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Interviews

Hyacinthe, artiste mélancolique vulgaire et romantique

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À l’occasion de la sortie de son premier album Sarah, Hyacinthe s’est confié à l’équipe 2HIF. L’occasion de parler musique, esthétisme et collaboration.

Après plusieurs projets en groupe, Hyacinthe dévoile son premier opus solo, Sarah. Quoi d’autre ? Des musiques variées, belles et inhabituelles. Le jeune artiste s’est entouré des meilleurs : certains que l’on pouvait attendre sur un album rap (Jok’air) et d’autres qu’on attendait beaucoup moins (The Pirouettes). Rencontre et discussion autour d’un album doux et hardcore.

On se voit aujourd’hui pour ton premier album. Avant ça tu as sorti plusieurs « projets », mais finalement la différence entre mixtape et album est assez faible aujourd’hui, tu crois pas ?

En fait je pense que ça peu de sens. Je fais des morceaux, quand j’en ai 13-14 morceaux dont je suis content, entre lesquels je considère que y’a une cohérence, ça fait un projet. La seule différence c’est que là, c’est mon premier projet vraiment commercialisé, mais sinon le processus est le même.

13 chansons. Donc tu n’es pas superstitieux, pas vrai ? 

Pas trop non ça va, enfin pas trop là-dessus. (Rires)

Si je me suis bien renseigné y’a aucun musicien au sens « classique » du terme sur le projet, ta n’a pas peur que les humains soient remplacés par des machines ?

Ah bah je pense que c’est sûr, que c’est le destin.

Ah ouais ?

Comme avant nous y’a eu l’homosapiens, après il y aura les machines. Enfin y’a des gens qui en parlent mieux que moi hein, mais c’est évident qu’on va être remplacés par des machines dans les 200 ou 300 ans à venir.

A quel point vous influencez L.O.A.S, Krampf et toi ?

L’influence elle se fait surtout à travers les trucs qu’on écoute, quand j’y pense. Sur Facebook on a une discussion avec l’équipe, et dès que y’a un truc qu’on kiffe on se le partage ! Mais évidemment, aussi dans la musique qu’on fait.

 Justement, on dit souvent t’es un rappeur « gabber », ça te plait qu’on te définisse comme ça ou tu trouves ça trop clivant ?

Bah… les étiquettes je crois que ça n’a pas de sens, on m’a aussi dit que je faisais du rap de blanc alors tu vois… mais je comprends que les gens aient besoin de mettre des étiquettes sur les choses pour les comprendre. Mais je crois qu’en fait c’est plutôt un truc de journaliste, après, si ça permet aux gens de faire découvrir ma musique alors pourquoi pas !

D’ailleurs j’aime bien l’esthétique que tu développes en ce moment, dans tes clips, sur Instagram ou sur ta pochette d’album, un peu « grunge », tu crois qu’on peut être punk et rappeur ?

Je pense que c’est possible. Le rap est devenu tellement une musique globale, ça récupère plein d’influence en fait. Le rap à la base c’est du sample, donc tu prends des éléments d’autres musiques et d’autres cultures pour en faire ton propre truc, donc à partir de là… nous on fait ça avec des trucs de musique électro un peu pointues, le rap c’est un peu une tambouille, chacun prend ce qu’il aime pour créer son son.

A la Boule Noire, tu vas jouer seul, et c’est assez nouveau pour toi. Tu n’as pas trop peur ?

A la Maroquinerie ça s’est super bien passé. J’étais tout seul, sans backeur, il n’y a pas de musiciens, je suis vraiment seul avec une pédale et l’ingé son qui lance les instrus. Moi j’étais super convaincu mais les adultes responsables autour de moi ça les faisaient un peu flipper. Donc c’était un peu crash test qui s’est trop bien passé et maintenant c’est parti !

 Pour parler un peu plus de l’album, j’ai trouvé que c’était mélancolique mais pas forcément pessimiste, est-ce que je me trompe ?

Je suis d’accord avec toi, y’a un truc hyper mélancolique mais… on voit quand même le bout du tunnel. Le projet d’avant était d’une noirceur un peu glauque, j’ai laissé entrer un peu de lumière… Bon, pas beaucoup !

Parfois tu dis des trucs très forts émotionnellement sur des productions toutes douces. On a vraiment l’impression que tu cherches à extérioriser des démons. Est-ce que la musique ça te soigne ?

C’est pas vraiment « conscientisé » mais je pense que ouais, c’est pas pour rien que j’y consacre autant de temps depuis si longtemps, mais évidemment c’est pas un psy qui m’a dit « ouais tu devrais faire du rap pour te soigner ». Je pense que c’est le cas de toute les activités artistiques pour tout le monde, ça me permet de mettre des mots sur des trucs que je n’avais pas forcement verbalisés avant.

Comment tu composes ? Tu peux me parler de ton processus créatif ?

Bah plus ça va, plus c’est rare qu’on m’envoie une prod et que je pose dessus. J’aime être dessus autant que possible, bosser le son avec le beatmaker. Y’a une sorte de ping-pong, souvent j’essaie de lâcher rapidement un couplet après avoir discuté avec eux de ce que je veux. Y’a vraiment un taff d’aller-retour. Souvent une fois que tout est là, je prends la chanson et je l’amène à un deuxième beatmaker – souvent c’est Krampf mais pas que – et là du coup cette personne permet d’apporter une touche finale. Et parfois c’est beaucoup plus, sur « Sur ma vie » y’a 4 beatmaker, à la base c’était une chanson rap assez classique, mais finalement avec ce voyage, elle est totalement différente.

Justement dans le clip y’a deux mecs qui s’embrassent, et la réalisatrice est lauréate de la « queer palm » à Cannes, pourtant l’homosexualité ça reste un sujet assez tabou dans le rap, au point que c’est « encore » un sujet.

Ouais, je pense que ça change petit à petit, mais dans le rap on est un peu réactionnaire, mais ça va mieux que y’a 10 ans.

D’ailleurs aux Etats-Unis, il y’a des artistes comme Frank Ocean qui ont un peu déblayé la situation.

Ouais ça, et même parfois le rap joue avec des imageries gay, quand tu vois que Young Thug – on est à peu près sûr qu’il est hétéro –  met une robe sur la pochette de son album, en vrai c’est trop cool.  

Dans la chanson « Avec nous » avec The Pirouettes, il y’a un sample de « laisse tomber les filles » de France Gall. Je ne sais pas ce qu’on doit en conclure, mais du coup je me demandais quel était ton rapport avec la variété française ?

Ah oui, c’est un sample non déclaré, c’est un peu une inspiration. Pendant très longtemps c’est un truc que je n’ai absolument pas écouté, ou alors juste en famille, et finalement j’y suis venu assez tardivement. Là je suis en plein dedans, en tout cas ça m’ouvre des portes d’inspiration différentes, j’ai l’impression de rajouter des cordes à mon arc. J’écoute trop de truc genre Baschung ou Christophe, ou même Biolay. Pas forcément des gars qui chantent hyper juste d’ailleurs ! Un mec comme Christophe je n’ai pas l’impression que ce soit un chanteur d’opéra, mais il s’accorde des libertés pas forcement académiques qui rendent les chansons belles. Mon album préféré de tous les temps c’est 808’s and Heartbreak de Kanye West, et en vrai c’est l’album d’un mec qui ne sait absolument pas chanter, et pourtant c’est magnifique.

Aucun rapports, mais dans ton album tu parles pas mal de Paris, on a l’impression que tu l’aime et que tu la déteste en même temps, cette ville.

En fait c’est le seul truc que je n’ai jamais connu. J’ai toujours été dans le coin, j’arrive à un moment ou y’a vraiment besoin que je sois là parce que je ne sais pas, ça commence un peu à décoller pour moi, et en même j’ai très envie d’être sur la plage au Maroc à vendre des mojitos. – Bon c’est un peu technique de vendre des mojitos au Maroc- , mais bref, je commence à partir de plus en plus souvent.

Ça permet de prendre du recul aussi ?

Ouais à fond, mine de rien Paris c’est tout petit, quand tu vas en Asie tu t’en rends encore plus compte, tu croises tout le temps les mêmes gens. Ce microcosme de la musique, il faut que je m’en libère, faut que j’arrête de parler des trucs qui sont sortis ces trois dernières semaines.

D’ailleurs j’imagine que tu as dû acquérir une nouvelle notoriété grâce au feat avec Jok’air !

Ouais, et ça déchire !

Tu parles souvent de la nuit, des étoiles de ta vie de noctambule. Est-ce que t’es un animal nocturne genre une chouette ?

J’ai mes périodes, soit je me couche à 23h, soit je ne dors pas.

Tu composes la nuit aussi ?

Mouais, j’écris tout le temps. Pour être honnête, la nuit soit je dors, soit je suis ivre, du coup j’écris pas.

Du coup t’écris pas défoncé ?

Ah non, moi faut que je sois super au clair.

Y’a une chanson qui s’appelle « James Dean » : ça te parle les destins brisés ?

C’est surtout qu’il est ultra beau gosse, je connais hyper mal sa filmographie, mais quand j’étais un jeune ado moche et ques je savais pas trop quoi faire, je prenais des photos de James Dean et je les montrais à la coiffeuse en disant « je veux ça » bon globalement, c’était plutôt des échecs.

Moi je pensais que c’était pour le côté icône maudite tout ça parce qu’en t’écoutant on pourrait se dire que tu t’identifies à ce genre de personnalité.

Ah grave ça aurait pu, mais pas James Dean parce que je suis incapable de citer un seul de ses films.

Et qu’est-ce qui s’annonce pour la suite ?

Bah je suis déjà en train de faire des morceaux, j’espère faire un maximum de concert, après la boule noire y’en a d’autres en province qui vont suivre, faire vivre le projet quoi ! Je suis dans une bonne dynamique, je fais trop de truc en ce moment, j’aimerais bien que cet album enclenche un cycle tu vois ?

Carrément, et du coup t’es plutôt un rat de studio ou une bête de scène ?

Bah j’essaie d’être les deux ! En vrai c’est très différent, en studio je suis hyper méticuleux, pour les prods et tout. Alors que sur scène je libère une énergie brute, et surtout tu te rends compte de l’effet que ta musique à sur les gens, et ça c’est unique. A la maroquinerie quand j’ai fait sur ma vie t’a des mecs qui devenaient fous, carrément extatique, les émotions sont plus fortes

Surtout que ta musique elle peut compiler et l’énergie sauvage du rap, et la transe dans laquelle la techno peut mettre les gens.

Ouais complétement, on essaie de mélanger ça, je taffe à fond pour essayer de rendre le truc le plus cool possible, mais tu vois la maroquinerie ça s’est tellement bien passé que j’ai envie de pousser des idées encore plus loin, j’ai beaucoup réfléchi à l’ordre, pour qu’il y ait une progression et que t’en puisse plus à la fin.

Tu as quelque chose à rajouter ?

C’est un album d’amour, les gens devraient l’écouter.

Propos recueillis par Hannah Taïeb

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