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En 2022, le S-Crew tourne en rond

© Antonin Nkruma

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Réunis sur SZR 2001, les quatre membres du S-Crew ont toujours les mêmes valeurs, mais plus le même impact. Fulgurances et morceaux sans relief cohabitent dans un album frustrant, parfois même creux. 

C’est l’histoire de quatre gosses, âgés d’une dizaine d’années, qui s’amusent à mimer un « S » avec leurs doigts. Réunis au bord de la Seine, Mekra, Framal, Nekfeu et 2zer établissent alors les plans ambitieux d’une carrière qui s’élèvera sur deux décennies. Après Seine Zoo en 2013 puis Destins liés en 2016, le S-Crew a activé la machine a remonté le temps direction 2001, aux portes de Seine Zoo Records. Mais la promesse d’une flamme nostalgique est bien trop survolée et, témoin des trajectoires paradoxales de ses différents membres, SZR 2001 peine à renouveler l’identité parisienne qui faisait la force du collectif. En découle un album déséquilibré, avec quelques tableaux marquants dilués dans une masse trop indécise. 

SZR 2001, nostalgie à deux vitesses

Tout commençait plutôt bien, pourtant. La promotion de SZR 2001, silencieuse mais spectaculaire, a reconduit une hype datée de six ans. Car depuis Destins liés, et la bruyante tournée qui a suivi, le S-Crew s’est éparpillé. Évidemment, le wagon Nekfeu, qui avait déjà un long train d’avance en 2016, a encore creusé l’écart. Mais surtout, la timide productivité de ses trois acolytes ne présageait pas vraiment un retour du collectif. Seul 2zer a fait un peu l’actualité, sans forcer. Mekra et Framal, eux, se sont contentés de rares singles. Malgré tout, fidèle à son histoire, le S-Crew a parcouru la capitale pour imaginer la bande-annonce nostalgique de SZR 2001. Puis, le clip de “22” a scellé un retour mature, engagé et minutieux. Porté par une topline efficace et un Nekfeu en patron, le morceau a poursuivi l’histoire amorcée par le teaser, articulée autour d’un accident de voiture. Finalement, il n’y a rien de tout ça dans SZR 2001. 

On attendait peut-être de la narration, de la nostalgie, une fibre parisienne : à tort. Long de seize tracks, le projet prend la forme d’une compilation décousue où quelques rares sursauts surplombent une masse trop générique. Mais surtout, l’album est creux. Le brillant “Maintenant” et certaines phases au compte-gouttes maquillent un projet qui ne raconte pas grand-chose. Le S-Crew énumère en boucle ses valeurs, solidaires et fraternelles, poussées parfois de manière grossière, comme sur le redondant “Fight Club“, citant les règles surexploitées du film éponyme dans un refrain en cruel manque d’inspiration. Dans leurs textes, les membres radotent la même histoire, trop entendue, devenue trop plate. À les écouter, il n’y a rien de neuf sous le soleil depuis 2016. Mais même sans travestir son univers, le S-Crew avait de quoi inclure de nouveaux enjeux, liés à leurs nouvelles vies de trentenaires. 

Six ans plus tôt, Destins liés parvenait à s’équilibrer entre le quotidien parisien, les tentations d’évasion, le rapport aux femmes et la fierté d’une bande de potes solidaires. SZR 2001 amorce des bribes de thématiques, souvent supplantées par des couplets trop tendres. Plus que ça, c’est la cohérence globale du projet qui pêche, malgré le travail soigné du chef d’orchestre Hugz. Et là encore, ce nouvel opus souffre de la comparaison avec son prédécesseur, qui captait avec fidélité l’essence des artères de la capitale. SZR 2001 a le mérite de chercher à explorer autre chose : le projet s’ouvre sur une production drill mélancolique avec le très réussi “N’oublie pas”. Mais le reste des tentatives ne transcende pas : l’ambiance club de “Chez nous” est un peu stéréotypée, la formule ensoleillée de “Encore” pas franchement originale. Le S-Crew réussit finalement dans ce qu’il sait déjà faire : le turn-up sur “Drap sur les opps”, la sincérité palpable sur “Maintenant”, le découpage de prod en équipe sur “Don Zoo”. 

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S-Crew, justesse et équilibre

En 2016, le S-Crew se reposait déjà énormément sur Nekfeu pour galvaniser son opus : l’artiste entamait la plupart des morceaux et dominait globalement la répartition des couplets. L’écart de notoriété s’étant considérablement agrandi, SZR 2001 s’exposait à d’intrigants enjeux. Et à ce petit jeu-là, “22” s’est révélé plutôt rassurant, avec quatre performances abouties dans leur style. Mais l’album n’a malheureusement pas la même justesse. Nekfeu est trop écrasant et occupe 80% des refrains, selon les données recueillies par RapMinerz. Finalement, il détient quasi le pouvoir, tout au long du projet, de décider si un titre sera bon, ou non, par la qualité de sa performance. Et l’auteur de Les étoiles vagabondes, souvent brillant, a parfois ses faiblesses, que ses compères ont beaucoup de mal à combler. Pourtant, quand Nekfeu lâche du mou sur les refrains, ils laissent aussi ses potes s’illustrer : Mekra est épatant sur “Maintenant”, 2zer est très efficace sur “Manque de sommeil”. 

En fait, généralement, tous les refrains sont bons, c’est surtout leur manque de liant qui fait défaut. Mais l’écueil principal réside dans les carences individuelles. Excepté l’immense couplet de Nekfeu sur “N’oublie pas” et quelques titres aboutis, “Maintenant”, “Drap sur les opps”, “Mauvais dans le fond”, “Don Zoo”, personne ne se distingue réellement. Le quatuor se fait même voler la vedette : même en coup de vent, Alpha Wann a l’effet d’une bourrasque, et PLK a sorti ses plus belles rimes pour faire honneur à ses hôtes. Pour le reste, les performances sont au mieux correctes, au pire décevantes. Si rien n’est évidemment catastrophique, trop de morceaux manquent de relief, sur le fond et la forme, pour un album qui prétend conclure une trilogie entamée par deux opus solides et cohérents. 

Ainsi, comme semble le suggérer la dernière pièce du projet, le S-Crew achève un beau chapitre du rap français, malgré quelques ratures sur les dernières pages. L’album justifiera évidemment une tournée, permettant à ses membres de se retrouver sur scène, avec leurs fans. Certains titres y trouveront probablement un nouveau souffle, comme sculptés pour la foule. Puis les chemins des membres interpelleront. Mekra, Framal et 2zer se sont trop peu illustrés sur le projet pour prétendre à une hausse significative de leurs fan-bases. Quant à Nekfeu, une fois digéré, il sera bien difficile d’espérer que SZR 2001 contienne indéfiniment la patience de son public, qui attend depuis 2019 le successeur de Les étoiles vagabondes.

Écoutez SZR 2001 du S-Crew

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