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Musique

Jewel Usain : «Quand j’ai sorti « T’es qu’une merde », j’appréhendais d’aller au taff»

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Pour la sortie de son EP Mode Difficile, on est parti rencontrer Jewel Usain qui raconte jouer sa vie dans ce projet.

Le curseur a augmenté : Jewel Usain passe en mode difficile. Né en 1989 à Argenteuil, c’est à 18 ans qu’il se passionne pour le rap. Déjà auteur et interprète de trois projets solos, il revient présenter son dernier EP baptisé Mode difficile qu’il considère d’ores et déjà comme l’opus de sa vie. À 31 ans, le rappeur originaire de la banlieue parisienne revient avec nous sur sa carrière, ses doutes et ses accomplissements en toute simplicité, fidèle à lui-même.

On est quelques jours de la sortie de ton EP Mode difficile, comment ça va Jewel ?

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Écoute, ça va très bien. Beaucoup de fatigue, il a fallu travailler très dur pour rentrer dans le timing. Là, on commence à voir le bout du tunnel donc ça va. Mais en vrai c’était chaud. Je ne suis pas stressé, parce que pour l’être, il faut avoir beaucoup d’attentes. Moi je suis surtout impatient que les gens puissent l’écouter.

J’ai lu dans ta bio qu’étant jeune, tu aimais bien apprendre par cœur les gimmicks de tes artistes préférés. Alors j’imagine que le personnage de Jewel Usain est rempli d’une multitude d’inspirations. Lesquelles ?

Comme tout le monde, en tant qu’individu, tu éponges ce qui se passe autour de toi, pour devenir la personne que tu es. Et moi je suis né en 89, donc j’ai vu énormément de profils différents sur la toile, que ce soit en tant qu’observateur ou en tant qu’acteur. Je pense que ça a développé une certaine schizophrénie chez moi. Parmi ceux qui m’ont très vite marqué y’a eu Disiz avec son morceau « J’pète les plombs », ça m’avait retourné. Mais aussi Sniper, Saïan Supa Crew et Kery James je dirais. Dans la nouvelle génération j’ai mon petit top aussi. Y’a SCH, Alpha Wann et aussi Lefa qui fait le pont entre les deux époques.

Ça vient d’où « Jewel Usain » ?

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Je m’appelle comme ça depuis des années. J’avais 15 ou 16 ans, je ne faisais même pas de rap à cette époque, j’étais dans ma période basket. Il y avait un joueur de streetball que j’adorais, ils s’appelait « Hot Sauce » et dans un film de basket éclaté, il avait le blaze de « Jewel » et je trouvais ça trop chaud. Le Usain forcément, ça vient de Usain Bolt. Comme beaucoup, j’ai vu ce gars exploser et c’était une grosse influence pour moi. Et comme j’étais très rapide pour passer d’un truc à l’autre, du coup c’est resté. J’ai eu beaucoup de périodes éclaires. Au début c’était le rap américain, ensuite je me suis mis à rapper en créole de par mes origines, deux semaines après c’était le rap français et voilà. Pour le reste, c’était dehors j’étais rapide aussi mais pour d’autres choses (rire). Quand je sens que j’ai fait le tour de quelque chose, j’ai vite besoin de passer à autre chose. Quand j’étais jeune j’étais souvent dans mon coin, je ne sortais pas beaucoup si on ne m’appelait pas. J’étais tout le temps chez moi et je disais au gens : « Ne vous inquiétez pas je vais briller un jour », sans savoir dans quoi.

En 2015, tu sors La rage au ventre qui est catégorisé comme un album sur les plateformes. Ensuite, tu reviens qu’avec des EP’s, comment tu expliques ce choix ?

C’est une bonne question parce qu’en vrai, je n’ai jamais fait d’album. La rage au ventre a été fait entre 2014 et 2015 lorsque je venais de signer dans une très mauvaise maison de disque. J’étais parti pour sortir un EP et finalement ils ne l’ont pas du tout marketé comme tel. Je me suis retrouvé à sortir un album sans avoir eu les moyens nécessaires à la création d’un album. J’ai été au courant trois mois après la sortie du projet. Une chose est sûre dans ma tête et pour toutes les personnes qui travaillent avec moi, j’ai sorti aucun album. Et c’est pour ça que derrière tu vois des EP’s, c’est une continuité pour moi. Je ne me suis jamais senti prêt pour le format d’un album.

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Du coup, t’as coupé cours avec cette maison de disque par la suite ?

Ouais. Il a suivi des petites altercations. Et moi, même s’il y a des histoires de contrats tu peux pas m’obliger à faire quelque chose que je ne veux pas. Sinon, on va forcément rentrer en conflit et c’est ce qu’il s’est passé donc je me suis barré. Mais c’est aussi de ma faute, c’est moi qui ai signé un mauvais contrat. Je suis pas du genre à tirer sur le gens, je sais me remettre en question. J’étais jeune, con et dans l’impasse d’un point de vue économique. J’ai vu une porte et je l’ai prise bêtement. Donc oui ça peut être des crapules mais en vérité, on ne m’a pas mis de couteau sous la gorge. Quand je fais une erreur, c’est mon erreur.

Le 7 février dernier tu sors ton single « J’arrive » dans lequel tu commences très fort :  « Je saute dans le vide ensuite j’arrive, c’est plus du rap c’est du sport extrême. Je prépare le projet de ma ive, fuck le mystère on spoil exprès. » C’est vraiment le projet de ta vie ?

C’est complètement le projet de ma vie, j’ai l’impression que c’était ça ma mission quand j’ai commencé le rap. Je me devais de sortir un projet aussi carré. A l’instant T, j’ai vraiment mis tout ce que j’avais à donner. Maintenant, je suis pressé d’avoir les retours des gens qui vont l’écouter. Avec ça je vais devenir encore plus fort parce que y’a que en confrontant ta musique que tu passes des steps. C’est aussi le projet de ma vie parce que si les critiques ne sont pas bonnes, je vais commencer à me dire que c’est pas pour moi. A un moment donné il faut savoir se mette ce genre de challenge. J’ai 31 ans, c’est la seule pression que je me mets. Les chiffres c’est autre chose, je suis pas un gros vendeur. Mais si la critique est mauvaise, là ça va me poser problème.

Pour annoncer ton EP, tu as dévoilé une courte vidéo, « La notice ». Dedans, 3 modes de jeu s’offrent à toi : le mode facile, le mode normal et enfin le mode difficile. Chacun d’entres eux a ses caractéristiques (gloire, argent, remise en question, échecs…). Ces modes de jeu représentent des moments en particulier dans ta vie ?

C’est une très bonne question. Si tu reviens beaucoup d’années en arrière, je pense que le mode facile (succès, pouvoir, femme) était accessible à ce moment. Effectivement, en faisant certains choix musicaux et relationnels j’aurais pu y accéder de mes 23 ans à mes 25 ans. Ensuite, le mode normal (des hauts et des bas, manque de frissons) c’était encore accessible jusqu’à un certain moment. Puis il m’est arrivé ce qu’il m’est arrivé dans la vie. Aujourd’hui, j’estime que je ne pars pas gagnant parce que je sais que ma musique a du potentiel mais reste de niche. Je n’appartiens pas à tous les standards. Mais c’est les seules armes que j’ai. Alors oui, je suis en plein mode difficile.

Justement, quand le mode difficile t’es proposé tu semble vouloir te défier en répondant « Ouais! » avant d’accepter le mode. T’avais besoin d’être dans des conditions inhabituelles pour produire le meilleur de toi-même ?

C’est aussi le “ouais!” d’un gars un peu stupide. Tu vois quand la vie difficile, c’est de ta faute, c’est tes choix à toi. Et c’est ça que je voulais mettre en avant, que “ouais” je suis assez con pour me mettre dans cette situation de “mode difficile”.

On retrouve beaucoup d’insouciance tout au long de cette notice. C’est la même insouciance que tu évoques dans ton EP ?

C’est exactement ça, t’as super bien analysé le langage du corps. Moi je pense que du haut de mes 31 ans y’a beaucoup de situations que j’ai abordées en étant trop insouciant. C’est fin 2018, quand j’ai quitté cette mauvaise maison de disque que j’ai commencé à réfléchir en homme. Alors oui, vue comme ça, la notice c’est un peu une rétrospective de ce que j’étais avant.

Cet épisode, tu l’as tourné dans un appartement qu’on retrouve souvent dans ton contenu, notamment dans le clip « Fight Club » sorti il y a 2 ans. « Fight Club » le film, c’est aussi l’histoire d’un mode difficile dans lequel un certains nombre de règles doivent être respectées. Tu t’en es inspiré ?

Ouais carrément. Je suis très matrixé film. D’ailleurs, dans la notice on peut retrouver pleins de poster de film sur les murs, qui ne sont pas là de façon anodine. Et il y a le poster de « Fight Club » justement.

Sur Instagram, t’expliquais être super impatient de raconter le pourquoi du comment de ta cover en interview. Je crois que le moment est venu.

(rires) Cette cover je l’ai dans la tête depuis très longtemps. Deux ans peut être. Et je suis allé voir pleins de personnes différentes mais elles me disaient à chaque fois qu’elles n’étaient pas capable de réaliser ça. Pour moi, Mode difficile c’est une aventure de fou et il fallait que ma cover ressemble à un périple. Donc je me suis inspiré des films que j’ai vu quand j’étais jeune (qui sont sûrement des navet en plus !). Donc ma cover devait ressembler à un mi-navet/mi-blockbuster.

 

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Personnellement, ça me fait penser à un film d’aventure comme « Jumanji« .

C’est une des références principales ! Dans la notice, tu peux entendre en fond le son de Jumanji avec les drums etc.. Ça a directement été tiré du film. Et je vais même aller encore plus loin en parlant du film “Last Action Heros”. C’était un film avec Schwarzenegger qui était éclaté au sol, mais qui m’a beaucoup inspiré quand j’étais jeune. Enfin, la posture prise sur la cover c’est celle que l’on retrouve sur l’affiche de “A la poursuite du diamant vert » avec Michael Douglas. Là, je te parle de cassettes qui étaient à mon père, ce n’étaient même pas les miennes. Et moi je voulais vraiment que ça y ressemble parce qu’il y avait pas plus « aventure kitch ».

Tu parles d’aventure kitch, pourtant, la musique que tu propose dans ton EP ne l’est pas du tout. Comment tu expliques ça ?

Non, il ne l’est pas du tout effectivement. Je fais attention à ne pas rapper des blagues. J’aime avoir une certaine autodérision dans l’image mais surtout pas dans la musique. Et cette imagerie peut-être qu’elle dénote avec la musique mais il y a quand même un code pour te rappeler que tu vas écouter quelque chose de sérieux. Par exemple, le « Parental Advisory », j’ai vraiment tenu à le laisser. C’est un truc qu’on met plus du tout normalement, mais il fallait le mettre pour comprendre. C’est ça qui ramène la touche rap.

Sur la cover, on aperçoit plusieurs éléments. Un tigre, un serpent et une femme que tu sembles porter sur ton dos. Que représentent-ils ?

Le tigre, grossièrement, ça représente une certaine forme d’autorité. Si on prend le livre de la jungle, l’autorité y est représentée par Sherkan, le tigre. Moi je ne vit pas de la musique, je travail à côté. Et ma forme d’autorité à moi c’est les patrons. Je voulais que ça représente ça aussi, les formes d’obligations auxquelles on doit se soumettre. Le serpent, ça représente juste la traitrise, c’est assez simple pour le coup. La femme elle, représente ce que je porte à bout de bras. Si je suis dans ce mode difficile, c’est parce que je ne suis pas tout seul. C’est très archaïque comme vision mais dans une telle aventure, l’homme se doit aussi de sortir la femme de cette situation.

Justement, cette femme, tu la vois comme un poids ou comme un soutien ?

C’est marrant mais un peu des deux. Je ne sais pas si tu avais vu cette interview de Jacques Brel où il disait que la femme voudrait toujours se poser. L’homme lui restera toujours dans son aventure, et ce qui le freinera (ou le sauvera) dans cette aventure finalement, ça ne pourra qu’être sa dame. C’est un peu ça.

Récemment, j’ai écrit un passage d’article sur le rapprochement entre l’industrie rap et celle du jeu vidéo (concerts Fortnite, création de jeux vidéos, lives Twitch…). T’en penses quoi ?

Enfin ! Enfin la pop culture accepte le rap et le rap accepte la pop culture. C’est super important que ça se fasse dans les deux sens. Avant, ceux qui lâchaient des références aux jeux vidéos étaient vite vu comme des « rappeurs geek ». Et aujourd’hui tu te rends compte que l’un et l’autre jouent le rôle de levier. Ça a vraiment permis au rap de passer un cap je pense. C’est trop chaud. Moi je suis très jeux vidéos. J’y joue plus beaucoup mais à la base je voulais en faire mon métier. Soit dans le design de caractères ou dans la rédaction autour de cette industrie.

Tu fais quoi dans la vie de tous les jours ?

Je suis vendeur de pompes. Quand j’ai sorti « T’es qu’une merde », le lendemain j’appréhendais beaucoup d’aller au taff (rire). J’avais peur que les gens le prennent pour eux. Au moment ou j’écris « T’es qu’une merde » et « J’arrive », je travaille chez Courir et je me fais virer à cette période. C’était ça que je critiquais en fait, j’aimais pas du tout leur système ça me rendait fou. Mais y’a des gens, je ne voudrais pas qu’ils se sentent visés, d’autres si.

Dans ton projet, on ressent certaines prises de risque, notamment sur des refrains à la limite avec le chant. T’en avais besoin ?

Je ne le vois pas comme une prise de risque. Ça ne serait pas sortit si je n’étais pas sûr de moi. Je sais que c’est maîtrisé, je n’ai pas peur car même si ça ne plait pas, au moins je sais que c’est bien fait. Pour le faire, il a fallu prendre d’autre risque qui eux ne sortiront jamais. Pour arriver au résultat de « Malcom & Marie » et « En plein océan » y’a eu beaucoup de morceaux loupés.

Justement, tu parles de « Malcom & Marie ». C’est l’un des morceaux sur lequel je t’ai trouvé le plus à l’aise, comme si tu avais passé un cap en terme d’écriture et d’interprétation.

C’est marrant que tu dises que j’ai passé un cap sur ce morceau car je l’ai écris il y a 5 ans. La plupart des morceaux qui sont dans le projet ne datent pas d’hier. Par exemple, « T’avais des rêves », ça date de 2016. C’est plus une question de mix qui les remets au gout du jours au final. Mais les textes en eux-mêmes ont été écrits y’a bien longtemps pour la plupart. « Malcom & Marie » ne devait pas y être. Ça a été de la discorde au sein de l’équipe carrément. Je me suis battu pour défendre ce titre parce qu’il plaisait pas autant (rire). “le morceau il est nul tu peux pas faire ça…” qu’ils me disaient. On verra bien comment le public le reçoit.

Comment s’est faite la collaboration avec Usky sur le morceau « T’avais des rêves » ?

J’avais écris le son et à ce moment-là, me demande pas pourquoi, je savais que c’était lui qui devait poser le refrain. Quand tu fais un feat, c’est un peu comme être un coach, tu dois placer les bons mecs au bon endroit. Et là, je sentais que c’était lui, comme une évidence. J’ai entendu son refrain et j’ai compris que je ne m’étais pas trompé.

Si t’as un son à faire écouter pour donner envie de découvrir Mode Difficile ?

C’est dur comme question. On s’est prit la tête avec toute l’équipe pour savoir quel clip on envoyait en premier. Maintenant, je fais écouter un peu à droite à gauche certains morceaux du projet avant que ça sorte. Et sans mentir, je bégaye toujours sur ce que j’envoie. Ça dépend de la personnalité du mec ou de la fille. En vrai, j’aime tous les sons (rire).

Jewel, qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?

Que j’ai assez de bons retours pour continuer ! Au moins des retours sincères, c’est ça qui me fera avancer. Je vais vraiment être bon quand j’aurai eu les critiques des gens. J’ai beaucoup travaillé. Il y a trois versions du projet en tout, une trentaine de morceaux à la base. J’ai fais écouté la première version à Luidji et, après avoir discuté longuement avec lui, j’ai supprimé six morceaux. J’avais besoin d’entendre les choses venant d’une autre personne. Après j’ai refait une version où j’en ai rajouté quatre puis deux in-extremis. Pour la suite, j’aimerais vraiment sortir des petits projets de 3 à 5 titres, et surtout cumuler les featurings. J’ai une fiche avec tous les featurings que j’aimerais faire chez moi (rire). On verra ce que l’avenir nous réserve.

 

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