Musique
Gringe se confie sur ses périodes de vide : «Je me complais dans la tristesse»
Lors d’une interview pour Konbini, Gringe s’est confié sur ses périodes de vide et ses états dépressifs, notamment entre deux projets.
«Quand j’arrive à terme d’un projet, je passe d’un moment de plénitude et de partage, avec un public, à plus rien». Le premier et dernier album solo de Gringe, c’était en 2018. Enfant lune avait fait son effet, peinture des souffrances et des névroses du rappeur – bien que celui-ci reste sceptique sur la qualité de l’opus. Un conte de solitude, embelli par quelques touches d’amour et d’aspirations. Mais depuis, la flamme s’est tarie. Et Gringe l’a ressenti d’une manière très forte, comme il le raconte à Konbini. «C’est un retour à la normale. Il y a une espèce de sensation de vertige, et de vide. T’investis toute ton énergie, ton temps dans tes projets. C’est tout ton être que tu impliques là-dedans».
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Gringe : «Plus on s’engouffre, plus c’est difficile de remonter la pente»
Des périodes d’accalmie, l’artiste en a déjà vécu. Mais pour lui, il s’agit de la porte ouverte à ses démons. Alors la seule solution, c’est d’accepter ces passages à vide. «Je me dis que ce n’est pas grave, que je vais vers une période un peu plus dark, un peu plus passive, et je l’accepte, poursuit-il. Au bout de 2-3 semaines, quand j’ai fini de végéter, de me laisser un petit peu vivoter, je stoppe ça. Je me remet en mouvement et je sors de mon apathie, de ma grotte».
Le rappeur essaie de prévenir ces moments et d’enclencher des projets dans ces intervalles. Mais il arrive qu’il soit déjà envasé dans sa nonchalance lorsqu’il s’en rend compte. Pour recommencer à vivre, Gringe a ses petites habitudes. De la musique, aux nanars des années 90-2000 à consommer vite et mal pour «fixer le temps pendant une heure et demie». «L’expérience fait qu’à un moment donné, tu mets des choses en place. Et je pense qu’il y a des trucs. Des films, de la musique, des livres, des choses dont je vais me nourrir, confie-t-il au micro de Konbini. “Unfinished Sympathy” de Massive Attack par exemple, c’est un morceau qui va me faire du bien. Qui va me sortir de mon marasme, me booster».
Se booster, pour ne pas accepter la torpeur parfois agréable d’un moment d’inaction. «Je vais me complaire dans une espèce de forme de tristesse qui me fait me sentir en vie, explique Gringe. C’est ça aussi, le vice des états dépressifs. Tu vas avoir envie de les entretenir parce que quelque part, ça te fait du bien dans sa noirceur. Mais c’est un piège. Plus on s’engouffre, plus c’est difficile de remonter la pente derrière».
Montre jamais ça à personne : sa place aux côtés d’Orelsan
Une place passive qu’on lui retrouve parfois auprès d’Orelsan, et de la bande de potes racontée par Clément Cotentin dans Montre jamais ça à personne – qui révèle une vidéo du mariage d’Orelsan. Un groupe duquel Gringe est toujours resté plus ou moins en retrait, s’effaçant au fond d’un wagon alors que la notoriété fait voyager son entourage. «Ce qui pousse à s’y mettre, c’est la confiance que peut nous accorder un pote qui, lui, s’y est mis depuis un moment, expliquait l’auteur d’Enfant lune à France Inter il y a quelques mois. On endosse une espèce de responsabilité collective, une envie de ne pas décevoir son pote et soi-même aussi. On a envie de se hisser au moins au niveau».
Finalement, Gringe se rouvre au monde, et retrouve ses potes. Grâce à l’acceptation, mais aussi grâce à ses parents, qui lui ont inculqué la valeur du dialogue et de la santé mentale. «On associe ça à une notion de fragilité psychologique, mais d’en parler, c’est le conseil de base. Trouver quelqu’un de confiance quand on se sent submergé» explique l’artiste pour Konbini. Aujourd’hui, le rappeur ne cesse jamais d’essayer de se comprendre, pour apprendre à mieux vivre avec lui-même. «Parce qu’on est avec soi quoi qu’il arrive, h24.»
Depuis son album solo, Gringe a dévoilé quelques couplets au compte-goutte, un morceau solo pour la promotion de son livre éponyme On aboie en silence, et une collaboration prometteuse avec Georgio et DJ Pone. Si pendant longtemps, l’auteur de Scanner a persisté à lutter contre ce sentiment de vertige entre deux projets, il s’est rapidement compte qu’il n’avait aucune emprise sur celui-ci. «J’ai compris que c’était comme ça, confie-t-il, toujours pour Konbini. C’est ma nature.» Pour lui, c’est aussi une manière de se défaire de ces projets, de les digérer. «D’en faire le deuil» ajoute-t-il.
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