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On a parlé « Beauseigne », « La La Land » et Lestin avec Zed Yun Pavarotti

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Crédits: @manuelobadiawills

Beauseigne, le premier album de Zed Yun Pavarotti, sera disponible ce 9 octobre. Portrait d’un artiste éclectique à la proposition novatrice. 

Il nous avait laissé en 2019, avec son excellente mixtape French Cash. Plus d’une année après son dernier projet, Zed Yun Pavarotti revient sur le devant de la scène ce 9 octobre avec son premier album : Beauseigne. Un projet personnel aux inspirations rock, en passe d’apporter un vent de fraîcheur sur la scène musicale française. Curieux de sa proposition artistique, nous avons rencontré Zed Yun pour comprendre le cheminement de l’univers complexe et abstrait qu’est Beauseigne.

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Beauseigne, le premier album

Le chanteur stéphanois s’est illustré depuis le début de sa carrière sur deux projets : Grand Zéro en 2018, puis French Cash en 2019. Cette fois-ci, Zed Yun Pavarotti revendique une proposition diamétralement opposée de ces opus précédents. Car Beauseigne n’est pas un simple projet comme les autres : «Il y a un rapport plus visuel, plus scénarisé sur Beauseigne, comparé à mes mixtapes que l’on pourrait assimiler à des playlists. Sur une mixtape, je fais plein de morceaux, je sélectionne les meilleurs puis j’élabore l’univers autour. Je me fais kiffer, je peux faire tout et n’importe quoi, dans l’objectif de former une grande compilation». 

Mais cette fois-ci, Beauseigne va plus loin, car il s’agit du premier véritable album de l’artiste. Et à ce titre-là, la manière de concevoir la musique n’est plus la même. «Un album se décide avant d’être fait, il doit exister avant que le premier morceau ne soit conçu, explique-t-il. Il fallait que je sache précisément où j’allais, et quelle allait être l’arrivée. Le travail théorique avait déjà été fait bien avant, notamment parce qu’il y a eu beaucoup de réflexion et d’écoute de musique.»  Un album dans lequel Zed Yun affirme s’être également davantage livré : «Beauseigne est plus privé, plus intime. Je suis autant dans le travail que dans l’affect. Il y a beaucoup plus de cohérence, c’est plus resserré, plus court, et surtout plus radical. J’ai eu la volonté de raconter une histoire».

S’affranchir de « Papillon »

Avant de rentrer dans le coeur du projet, il est important de s’attarder sur un morceau de sa mixtape précédente. Car cela fait quelques temps que l’une des chansons de Zed Yun s’est clairement détachée des autres dans les charts. Et cette chanson, c’est « Papillon ». Issue de French Cash, elle cumule plus de 5 700 000 streams sur Spotify, soit plus du double de son deuxième single le plus écouté (« Velours » avec plus de 2 700 000 streams). «Si j’regarde par rapport à French Cash, je suis très heureux que ce soit ce morceau qui me porte,  s’amuse l’artiste. Et je le savais avant même de sortir ma mixtape : « Papillon » était au-dessus du lot. Je savais qu’il allait se passer un truc. Ce sont des moments d’exception qui n’arrivent pas souvent. Maintenant, il va falloir que je l’écrase très rapidement. C’est le défi, et ça me permet d’avancer.»

«Sur Beauseigne, il n’y a pas de morceaux dans ce genre : l’album prime, poursuit-il. L’entièreté de Beauseigne est très largement supérieure à « Papillon ». Etant donné que je ne suis plus dans un registre de mixtape, il n’y a plus cet aspect performatif.» Pourtant, il y a bien un morceau que l’artiste chérit particulièrement. Une chanson en laquelle il fonde quelques espoirs : «A choisir, « Merveille » reste de très loin ma chanson préférée. Mais je n’ai aucune idée de ce qui se passera, ce sont mes auditeurs qui font leur choix. A côté de ça par exemple, « Lalaland » a très bien marché alors que je ne m’y attendais pas une seule seconde.»

Beauseigne : «une marque d’affection et d’empathie»

 Mais que veut dire Beauseigne ? Si vous n’avez pas grandi du côté de Saint-Etienne, il y a de grande chances que ce nom ne vous rappelle pas grand chose. Littéralement, « beauseigne » est un terme familier issu du patois stéphanois que l’on pourrait traduire par « mon pauvre ». Une métaphore chère à Zed Yun Pavarotti : «Si j’ai fait l’usage d’une marque d’affection et d’empathie, c’est que j’avais besoin de me rapprocher de moi. Beauseigne est un projet personnel avec une grosse prise de risque. Je voulais donner de moi-même, alors j’avais besoin d’un titre qui condense tout ça. Et puis, je travaille en cercle très fermé. Je considère ces gens comme ma famille, c’est absolument tout ce qui compte à mes yeux.»

Plus qu’une simple apologie de sa ville natale, l’emploi de cette expression est une manière de saluer son vécu. «Je suis fier de mes origines, elles me fondent et je n’ai pas le choix, témoigne Zed Yun. Je ne suis pas spécialement vendeur de mes origines, mais ces endroits me définissent. Ma ville, ma vie,  font parti d’un monde un peu à part. J’ai surtout besoin d’accepter mon histoire et de l’assumer. J’ai eu beaucoup de chance de rencontrer les gens que j’ai rencontré, d’avoir ce vécu même s’il a pu être parfois pénible. En fait, je suis en phase avec mon histoire.»

Un album profondément rock

Bien du courage à celui qui tentera de placer Zed Yun Pavarotti dans une case. L’artiste s’est toujours décrit comme influencé par de très nombreuses références, parmi lesquelles sillonnent rap et rock. Sur Beauseigne, c’est ce rock qui a pris le pas : «C’était très naturel pour moi de partir dans cette direction. J’écoute du rock tous les jours. C’est à mon sens la musique moderne la plus intéressante : belle, fine, et nuancée. Quant à moi, je ne reste que l’élève de mes modèles : Les Beatles, Oasis, les Stones, les Kings, les Hamons… Je fais ce que j’aime dans l’optique de me faire plaisir, tout simplement».

Un courant musical qui inspire l’artiste stéphanois jusque dans le choix de sa cover. «J’étais pas mal influencé par des pochettes de rock des années 90 à base de photo-peinture ou de collages, à l’image de celles de Blur par exemple. La recherche esthétique était de ce côté-là. Après, j’avais très envie de ramener de la peinture parce que c’est le mode d’expression le plus intime qu’il puisse y avoir à mes yeux.»

Au milieu de cet album qui respire cette musicalité si particulière, se balade malgré tout un OVNI. Un morceau très particulier qui prend l’auditeur à contre-pied : « Mon Dieu ». «Sortir « Mon Dieu » en single, c’était un peu une sorte de piège pour les gens qui m’écoutent, confie le chanteur. Histoire de confirmer aux gens qui avaient encore des doutes que je fais absolument ce que je veux. Je ne suis dépendant d’aucun registre, d’aucun des morceaux précédents que j’ai pu faire. On a fait ce morceau parce qu’on a eu envie de le faire, et le résultat me paraissait très bon.»

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Lyricalement puissant, visuellement épanouissant

Parmi les autres extraits que l’artiste nous a teasé cette année, se trouve « Lalaland » : un morceau dont le titre fait évidemment référence au film éponyme de Damien Chazelle. Encore une fois, Zed Yun use de cette référence pour y apporter sa propre symbolique. Une allégorie pleine de dualité : « »Lalaland », c’est le finish, l’objectif de tout le monde, l’état de grâce dans lequel chacun a envie de se trouver. En fait, on appelle communément ça le bonheur. Mais ce moment n’arrive jamais, donc il n’existe pas vraiment. Selon moi, c’est une illusion brève qui nous contente, mais qui n’arrive pas. On a toujours un problème, une envie de se questionner, de se battre… Il n’y a pas de « Lalaland », mais je n’aurais aucun sens si je ne le cherchais pas. J’aime jouer sur le non-sens de notre vie.»

Et à côté, l’artiste et son équipe ont fourni à ce projet une dimension visuelle impressionnante, notamment grâce à une poignée de clips aussi soignés que travaillés. C’est par exemple le cas de « Mon frère », réalisé par Fred de Pontcharra. «Sur ce clip, j’ai fait confiance à mon réal, je me suis juste laisser guider. J’ai complètement accepté qu’il présente sa lecture personnelle du morceau. Ce qui l’a inspiré, c’est cet aspect de périple, de mort, et de réincarnation avec le vautour. Il a vraiment laissé libre cours à son imagination.» 

Zed Yun s’est lui-même essayé à la réalisation au côté de son binôme Charles Leroy. «On essaye de construire nos clips de la même manière que je construis mes chansons, analyse-t-il. On part sur un rapport un peu absurde avec pas mal d’images différentes, des thématiques un peu floues, agressives, dures… L’objectif reste de faire exploser le morceau grâce à l’image. Au final, cela reste une interprétation possible parmi tout ce qu’il est possible d’imaginer. On pourrait en faire plein d’autres clips, mais on cherche la version qui correspond le mieux. Il ne faut pas essayer de relier les clips aux morceaux.»

«J’ai eu un coup de coeur pour Lestin»

Si le morceau ne fait pas parti de Beauseigne, Zed Yun Pavarotti a dévoilé le 25 septembre « Sunday afternoon » en featuring avec Lestin. Une collaboration inattendue entre Zed Yun et le protégé de Booba : «Avec Lestin, tout s’est fait un peu par hasard. On m’a proposé de travailler pour des artistes du 92i, notamment avec le label 7Corp de Booba, mais plus en tant qu’auteur ou producteur. J’avais le choix des artistes que je voulais rencontrer, et j’ai eu un coup de cœur pour Lestin. J’aime beaucoup sa proposition : il ramène une dimension musicale qui est plus sincère que ce qui se fait actuellement».

Et lorsque la rencontre s’opère, le feeling passe à merveille : «On s’est rencontré, on a bien discuté, je lui ai exposé mon point de vue sur la musique, le rap actuel… Et il m’a complètement compris. Il m’a alors proposé qu’on fasse un morceau plutôt qu’une simple session studio. Et j’en suis ravi, car cela a donné un excellent son».

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La musique d’abord, le reste après

Lestin : la première collaboration d’une longue lignée ? Pas vraiment, Zed Yun Pavarotti ne pense pas la musique de cette manière. «Il n’y a pas grand chose qui me fait envie, à part Booba bien évidemment, déclare-t-il. Sans Booba, il n’y a pas de rap français. Mais sinon, je préfère tout simplement me laisser porter. J’ai l’impression que je suis meilleur que tout le monde, on verra bien ce que l’avenir me réserve.»

A vrai dire, l’artiste a une vision toute particulière des collaborations contemporaines. Sur Beauseigne, il a d’ailleurs choisi de ne pas s’entourer. «Je ne rejette pas le featuring, seulement la manière dont il a été transformé à des fins purement commerciales, expose-t-il. Aujourd’hui, c’est presque devenu des alliances politiques et ça prime sur l’artistique. Personnellement, je préfère avoir une surprise en croisant un gars en studio. Qu’on ne se connaisse pas, qu’on se parle, et qu’on fasse un super bon titre. Je n’irai chercher personne. J’ai déjà essayé de le faire un petit peu… Mais les gens ne parlent que d’argent, c’est bien dommage.» 

Abstrait, mélodique, communicatif, sincère… Zed Yun Pavarotti livre sur Beauseigne le sommet de son art : «Je ne suis pas dans le discours, je n’ai pas envie de donner d’informations. Mon but principal reste de trouver les mélodies qui transportent mes auditeurs, et de raconter une histoire par-dessus. Mais je laisse de la place, parce que le morceau ne m’appartient pas. Je crée pour moi, mais je fais des chansons pour les autres». 

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