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Culture

On a parlé de « Tout simplement noir » avec Jean-Pascal Zadi

© Gaumont

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Avec Tout simplement noir, Jean-Pascal Zadi a réussi son audacieux travail de déconstruction : en bousculant les clichés liés à la communauté noire, et en proposant un film cousu autour d’une multitude de sketchs et de guests.

Depuis quand une comédie française ne nous avait pas interpellé, dans le bon sens du terme ? Alors, évidemment, il y a le casting : une sorte de all-star game de la comédie française, mais il y a aussi le sujet et sa manière de le traiter. Rien de révolutionnaire dans la thématique, les tensions et autres quiproquos communautaires reviennent régulièrement dans le cinéma français, depuis La vérité si je mens jusqu’à Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu ?. Mais lorsque l’on voit les premières images de Tout simplement noir, on est dans autre chose : caméra à l’épaule, ce mockumentaire suit l’histoire de Jean-Pascal Zadi, acteur raté de 38 ans habité par une idée – pas si – folle, d’organiser la première marche 100% noire, pour défendre les droits de sa communauté. À la frontière entre la fiction et une réalité bien trop actuelle, JP Zadi, en grand architecte, livre un film juste : Tout simplement noir est tout simplement drôle. Rencontre.

De la fiction qui dépasse de la réalité  

À la manière de Validé de Franck Gastambide, Tout simplement noir joue sans arrêt avec la suspension d’incrédulité : le long-métrage prend l’apparence d’un immense Où est Charlie ? où s’accumulent clins d’oeil et références à l’actualité et aux médias. Et aussi (et surtout), de nombreuses personnalités venues jouer leur propre rôle. Pêle-mêle : Joey Starr, Fary, Vikash Dhorasoo, Claudia Tagbo, Jonathan Cohen, Ramzy Bedia, Fadily Amara, ou Éric Judor. Et c’est sur cette fine frontière entre la fiction et la réalité que Jean-Pascal Zadi a bâti son oeuvre comme un funambule, jusqu’à perturber le spectateur avec des passages réellement télévisés, comme sur le plateau d’On n’est pas couché. « La preuve que je suis un bon acteur, tu me vois dans le film comme je suis dans la vraie vie !, sourit l’interprète. On voulait vraiment ancrer le film dans la réalité, que l’audience se demande si la situation qu’elle avait devant elle était réelle. C’est pour ça que tout le monde joue son propre rôle.»

Cette confusion découle jusque dans la réalisation : le film est écrit à 80%, juge-t-il. Tout s’articule autour d’une trame principale, puis une liste de thématiques que les auteurs ont souhaité aborder : la rivalité Afrique-Antilles, incarnée par la chaotique discussion des  personnages de Lucien-Jean Baptiste et Fabrice Eboué, ou le métissage pour le personnage d’Éric Judor. «Évidemment, on avait des phrases qu’il nous semblait importantes de caser. Mais un mec comme Éric Judor va rajouter des trucs par dessus ! Au final, tout le monde est venu mettre sa patte et ça a donné que des Ferrari de la comédie qui se sont laissés emporter.»

Jean-Pascal Zadi et Éric Judor. © Gaumont

Jean-Pascal Zadi et Éric Judor. © Gaumont

JP Zadi : «Ça a été assez facile, car c’était une cause qui parlait à tous»

Si le film vagabonde autour des clichés racistes que subit la communauté noire, on ne retrouve pas l’automatisme propre aux comédies françaises qui joue sur le décalage entre la société et les multiples communautés qui la façonnent. Une auto-dénigration, comme un rempart à un potentiel regard raciste déjà présupposé, et bien souvent, vérifié. Illustration avec l’arc supposément comique : « les juifs ont un problème avec l’argent », incarné par un protagoniste expressément juif. De quoi rassurer le spectateur : le malaise est supplanté par un rire « validé », puisque les concernés l’admettent eux-même. Mais pas de ça ici : si l’autodérision joue son rôle, on est très loin de la comédie où les concernés s’amusent du racisme structurel en riant d’eux-même pour rassurer les téléspectateurs. Le film de JP Zadi va plus loin, et cherche à bouleverser le spectateur, qui ne s’est jamais cru raciste, mais qui pourtant doit se déconstruire. 

De quoi conforter l’idée de JP Zadi que si les gens se désintéressent de la comédie française, c’est sans doute parce que le point de vue est toujours le même, «celui de l’homme blanc parisien, qui donne son avis. Moi, je suis pour qu’on ait plus de réalisatrices, plus de réalisateurs noirs, gays, handicapés pour qu’on ait une pluralité de point de vues. Sinon, c’est la même histoire, c’est ce qui fait qu’on s’emmerde ». Il était donc indispensable, pour que le scénario tienne la route, que le casting soit représentatif de l’humour français que JP Zadi cherche à défendre. «Je suis arrivé chez Gaumont, j’ai proposé un scénario, en leur disant :“Mais ne vous inquiétez pas, il y aura tout le monde, c’est tous mes potes !” À l’époque je n’avais que Fabrice Eboué ! Même Fary, on ne se connaissait pas. Et quand le scénario a été fini, j’ai été les convaincre de jouer dans le film. Mais finalement, ça a été assez facile, car c’était une cause qui parlait à tous : la complexité d’être noir en France, le fait qu’on est tous différents, recentrer les choses sur l’humain. En deux semaines, tout le monde avait dit “Ok !”».

Jean-Pascal Zadi et Fary. © Gaumont

Jean-Pascal Zadi et Fary. © Gaumont

«On est parti de ma personnalité, mais on a extrapolé»

Dans Tout simplement noir, le rire naît aussi du regard que les protagonistes semblent avoir sur eux-même : chacun rebondit sur son image publique. Selon JP, son personnage est un sorte de néo-candide, aux atrocités maquillées par un militantisme pour une noble cause. «C’est un rôle de demi composition, on est parti de ma personnalité, mais on a extrapolé, je n’avais pas besoin de trop jouer la comédie», sourit-il. Le personnage de Fary est également particulier. «Il est le seul à avoir un rôle éloigné de lui dans la vraie vie. Ce n’est pas un connard comme dans le film : il aide tout le monde, il est dans le partage.» Et pour les autres, les égos n’ont pas été réellement bousculés. «La seule très légère gêne que j’ai eue, c’est avec Claudia Tagbo, reprend le réalisateur. On voulait vraiment qu’elle fasse une caricature d’elle-même, car elle fait partie des acteurs qui se jouent des clichés sur la communauté noire. On voulait qu’elle danse, qu’elle fasse l’accent. Avec John, on a eu un peu de mal à lui dire. Au bout de je ne sais combien de prises, elle l’a fait très gentiment, mais c’est parce qu’elle savait que le film lui donnait la possibilité de se défendre. » 

Autre anecdote à travers une scène surréaliste : quand Mathieu Kassovitz vocifère à sa directrice de casting, alors que le personnage de JP rentre dans la salle : «Putain je voulais l’Afrique et tu me ramènes Montreuil !» Du vécu pour l’acteur ? « J’ai eu la chance d’avoir jamais trop voulu faire l’acteur, donc j’ai pas trop subi ce genre de casting. Mais une fois, j’en passais un pour jouer un dealeur, et on me trouvait vraiment pas assez méchant, j’entrais pas assez dans le stéréotype du méchant noir de cité.» Plus que le casting, le sujet bouscule ceux qui prétendent être antiracistes à coup de bien-pensance maladroite. Et preuve de cette déconstruction basée sur la réalité : les critiques évoquées sur Case Départ de Fabrice Eboué, sont celles qui lui ont lui réellement été faites à la sortie du film. 

Tout simplement noir fait du bien, tant dans son humour que dans son message. À l’image de son auteur, qui utilise le levier comique pour soulever de fortes problématiques, ancrées dans l’intime, le long-métrage démontre que la comédie française est encore capable de faire rire autour de ses communautés sans plonger dans la stéréotypie la plus absurde. Bénéficiant d’un triste coup de pouce de l’actualité autour des violences policières, qui reviennent en filigranes tout au long du film, Tout simplement noir prouve que, plus qu’un film collant à l’actualité, il est un film profondément actuel. 

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