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Comment le streaming a fait des rappeurs les rois de l’industrie

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Comment le rap, ses auditeurs et le streaming ont permis à l’industrie musicale de sortir de ce long tunnel qu’elle nommait « transition numérique » ? Éclairage en quatre infographies.

Semaine+1, vendredi 29 mars : le projet de Ninho est récompensé d’un disque d’or, les 50.000 ventes nécessaires à l’obtention de cette certification sont dépassées. Le détail du score révèle que 39.672 ventes viennent du streaming, soit 79% du volume total.

La performance de Ninho sur ces plateformes relève, en réalité, de plus en plus de la règle que de l’exception : sur Deezer, comme sur Spotify, les rappeurs trustent les places au sommet. Toutes deux ont publié en décembre 2018 leur classement des artistes les plus écoutés de l’année sur leur site respectif, et bien que différents, l’un et l’autre ne sont composés que de rappeurs. Comment expliquer cette omniprésence ? Si l’on simplifiait grossièrement, on ne donnerait qu’une statistique : 85% des 13-24 ans écoutent de la musique en streaming (audio ou vidéo), selon l’enquête de la Fédération internationale de l’industrie phonographique (Ifpi) commandée à l’entreprise de sondage Ipsos.

À l’international : même engouement des internautes pour la musique dite urbaine. Le vainqueur triple catégories se nomme Drake : « chanteur », « album » et « chanson » les plus écoutées en 2018 sur Spotify. Son album Scorpion, sorti fin juin, a enregistré plus d’un milliard d’écoutes en une semaine sur la plateforme suédoise, qui a comptabilisé jusqu’à dix millions d’écoutes par heure.

« Il va falloir changer ce nom, maisons de disque. Elles ne vendent plus que des streams, donc on va appeler ça maisons de streams« , s’amuse le journaliste spécialisé Mehdi Maïzi, aussi programmateur de playlists rap sur Deezer. 5,5 millions de Français se sont abonnés aux plateformes de streaming en 2018, et, pour la première fois en France, les revenus issus de cette forme de consommation musicale ont dépassé ceux des ventes physiques. Aux États-Unis, cette même année, Spotify, Apple Music et Tidal ont généré 75% des revenus. Deux ans plus tôt, cette proportion dépassait à peine le « 50% » français d’aujourd’hui. Et en 2011, elle n’atteignait même pas les 10%. Comprendre : ça va vite. Le SNEP, le syndicat national de l’édition phonographique (dont les membres, producteurs, éditeurs et distributeurs de musique, représentent environ 80 % du marché du disque en France), tente alors de s’adapter, de réajuster, de réduire le poids du streaming dans le calcul des ventes d’album. Depuis janvier 2019, un disque équivaut à 1.500 streams, au lieu de 1.000 jusque là.

« J’suis disque d’or grâce aux streams, donc jaloux écrivent tweets hostiles. » Damso

Premiers visés par cette réforme ? Les rappeurs, d’une part suspectés d’acheter des streams, de l’autre, lanceurs d’alerte de la mutation d’une industrie. Si Maître Gims ou Soprano enregistrent d’énormes scores en physique, la plupart des rappeurs vendent majoritairement grâce à ces outils en ligne, à l’instar de Ninho et de ses 39.672 ventes streaming sur ses 50.000 totales (pour la première semaine d’exploitation de l’album Destin). Analyser le palmarès des ventes en France, avec, puis sans le streaming intégré au calcul (l’infographie ci-dessous), permet de réaliser l’aubaine qu’il représente pour les rappeurs (autant que le bouleversement qu’il inflige aux artistes d’autres courants musicaux) :

Puisque le succès streaming est intégré au calcul des ventes, les projets de rap francophone sont fréquemment récompensés d’un disque d’or, de platine, parfois de diamant. Avant que le SNEP ne change ses règles à la mi-janvier 2019, cinq albums rap étaient déjà, dès ce début d’année, « disque d’or ». Et en 2017, les albums français certifiés appartenaient, à plus de 40%, au répertoire rap.

À lire aussi : Faire la couverture des Inrocks : un objectif à atteindre pour les rappeurs ?

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