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Zed Yun Pavarotti : «C’est un recommencement perpétuel»

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Zed Yun Pavarotti : «C'est un recommencement perpétuel»
© Zoe Joubert

Plus de deux ans après Beauseigne, Zed Yun Pavarotti s’apprête à dévoiler son deuxième album. Rencontre avec un artiste en perpétuelle métamorphose.

Interlude le rencontrait une première fois en 2020, à la sortie de Beauseigne, et dressait le portrait d’un artiste éclectique à la proposition novatrice. Aujourd’hui, Zed Yun Pavarotti s’apprête à laisser son deuxième album voir le jour. Un opus moins empreint de solitude, plus instrumental mais surtout plus positif. La marche suivante d’une métamorphose entamée il y a déjà quelques années, l’amenant à diversifier encore davantage sa proposition musicale. Entretien avec le Stéphanois qui rêve d’être une rockstar.

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“House” est le premier single de ton nouvel album. La maison est un thème qui revient souvent avec toi, que ce soit celle que t’as tatouée sur ton visage ou celle que tu veux pour ta mère. Pourquoi en faire ton premier single ?

C’est aussi pour mettre un terme à cette histoire. Je pense que ça y est, j’ai fermé la porte. C’était pour boucler la boucle. Ça me permettait de faire une transition stylistique au niveau de ma musique. Parce que je pense que ça risque un peu d’étonner sur le reste. Donc là, c’est un peu le pompon.

Pourquoi ça risque d’étonner ?

Parce qu’on change de registre, globalement. Et de manière de fonctionner. Ce n’est pas la même logique musicale, je pense. Ça reste moi, donc ça colle. Mais il y a une nouvelle tentative. En termes de sonorités, c’est impossible de me qualifier de rappeur. Ces dernières années, il y avait encore quelques similitudes. Déjà sur l’image, le fait de se présenter seul, et puis j’avais pas mal de morceaux rappés, mine de rien. Là, ce n’est que de la chanson.

Dans le clip, on te voit marcher jusqu’à finalement te faire tirer dessus, et la dernière image, c’est ton cadavre devant cette fameuse maison. Est-ce que ça veut dire que, si proche du but, tu ne penses pas y arriver ?

Ça veut dire que c’est un recommencement perpétuel. Le fait d’arriver à ses objectifs, ce chemin… À chaque fois qu’on pense être arrivé quelque part, on n’est pas du tout au bon endroit. C’était aussi une manière de dire que ce que j’ai fait avant, c’était terminé.

«J’ai tout vu, j’ai tout su, j’ai tout oublié» – Marie-Antoinette

Zed Yun Pavarotti : «C’est presque un projet de groupe»

Tu travailles depuis combien de temps sur l’album qui va sortir ?

L’idée vient pendant BeauseigneBeauseigne, c’était vraiment un moyen de me préparer, de m’entraîner un peu et d’aller vers quelque chose que je ne connaissais pas. Il y a eu des tentatives qui m’ont permis d’arriver à maintenant. J’ai l’impression que c’est la première fois que je sors un album. Parce que c’est la première fois que j’aime vraiment ce que j’ai fait. Et que je me sens à ma place dans le fait de composer des trucs et tout.

Tu n’es plus satisfait de Beauseigne avec du recul ?

Le contexte de la sortie était particulier. Avec le Covid-19, et tout, j’ai pas fait de tournée. C’était une demi-sortie. Il faut quand même rencontrer des gens et tout. Là, j’ai vu personne. C’était étrange. Bon, ça a quand même marché, mais c’était étrange. Donc je m’y suis remis rapidement, parce que je n’avais rien à faire.

Tu as composé ce projet seul ?

Il n’y a quasiment pas de studio. Il y a une grosse partie tout seul, avant pour que je reste à l’origine, globalement, de tous les morceaux. Jusqu’ici, je composais très peu. Sur Beauseigne, il y a “Interlude”. Là, j’avais envie de me tester, savoir si j’arrivais à composer, à prendre en main des instruments. Ça a été un peu long. Et après, dans un deuxième temps, je suis accompagné d’un groupe. Ce projet d’ailleurs, c’est presque un projet de groupe parce que j’ai travaillé avec les quatre mêmes personnes tout le long et ces personnes ont participé à la composition, dont Juliete, Osha et un mec qui s’appelle Lucas Terrier. Tout le monde y va un peu des ses envies et de ses créations. Juliete a composé trois morceaux, je crois. Après, c’est toujours à 2, ce sont des discussions. Mais on avance à 4. Moi, j’arrive avec – on va dire – 70% de l’album, et ensuite il y a les arrangements et les morceaux qui sont signés par d’autres gens.

Tu dis qu’il marque un tournant dans ta carrière. Qu’est-ce que tu veux raconter dessus ?

C’est compliqué parce que j’avais pas envie de faire un truc trop lourd, comme avec Beauseigne. Il y avait un côté thématique qui était un peu trop fort, même après dans la promotion. Disons qu’il y avait une facilité à caricaturer un peu mon propos. Et puis bon, revenir à Saint-Étienne tout le temps, au bout d’un moment, ça m’a usé. De dire la même chose tout le temps. Là, j’avais envie d’avoir un propos plus universel et en même temps plus individuel. Ça tourne autour de la fête, globalement, mais sur ce que ça veut dire. La réunion des gens, le fait de trouver du bonheur ensemble, et en même temps, le fait que ce soit quelque chose de très solitaire. L’après-fête, l’avant-fête, quelque chose autour du fait d’expier des choses. Pas forcément des choses très profondes mais sur l’envie de vivre, d’être heureux même si ça dure une heure. C’est beaucoup plus positif.

Zed Yun Pavarotti : «Ça tourne autour de l'envie de vivre, d'être heureux même si ça dure une heure»

© Zoe Joubert

Faire un album plus festif, c’est aussi pour mieux le défendre en tournée ?

Oui, carrément. Si j’avais fait la tournée sur Beauseigne, je pense que j’aurais peut-être eu moins envie d’aller chercher quelque chose de fondamentalement festif. Mais c’est pas si mal. J’ai toujours voulu faire quelque chose qui fasse du bien, qui donne envie de danser. Je suis content d’y être arrivé plus ou moins. Enfin on verra, mais je pense que c’est le cas. J’aime bien la scène, mais ça peut être très exigeant si tu le fais sérieusement. Jusqu’ici, toutes les scènes que j’ai faites, j’étais quasiment tout le temps seul avec un DJ. Le plaisir est amoindri. Donc je ne sais pas encore ce que c’est vraiment de jouer ensemble. Alors je vais découvrir, pour la première fois, vraiment, le plaisir de jouer. Et de voir des gens sauter. Enfin, j’espère.

Chercheur de mélodies

On dit souvent que ton écriture est très imagée. Une de tes phrases dans une interview m’a marquée. Tu dis : « À l’époque, si j’avais envie de faire en sorte que mon morceau soit un désert, il fallait que je dise : cactus, serpent, sable, vent, et je ne disais jamais désert, mais à la fin, tu étais à l’intérieur. Tu places des éléments de décor, des gens, et tu crées une scène». J’ai tout de suite pensé à un tableau. Tu t’inspires d’autres formes d’art que la musique pour créer la tienne ?

Je sais pas, ça dépend ce que tu entends par art. Je ne saurais pas te dire. Après, je suis sans doute très inconscient comme tout le monde. Il y a le rapport visuel, donc on va dire le cinéma. Mais je m’en rend pas forcément compte. Je ne fonce pas dans des inspirations claires comme ça. Ça a été surtout musical.

Souvent, tu dis que tu fais de la musique pour les autres. Mais toi, très personnellement, qu’est-ce qui t’anime à faire de la musique ?

C’est la recherche de mélodies. C’est essayer de trouver la ligne parfaite, un truc qui fasse des frissons. Et c’est dur, c’est très long. La note inattendue. Ce soulagement, ce truc absurde que fait la musique. J’essaye d’essentialiser un peu le truc et je me dis que la musique, en vrai, c’est plus un rapport à la mélodie qu’autre chose et le fait que ça nous détende et que ça amène un récit. En tout cas, ma recherche est là-dessus. Je prend quand même du plaisir à écrire, mais ce n’est pas ce que je recherche en priorité. Après, quand les deux matchent bien, c’est ce qu’on appelle la chanson. C’est le rapport aux deux choses en même temps. Mais écrire, c’est pas très compliqué pour moi donc je n’y pense pas trop. Je m’inspire des gens, surtout. J’ai écrit des chansons qui paraissent personnelles mais qui sont en fait les histoires de gens autour de moi. C’est la première fois que je le fais, sur ce nouveau projet. Il y a un des mecs avec moi, Lucas, qui vivait un truc avec une fille et du coup, j’ai fait une chanson sur son histoire à lui. On dirait que ça me concerne, mais non en fait.

C’est une forme de storytelling. Pourtant, tu as dit ne pas aimer ça ?

Je n’y arrive pas. Mais j’aime bien, c’est ce que je préfère. Après, ça dépend. J’arriverais jamais à être trop premier degré, c’est compliqué et je n’aime pas ça. Je n’aime pas avoir une information quand j’écoute quelque chose. J’ai envie d’avoir de l’émotion. L’information, ça enlève un peu de rapport intime à la musique, je trouve. Mais maintenant, ça va peut-être être plus clair parce que je sais que j’avais un gros manque de clarté. Je pense qu’il y avait un entre-deux à trouver et que c’est un peu mieux. Mais vu qu’on est dans un registre beaucoup moins urbain, il y a beaucoup moins de texte. Donc ça permet forcément moins de choses parce qu’il y a moins de phrases sur un morceau. En tout cas, j’ai quand même essayé de faire les choses correctement. Si j’ai la moyenne, c’est pas mal.

Qu’est-ce qu’il y a dans ta playlist ?

Il y a des musiques des années 90 et des années 60, c’est tout. Que des morceaux anglais, quasiment. En ce moment, j’aime bien les ballets ballades pop rock des années 90. Après, en ce moment, j’écoute presque que The Zombies.

Voir les choses en grand

J’ai l’impression que tu estimes beaucoup cette image de la rockstar. Tu parles d’agressivité, d’un côté théâtral. Est-ce que t’aspires à avoir cette image ?

On verra. Le pire, c’est d’essayer de le faire. Je pense qu’il faut un rapport naturel. Il faut être bien avec soi-même. Si t’es foncièrement à l’aise avec toi-même et que tu te fais confiance, au bout d’un moment, ça commence à arriver. Après, il y a des personnalités qui n’inspirent pas forcément la nervosité. Tout le monde n’est pas Liam Gallagher. Mais je pense que c’est être bien dans ses baskets. Après, les gens commencent à les regarder et se disent : «ah ouais». Et c’est là que tu deviens une rockstar.

Tu penses ressembler à cette description ?

Je sais pas, on verra. C’est pas à moi de le dire. Déjà, pour être une rockstar, faut vendre et être riche. Ce n’est pas mon cas. Je suis stagiaire. Et puis c’est conditionné par le succès. Il faut que ce soit à grande échelle, sinon c’est un peu ridicule. Je ne me permettrais pas une insolence de quelqu’un qui paie l’ISF (impôt sur la fortune). Je peux pas faire ça, je gagne pas un rond encore. Donc je prend le temps.

Est-ce que tu trouves que sur la scène française actuelle, il y a des artistes qui s’apparentent à cette image ? Si oui, qui ?

Il y a des vrais stars. Mais il n’y en a pas beaucoup, je trouve. Angèle a fait un truc de popstar, vraiment, qui avait disparu en vrai. C’est vraiment l’idole, donc c’est intéressant quand même. Après, j’avoue que je ne suis pas très curieux. J’ai découvert Clara Luciani hier. On a un rapport qui est très hermétique à la star. C’est que de la douceur, elles peuvent rien imposer, j’avoue que ce n’est pas mon registre. C’est à cause de TF1 tout ça.

Tu disais justement sur Clique que la définition d’une rockstar, c’était de ne pas vouloir être aimé.

C’est ça. C’est surtout de ne pas vouloir plaire. C’est d’imposer des choses, et les gens choisissent de les aimer ou pas mais par contre, il faut rester sur ses bases. Et la tendance n’est pas là-dessus parce que c’est plus intéressant, commercialement, de ne pas prendre de risques et d’avoir un truc qui est très hermétique. Après, je fais peut-être une connerie.

Tu parles de ce qu’a créé Angèle. Elle a la particularité d’avoir une communauté très solide. Tu penses en avoir une ?

Je pense. Au bout de deux ans d’absence, j’ai pas senti de manque particulier au retour. Mais vu que moi, j’ai un rapport très fluctuant et changeant à ce que je fais, forcément, le public aussi. Je perd des gens, j’en récupère d’autres. Alors j’arrive pas à savoir, je ne m’en rend pas compte statistiquement, mais j’ai le sentiment que j’ai perdu une partie des gens que j’ai ramené grâce à French Cash parce que j’étais identifié comme le rappeur et je voyais que le public était un public qui aimait le rap. C’étaient des gens beaucoup plus jeunes aussi. Là, j’en vois moins. Donc c’est changeant, mais je sais qu’il y a un noyau dur. C’est sûr. Et l’avantage, c’est que dans ce noyau-là, les gens ne me demandent pas de faire un truc mais de les surprendre. C’est le gros avantage.

Il y en a aussi qui grandissent avec toi ?

Oui je pense, un petit peu. Mine de rien, French Cash, c’était il y a 4 ans presque. J’espère mais en tout cas, j’ai confiance. Je sais qu’à chaque fois que je viens à parler avec quelqu’un qui me suit, c’est vraiment «surprend-moi». «Il faut que je ne sache pas ce que tu vas faire après». Là, personne sait. Donc c’est gagné, on est dans un rapport équitable.

Ta transformation peuvent également t’amener vers un nouveau public.

Sans doute. Je pense que ça va faire écho à la jeunesse de certaines personnes plus âgées maintenant. Et en même temps, il y a un truc assez satisfaisant – peut-être que c’est trop tôt mais on verra – parce que ça va faire écho aux souvenirs des parents des jeunes. Et en même temps, vu que c’est le créneau dans lequel je m’engage, j’ai le sentiment que c’est quand même en train de revenir, donc je pense qu’il peut y avoir un truc où les deux matchent bien. Et ça serait cool. Ça serait même le paradis, si les enfants et leurs parents m’écoutaient. C’est déjà arrivé.

Aucune collaboration sur ce projet ?

J’en suis toujours pas friand. Pas client. Il n’y a que moi dessus. Mais pour la première fois, il y a d’autres voix que la mienne. Dont Juliete. Et Lucas aussi, qui fait des chœurs. Ça reste discret, mais c’est la première fois qu’on peut avoir le sentiment qu’il n’y a pas que moi sur le morceau. Donc c’est bien. Après, j’ai pas eu d’instinct pour une collaboration. Je sais pas si ça arrivera un jour, je n’y suis pas fermé mais j’ai un petit problème théorique avec ça parce que je trouve ça pas très naturel. Lestin, ce n’était pas du tout planifié. Je devais l’aider à la réal et à la compo d’un morceau puis au final, on s’est pris au jeu et c’était cool. J’avais une ligne, je trouvais que ça collait bien, donc pas de problèmes. Mais oui, c’est assez souvent commercial.

Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

Un disque de platine, une tournée pleine, et puis pas de problèmes de santé, j’espère.

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