ressemble à une épreuve des poteaux de Koh-Lanta où les certifications tombent les unes après les autres. Première à s’effondrer : la « Macarena » éprouvante de l’artiste. Quasiment prêt à faire oublier la chorégraphie dansante qui a inspiré son morceau, le Bruxellois fonce vers le diamant, et porte avec lui tous les singles d’un opus à la critique unanime.
L’artiste se renomme même Streamso, pour ironiser sur l’avalanche de certifications qui lui tombent dessus. D’ailleurs, il n’est pas impossible que le trop-plein de Damso ait poussé le SNEP a changé ses règles du jeu. En tout cas, l’intégralité de la tracklist est certifiée, et Ipséité se couvre de diamant. Rarissime chez la scène urbaine, d’autant plus avec un opus si sombre et humain. 550 000 ventes aujourd’hui.
«Tu m’dis quand t’es prêt, hein ?»
Damso va vite. Beaucoup trop vite. De là à dépasser les frontières médiatiques. Du haut de sa vie truffée de pierres précieuses, l’artiste vagabonde entre polémiques et consécrations. Choisi pour composer l’hymne belge à la coupe du Monde, l’artiste recule face à l’indignation et s’enferme en chambre noir pour concocter son Lithopédion. « Humains » n’aura pas droit au succès qu’il méritait.
Ce troisième album vient parapher l’ascension d’un artiste disposé au sommet d’une scène rap en pleine mutation, sur le fond et sur la forme. C’est à travers cette dernière qu’il bâtit sa promotion comme un puzzle imposé à ses fans. Alphabet grec et univers mystérieux, Damso a laissé son rap s’envahir d’une communication poussée à l’extrême, rythmée de la suppression de ses posts Instagram et de communiqués contradictoires. Bref, trois disques de platine plus tard, Lithopédion pousse la discographie de Damso jusqu’au million.
L’après million de Damso
Que fait-on quand on a déjà un million dans les mains ? On prend son temps. C’est tout ce qu’a longuement répété l’artiste lors de la session studio, filmée par Konbini, chargée d’en dire un peu plus sur QALF. Ce même QALF qu’il traîne depuis l’avant Batterie faible. Cette mixtape mystérieuse aurait dû ouvrir la discographie de l’artiste avant qu’il ne foute toute ça au sol et ne façonne son premier album.
Sorti du 92i, porté par une nouvelle ambition, Damso semble commencer une nouvelle carrière. Comme livré à lui-même, confronté à un rap qu’il a subi, et qu’il fait désormais subir. Le Bruxellois «kiffe», comme il aime le rappeler, parsème les plate-formes de streaming de collaborations, et attend sagement qu’un quatrième album vienne gonfler son nombre d’albums vendus.
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